Édition internationale

A. Fernández, NTT Data: "Nous voulons, et nous devons croître sur le marché français"

Pour le responsable de la branche "Industrie et Service" Emeal (Europe, Middle-East, Afrique, Amérique latine) de NTT Data, l'un des leaders mondiaux en conseil et accompagnement de la transformation numérique des sociétés, les entreprises vont devoir affronter cinq bouleversements majeurs dans les années à venir. Ces changements auront des impacts sur l'organisation de la production, mais aussi et surtout sur les ressources humaines -notamment dans le cadre de l'expatriation. Dans ce contexte, au-delà des questions purement techniques, la création de valeur, la gestion du talent et le sens de l'investissement professionnel sont au cœur de la vision holistique que porte le géant nippon sur l'intégration nécessaire des nouvelles technologies aux process modernes de l'industrie.

alonso fernandez terronalonso fernandez terron
Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 19 juin 2023

Il a fait toute sa carrière dans le conseil en entreprise, avec notamment des débuts dans une entreprise française (Sema, rachetée en 2001 par Schlumberger), et deux expatriations en Amérique latine, où il a supervisé les développements en Colombie, au Vénézuela, en Argentine et au Chili. En 2004, il intègre l'un des principaux cabinets de conseil espagnol, Everis, qu'il contribue à faire grandir jusqu'à son acquisition en 2013 par le Japonais NTT. Depuis lors, ce Barcelonais cosmopolite et francophile n'a cessé de prendre des responsabilités au sein d'une entreprise qui facture près de 30 milliards de dollars dans le monde, et qui, après la croissance externe initiée au début du millénaire, a entrepris en 2021 de regrouper l'ensemble de ses filiales sous une seule grande enseigne, NTT Data. "Nous aidons nos clients à devenir plus compétitifs et à générer de la valeur, via une approche globale de leurs enjeux", déclare-t-il. Et de préciser : "Face aux mutations constantes liées aux nouvelles technologies, et face à la vitesse des changements, nous accompagnons la transformation industrielle des entreprises en nous appuyant sur des équipes multidisciplinaires, travaillant de façon totalement intégrée". Autrement dit, une approche end-to-end particulièrement dans l'air du temps, qui englobe l'ensemble des aspects (techniques, stratégiques, commerciaux, structurels, humains...) des mutations toujours plus complexes auxquelles sont confrontées les entreprises. "Notre raison d'être", défend néanmoins Alonso Fernández Terrón, "reste d'aider nos clients à devenir meilleurs, en mettant le talent au centre de notre réflexion". Pour le dirigeant, "la transformation industrielle est aussi une question de personnes", et on aurait tort de parfois l'oublier.


Digitalisation de la production industrielle

D'autant que les entreprises se préparent (ou devraient rapidement le faire) à des bouleversements certains dans l'ensemble de leurs process. La cinquième révolution industrielle est en marche, 10 ans à peine après le lancement de l'industrie 4.0. De fait, la transformation digitale, largement développée au cours de la dernière décennie en relation à l'expérience client et aux canaux de distribution notamment, doit désormais être déclinée dans les étapes de la fabrication, au sein même des usines. "Il n'y a pas encore eu de véritable transformation digitale industrielle", estime Alonso Fernández, même si certains secteurs ont à cet égard pris une certaine avance, à l'instar de l'automobile ou de certaines industries lourdes. "Le défi des entreprises est de savoir disposer de visibilité, depuis les prévisions de demande jusqu'au processus d'achat, en passant par la logistique et la production", explique-t-il. La flexibilité, et le coût de cette dernière, est au cœur de cette démarche, qui doit s'appuyer sur une analyse fine des datas et l'intégration dans toute l'entreprise d'une hyperautomatisation des process. 

Hyperautomatisation des process

"L'hyperautomatisation et l'avènement de l'intelligence artificielle (IA) constitueront l'apogée d'une bonne partie des transformations que nous observons depuis plusieurs années, réalisées parfois de façon fragmentée". Un enjeu majeur, "qui va changer profondément notre société" et "soulever des questions éthiques essentielles", estime le responsable de NTT Data. "Il ne s'agit pas de s'opposer aux avancées technologiques, mais d'apprendre à vivre avec, de les gérer et de poser les bonnes limites", continue-t-il. Toujours est-il que l'IA est désormais incontournable, elle est accélératrice du changement et requiert une stratégie d'entreprise qui aille au-delà de l'usage -ou pas- de chatGPT dans la rédaction des courriers électroniques.

"Plateformisation" des marchés

N'en déplaise aux esthètes de la langue, la plateformisation de l'économie est bel et bien un fait, dont nous sommes au quotidien consommateurs, via des espaces tels qu'Amazon ou Netflix, pour ne citer que les plus célèbres. Les entreprises d'un même secteur d'activité, même concurrentes, et notamment dans le BtoB, sont appelées elles aussi à se regrouper autour de réseaux concentrant la diversité de leurs offres et services, afin de promouvoir des solutions complètes pour leurs clients. Derrière ce phénomène, une tendance qui veut que "les fabricants glissent d'un modèle de production commerciale vers un modèle de vente de services", analyse Alonso Fernández. 

"Servicialisation" des activités

Encore un néologisme qui risque de faire grincer des dents, mais la part croissante des services dans le chiffre d'affaires des structures est une réalité, elle est d'ailleurs la résultante de l'usage toujours plus intense des datas, "mais est aussi fortement liée au capital humain et à sa capacité à prêter les services vendus", estime l'intéressé. "La servicialisation des activités a en outre un impact direct sur le compte de résultats des entreprises", souligne-t-il encore.

L'entreprise, acteur d'un monde meilleur

Un vœu pieux ? Pas forcément, puisqu'il répond aussi à la logique de marché. "Les entreprises de demain doivent faire valoir un véritable projet de société", défend enfin le responsable de NTT Data, père de 3 enfants, qui insiste : "Elles doivent agir en faveur d'un monde meilleur, notamment parce que la conscience citoyenne à cet égard va être de plus en plus forte et exigeante". 

Le marché français, un objectif prioritaire

Pour cet ancien ressortissant espagnol de l'étranger, la transformation industrielle aura aussi des impacts sur le profil des expats : "les profils recherchés seront plus spécifiques et le nombre de personnes déplacées certainement moindre", déclare-t-il. "On aura à faire à une expatriation plus sélective, avec des profils de spécialistes, des gestionnaires et des cadres de très haut niveau", prévoit-il. "L'expatriation devrait se concentrer sur la couche la plus haute des dirigeants, tandis que les postes intermédiaires pourront être relégués à des employés travaillant à distance, depuis leur pays d'origine". Et de regretter : "C'est dommage car la multiculturalité nous rend meilleurs", notamment dans notre vie professionnelle, et "la multiculturalité ne peut être assimilée qu'à travers des vidéoconférences". 

La France, 3e marché européen pour l'industrie du conseil, reste résiduelle dans le chiffre d'affaires de NTT Data, qui affiche des pénétrations particulièrement bonnes en Espagne, bien sûr, mais aussi en Allemagne, en Italie, au Royaume Uni et en Amérique latine. Pour Alonso Fernández, il est désormais temps que NTT Data prenne une part prépondérante de l'autre côté des Pyrénées. "Les projets d'entreprise ne fonctionnent que si les entreprises mettent les moyens en face", observe-t-il à cet égard. "Nous voulons, et nous devons croître sur le marché français", conclut-il.

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