Géraldine Filippi (Amadeus) : "Je mobilise chaque jour mon expérience du public"

Pouvez-vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a conduite à occuper aujourd’hui le poste de Senior Vice President Public Affairs chez Amadeus, à Madrid ?

Mon parcours est assez atypique. J’ai commencé dans le tourisme comme prof de golf au Club Med, avant de partir vivre à New York, où j’ai travaillé dans le showbiz en devenant l’assistante d’Isabella Rossellini. Le monde du cinéma, que j’ai eu la chance de côtoyer de très près pendant quelques années, est bien moins glamour qu’on ne le croit, même si Isabella et sa famille ont été formidables avec moi. J’ai ensuite lancé une école de cuisine italienne, toujours à New York.

 

J’ai découvert Amadeus lors d’une précédente expatriation à Madrid

Puis je suis revenue à des choses plus structurées en rejoignant Dentsu dans la communication, avant de m’orienter vers ce qui allait devenir le cœur de ma carrière : le secteur public. J’avais fait des études de droit public, et j’ai passé plus de 25 ans dans la diplomatie économique dont 16 années comme Attachée Commerciale d’Ambassade chez Business France. J’ai accompagné des entreprises à l’international, participé à de nombreuses visites officielles. C’est un univers passionnant, avec des collègues aux quatre coins du monde, souvent très engagés. On est loin du cliché diplomatique figé.

J’ai découvert Amadeus lors d’une précédente expatriation à Madrid et j’ai immédiatement accroché avec l’entreprise. Quand un chasseur de têtes m’a contactée quelques années plus tard pour un autre poste, j’ai préféré reprendre contact avec Amadeus. Aujourd’hui, je suis dans le privé, mais je continue à mobiliser chaque jour mon expérience du monde public. Je viens d’ailleurs d’être nommée Conseiller du Commerce Extérieur et membre du board de la French Tech, et j’espère pouvoir rendre à la France, qui m’a tant donné, la belle reconnaissance qu’elle vient de m’accorder.

 

De la douceur de vivre en Espagne

Quelles ont été les principales étapes de votre expatriation en Espagne, tant sur le plan professionnel que personnel ?

C’est ma troisième expatriation en Espagne, et c’est clairement celle où je me sens le plus ancrée. J’ai aussi eu la chance de vivre aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Turquie et en France. Et même si je reste profondément attachée à la France, après 25 ans de service public, l’Espagne occupe aujourd’hui une place toute particulière dans mon équilibre. Madrid est une ville ouverte, vivante, accueillante. Il y règne une vraie douceur de vivre. Chaque soir peut ressembler à un week-end, et chaque week-end à des vacances. On se ressource très vite, et on est d’autant plus productif au travail. Les Espagnols sont des amours.

Madrid est une ville ouverte, vivante, accueillante

Ma meilleure amie espagnole me taquine souvent sur mes cheveux courts, qu’elle trouve trop "français". Je prends ça comme un clin d’œil affectueux à mes racines.

Mes enfants sont nés à Boston et à Londres, mais c’est en Espagne qu’ils ont le plus grandi. Ils se sentent profondément proches de cette culture, et je comprends pourquoi. Ici, tout invite à se sentir bien. Moi aussi, je me sens vraiment chez moi.

Je crois que pour beaucoup d’expatriés, la patrie se tisse quelque part entre le pays de naissance et le pays de cœur des parents,celui où l’on construit sa vie. En ce sens, l’Espagne m’a accueillie avec une chaleur qui va bien au-delà de l’hospitalité. Elle m’a adoptée, tout simplement.

Mon travail consiste à anticiper tout ce qui, dans les politiques publiques, les régulations ou les grandes tendances géopolitiques, peut affecter notre activité

 

Créer un dialogue constructif entre sphères publique et privée

Comment décririez-vous votre quotidien et vos responsabilités au sein du siège mondial d’Amadeus ?

Je suis responsable des affaires publiques pour le groupe. Mon travail consiste à anticiper tout ce qui, dans les politiques publiques, les régulations ou les grandes tendances géopolitiques, peut affecter notre activité. Avec plus de 100 bureaux dans le monde et une présence du groupe dans 196 géographies je n’ai pas le temps de m’ennuyer.

Je suis au carrefour entre veille stratégique, analyse de risque, lobbying institutionnel et accompagnement business. Je travaille main dans la main avec nos équipes à travers le monde, mais aussi avec les institutions européennes, les gouvernements, les régulateurs et nos partenaires industriels. 

J’œuvre à créer un dialogue constructif entre sphères publique et privée, pour que les décisions soutiennent le développement durable de nos solutions.

 

Contribuer à une régulation cohérente et favorable à l’innovation responsable

Quels sont, selon vous, les grands enjeux actuels auxquels Amadeus fait face dans le secteur du voyage et des technologies ?

L’un des grands défis actuels est l’instabilité réglementaire. Les règles changent vite, souvent sans cohérence entre pays ou secteurs, ce qui crée de l’incertitude et freine l’innovation dans des industries très interconnectées. Autrefois, les entreprises investissaient là où se trouvaient les marchés ; aujourd’hui, pour les entreprises technologiques, le coût de la compliance pèse autant que le potentiel commercial et oriente les choix d’investissement et d’innovation. Nous avons besoin de simplification partout, en commençant par donner l’exemple en Europe.

 

L’un des principaux défis aujourd’hui est l’instabilité réglementaire

Nous faisons aussi face à des enjeux de fond : souveraineté technologique, gestion des données, cybersécurité, transition écologique. Nous sommes au carrefour de nombreux univers réglementés : numérique, transport, environnement, fiscalité. Et ces mondes ne se parlent pas toujours entre eux.

C’est pourquoi il est essentiel qu’Amadeus fasse entendre sa voix, pas seulement pour défendre ses intérêts, mais pour contribuer à une régulation cohérente et favorable à l’innovation responsable.

Amadeus: un siège à Madrid, un centre de R&D à Sophia Antipolis, un pôle technologique en Allemagne

Comment Amadeus s’affirme-t-il comme un acteur stratégique au sein de l’écosystème technologique international depuis Madrid ?

Amadeus est un acteur mondial avec un ADN européen affirmé. Le groupe repose sur un triple ancrage: un siège à Madrid, un centre de R&D de référence à Sophia Antipolis en France, et un pôle technologique historique en Allemagne. Cette implantation unique nous permet de conjuguer ambition globale et enracinement régional, tout en participant activement aux grands débats européens sur le numérique, la fiscalité, l’IA ou encore la compétitivité.

Notre mission est de connecter tous les acteurs du voyage

Notre mission est de connecter tous les acteurs du voyage, compagnies aériennes, aéroports, agences, hôtels, trains, grâce à des solutions technologiques robustes, fiables et sécurisées. Concrètement, Amadeus fait tourner une grande partie de l’infrastructure numérique du voyage mondial. C’est un rôle discret, mais absolument essentiel.

Quand j’ai rejoint l’entreprise, j’avais une attente très claire : pas de mauvaise surprise. C’est d’ailleurs un slogan inventé par mon boss, et c’est devenu ce qui guide mes pas au quotidien. Mon rôle consiste à anticiper, rassurer, créer un cadre de confiance entre les sphères publique et privée. Favoriser l’innovation en comblant le fossé entre l’intention politique et la réalité économique.

Et ce qui m’a le plus marquée chez Amadeus, c’est la qualité humaine. J’y ai trouvé des équipes à la fois incroyablement professionnelles et sincèrement bienveillantes. C’est une entreprise exigeante, engagée, qui donne envie de s’impliquer pleinement.