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Faux orphelinats, arnaques… les dérives du volontourisme dénoncées

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Écrit par Damien Bouhours
Publié le 8 décembre 2020, mis à jour le 10 décembre 2020

Le volontariat à l’international se développe de plus en plus, de quoi attirer les jeunes Français mais également les organisateurs malhonnêtes. La députée Anne Genetet a souhaité légiférer le « volontourisme », un faux bénévolat qui cause de vrais dégâts au sein des populations locales et ternit l’image de la solidarité internationale.

 

La députée de la 11e circonscription des Français de l’étranger, Anne Genetet, suite à un long travail de concertation avec les acteurs du tourisme et du volontariat, notamment avec la plateforme France Volontaires, a déposé une proposition de loi visant à réglementer le volontourisme.

 

Qu’est-ce que le volontourisme ?

Contraction des mots « volontariat » et « tourisme », le volontourisme désigne les séjours de volontariat à l’étranger, organisés par des organismes souvent peu scrupuleux, qui font payer très cher les volontaires - souvent jeunes - et mettent parfois en danger les populations locales. La députée Anne Genetet a pu constater les dérives de ce tourisme solidaire dans les pays de sa circonscription et notamment en Asie du Sud-Est : « Depuis les années 2000, un fort engouement pour ces missions à l’international a été observé, dépassant le nombre d’opportunités disponibles via les dispositifs encadrés. Un développement rapide de nouvelles formes de volontariats ou apparentées s’en est suivi, dérogeant parfois aux principes de qualité du volontariat (partenariats équitables et pérennes, formation au départ, suivi et accompagnement pendant et après l’expérience, garanties de sécurité etc.) et pouvant entraîner des dérives comme le « volontourisme ». »

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Une projet de loi pour réglementer le volontourisme

C’est le 5 décembre, à l’occasion de la Journée internationale du volontariat, que la députée des Français d’Asie-Pacifique et d’Europe orientale a présenté à la presse sa proposition de loi qui s’articule autour de cinq articles qui ont pour but de réglementer le volontourisme.

La première volonté de ce projet de loi est de définir le principe de volontourisme et d’interdire « l’utilisation des termes de « volontariat » ou « bénévolat » pour des activités payantes et à but lucratif, sans que cette contribution financière ne participe à financer le projet initial et/ou des projets annexes d’intérêt général ». Cet amendement permettra de combler le vide juridique et de bien différencier le bénévolat d’une activité touristique réglementée comme telle.

L’une des principales dérives du volontourisme reste l’instrumentalisation des populations locales à des fins lucratives. L’article 2 vise donc à « compléter dans le code pénal la définition de la « traite des êtres humains », afin d’y inclure l’utilisation et la mise en scène de personnes vulnérables, dans le but d’organiser des séjours touristiques. » La création de faux orphelinats, de villages « ethniques » ou encore de structures accueillants des touristes pour aller à la rencontre de populations fragilisées doit être interdit et condamné. L’article rappelle que « la traite des êtres humains est punie de sept ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende (article 225-4-1du code pénal). La peine peut être aggravée à dix ans d'emprisonnement et 1 500 000 euros d'amende lorsque l’infraction est notamment commise à l'égard d'un mineur, ou à l'égard d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur (article 225-4-2 du code pénal). »

Comme c’est déjà le cas pour les animateurs de centre aéré ou de camps de vacances pour les mineurs, l’article 3 « prévoit de soumettre les organisations proposant des actions de volontariat au sein de structures œuvrant auprès de mineurs, aux mêmes règles de vigilance que les organisations travaillant en France, en empêchant l’accès à ces séjours touristiques ou missions aux personnes ayant été condamnées pour crime ou pour certains délits. » Un extrait de casier judiciaire « Bulletin 3 », accessible facilement en ligne, sera demandé obligatoirement à tous les participants.

La définition de l’activité de volontourisme comme une activité touristique à but lucratif est également mise en avant par l’article 4, qui précise : « cette concurrence déloyale passe par le non-respect des règles imposées aux agences de voyage, notamment l’enregistrement auprès d’Atout France, la garantie financière, la souscription à une assurance de responsabilité civile, mais aussi par l’offre d’avantages comparatifs indus tels que la défiscalisation d’une partie des séjours touristiques au titre du don à une association. »

La députée Anne Genetet souhaite enfin apporter une reconnaissance supplémentaire à « la plateforme France Volontaires, opérateur du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et ses membres, qui jouent un rôle primordial dans l’information et l’orientation des personnes souhaitant s’engager dans des actions de volontariat à l’international. » « Cette reconnaissance par le législateur a pour faculté de donner à l’association toute sa légitimité auprès des acteurs français et partenaires internationaux de la France dans l’élaboration, la diffusion et la promotion de standards internationaux en matière de volontariat », souligne l’article 5.

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Ne pas ternir l’image du volontariat international

Lors de la présentation de son projet de loi, qui devrait être discuté à l’Assemblée au premier semestre 2021, la députée Anne Genetet, a souhaité insister sur le rôle essentiel du volontariat et de ses bénéfices, notamment pour les jeunes générations. « Chaque année, des milliers de Français et Françaises s’engagent dans des missions de volontariat afin d’apporter leur contribution à des actions de solidarité à l’international et de vivre une expérience transformatrice dans leur parcours aussi bien personnel que professionnel », a-t-elle ainsi déclaré. De nombreux dispositifs existent en France (service civique international, VIE, volontariat de solidarité internationale,…) et à l’étranger, qui permettent aux Français de s’impliquer dans le respect du droit et des populations locales. Les pratiques de volontourisme viennent ternir la réputation du volontariat à l’international, qui participe pourtant à l’esprit de partage et de solidarité universel. La députée a précisé qu’une grande campagne de communication sera lancée pour sensibiliser les Français et en particulier les élèves et étudiants français, qu’ils résident dans l’Hexagone ou à l’étranger.