Episodes de pollution, brouillard épais, faible visibilité, odeurs toxiques. Voici le lot, plus ou moins important, de l’arrivée de la saison hivernale en Inde. Quelles sont les conséquences ? comment expliquer cette situation ? Faut-il s’inquiéter encore plus cette année ?
Des conséquences dramatiques d’un tel brouillard
Les instances sanitaires préviennent depuis quelques semaines les habitants de l’Inde : la saison hivernale commence (et durera jusqu’au mois de février) et avec elle arrive un brouillard plus ou moins épais aux conséquences ravageuses :
- Cet épais brouillard toxique pique les yeux et encombre la gorge. Mais pas que. Les personnes les plus vulnérables suffoquent, certains enfants ont une capacité pulmonaire limitée…Chaque année, les médecins recommandent de ne pas sortir de chez soi, de porter un masque ou acheter un purificateur d’air. Mais quid de ceux qui ne peuvent pas se le permettre ou qui travaillent dehors comme les ouvriers ou les chauffeurs de rickshaws ? Si Delhi est l'épicentre de la pollution, elle est loin d’être la seule mégapole qui étouffe…
- Pire encore cette année…de nombreux médecins estiment que la pollution corrélée au coronavirus risque de conduire à une situation explosive… "Plusieurs études dans le monde ont établi un lien entre la pollution de l'air et davantage de cas et de décès du coronavirus", explique le Dr Kundra à l'AFP. En effet, en novembre dernier, on pouvait lire dans les médias que 13 % des nouvelles infections Covid-19 seraient aussi liées à la pollution, d’après la « Indian Medical Association » (IMA). Très concrètement, des experts expliquent que « les polluants microscopiques transportent le virus loin dans les poumons », ce qui rend parfois la guérison bien plus difficile… Par ailleurs, le Dr Kundra ajoute que "Exposés à la pollution accrue, les patients souffrant d'une maladie pulmonaire chronique obstructive sont susceptibles de développer des formes plus graves de l'infection".
- Autre conséquence, une mauvaise visibilité qui peut perturber considérablement les vols, les services ferroviaires et les trajets routiers. Des retards, annulations de vols ou pire, des accidents de la route arrivent chaque année. Récemment, le 7 décembre dernier, environ 28 personnes ont été blessées lors de deux carambolages de véhicules dans le Grand Noida (district de Gautam Budh Nagar, Uttar Pradesh). Les États du Nord et de l'Est tels que l'Asom (Assam), l'Haryana, l'Himachal Pradesh, la Meghalaya, le Pendjab, le Rajasthan, le Sikkim, l'Uttarakhand, l'Uttar Pradesh et le Bengale occidental, ainsi que les territoires de l'Union du Jammu-et-Cachemire, du Ladakh, de Chandigarh et de la capitale Delhi sont généralement les plus touchés. Par ailleurs, les grandes villes telles que Bangalore (État du Karnataka), Hyderabad (État de Telangana) et Chennai (État du Tamil Nadu) peuvent, elles aussi, être touchées.
Une situation qui se répète chaque année
La saison hivernale est chaque année synonyme de dégradation de l’air en Inde. Cette situation récurrente, qu’on appelle aussi « smog » provient d’une combinaison d’éléments néfastes qui, ensembles, tuent la population. Concrètement les gaz habituels, les polluants industriels, les émissions de véhicules, les générateurs des habitations au diesel, mais aussi les fumées liées aux feux agricoles de la saison (réalisés après les récoltes) et malheureusement l’absence de vent suivi de l’arrivée de l’humidité hivernale fait stagner cet affreux mélange de particules fines mortelles au-dessus du pays.
Il faut savoir qu’en 2019, la pollution atmosphérique a tué 6,67 millions de personnes dans le monde, dont 1,67 million en Inde, soit 25% des décès !*I Vous vous souvenez peut-être, cette même année a été un record en termes de niveaux de pollution en Inde, obligeant le Gouvernement de New Delhi à déclarer l’Etat d’urgence sanitaire publique… Au 1er semestre 2020, on estimerait à environ 24 000 décès liés à la pollution atmosphérique en Inde**, en rappelant au passage que le confinement strict de quelques mois avait considérablement amélioré la qualité de l’air (Des habitants de l’État du Punjab ont déclaré avoir aperçu l’Himalaya, chose rare…)
Concrètement, on fait quoi pour lutter contre ce fléau ?
Mais que c’est dur de lutter contre un ennemi toxique récurrent et bien installé… Si nous ne pouvons pas retracer toutes les actions qui ont été menées pour lutter contre la pollution, essayons de voir ce qu’il en est aujourd’hui : En 2019, le Gouvernement lance un programme national pour un air pur. 122 villes indiennes sont alors incitées à proposer des solutions pour réduire la pollution d’ici 15 ans. Un an plus tard, on estime à une centaine de villes qui ont mis en place un plan d’actions. A titre d’exemple, la ville d’Ahmedebad (au Nord-Ouest de l’Inde) veut mettre en place 8 nouveaux sites de surveillance de l’air, avec un système d’alarme si le seuil est dépassé. La formation de professionnels de santé est aussi envisagée.
Au-delà d’excellentes idées et initiatives partout dans le pays, il semble évident que la vraie solution serait d’accélérer la transition énergétique du pays en fermant par exemple les centrales à charbon, réduire l’utilisation de générateurs, réglementer les émissions des usines, inciter la population à consommer et à se déplacer « plus vert ». Oui, des lois existent et se multiplient, mais le gros problème reste de les faire appliquer… De leur côté, des organisations, mais aussi des particuliers proposent régulièrement des pistes d’amélioration, comme l’augmentation de bus publics, la plantation de forêts en ville, ou encore la construction d’une machine retenant les particules fines des générateurs.
Est-il possible d’améliorer les conditions atmosphériques ? Si on a pu admirer l’Himalaya dans le Punjab pendant le strict confinement, c’est que c’est faisable…non ?
*Health Effects Institute 2020 - State of Global Air 2020. // **Greenpeace : en savoir plus, cliquez ici