Comme la plupart des Varsoviens, vous connaissez certainement la rue Emilii Plater, entre Złote Tarasy et le Palais de la Culture. Mais savez-vous qui est la femme dont la rue tient son nom ? Cette héroïne romantique est le symbole féminin de la lutte de la Pologne pour l’indépendance et est devenue célèbre pour sa participation aux combats de l’insurrection polonaise de 1830-1831 contre l’occupation russe.
Sa vie et ses rêves
Son nom, d’origine allemande, est celui de ses ancêtres venus de Westphalie en Pologne, et installés à Vilnius, ville florissante à l’époque. Emilie y naît en 1806 au sein d’une famille riche et illustre. A cette époque, la Lituanie était sous domination russe et ne rêvait que d’une chose, être réunie à la grande patrie, la Pologne. Ses parents divorcent en 1815. La jeune Emilie et sa mère s’installent alors chez des parents éloignés au manoir de Liksna près de Daugavpils (la Lettonie actuelle). Elle y reçoit une très bonne éducation et grandit dans le culte d’une Pologne puissante et libre.
Cultivée, elle se passionne dès son plus jeune âge pour les grandes figures patriotiques de l’histoire polonaise qui ont lutté pour l’indépendance de la Pologne (le général Kosciuszko, le prince Poniatowski). Elle compte parmi ses amis des écrivains qui revendiquent l’indépendance polonaise dont Adam Mickiewicz, un des grands poètes romantiques européens, fervent partisan d’une Pologne indépendante. La princesse Wanda, fille du roi de Cracovie, Grażyna, l’héroïne du poète Mickiewicz, Bouboulina en Grèce, sont autant de figures féminines qui nourrissent les projets de reconquête et de souveraineté de la jeune Emilia. Elle voue surtout un culte fervent à Jeanne d’Arc.
Plutôt que de mener une vie de château et de fonder une famille, comme il sied à toute jeune fille de son rang à cette époque, Emilia, frêle et délicate ne rêve que d’une chose : participer à la libération de la Pologne et la délivrer de la domination russe. Toutes ses journées sont consacrées à la réalisation de ce but ultime. Quand elle n’étudie pas, on la voit monter à cheval, apprendre à manier les armes ou renforcer sa condition physique. En 1823, un événement va constituer un déclic pour elle. Un de ses cousins germains, Michel Plater, âgé de 13 ans est enrôlé de force dans l’armée russe pour avoir écrit au tableau, dans sa classe : « Vive la Constitution du 3 mai ».
En 1829, elle effectue avec sa mère un pèlerinage en Pologne à Cracovie et à Varsovie. Quelle ne fut pas l’émotion d’Emilia au moment de fouler le sol polonais ! Ce voyage la rend encore plus sensible à la cause polonaise.
Ses faits d’armes
En 1830, sa mère meurt et plonge Emilia dans un grand désespoir. La même année, elle décide de s’engager pour combattre l’envahisseur russe. Elle se rend à Vilnius où se répand la nouvelle de la révolution de novembre de Varsovie. Emilie coupe ses cheveux, revêt un costume d’hommes, s’arme d’un sabre et de deux pistolets et lève une petite armée de 280 chasseurs munis de leurs fusils, de quelques centaines d’hommes armés de faux et d’une soixantaine de cavaliers. Malheureusement, elle doit faire face à une défaite. Elle rassemble alors non sans peine les restes de sa petite troupe, participe à quelques batailles et finit par rejoindre les troupes du général Chłapowski auprès de qui elle servira avec enthousiasme la cause de l’indépendance.
Emilia Plater devient capitaine d’un bataillon d’infanterie, conduisant cette fois-ci de vrais soldats. Partout où elle arrive sa réputation la précède. Sa ténacité, son exaltation, son patriotisme font l’admiration de tous et motivent les troupes. Mais la défaite de Vilnius, consacrant la victoire des Russes, marque la fin de cette insurrection. Émilie se trouve à Kaunas et après une sanglante bataille, son bataillon finit par être décimé. Alors que le général Chłapowski décide de rendre les armes et de se réfugier en Prusse, Emilia refuse de capituler et quitte l’armée avec pour objectif de gagner Varsovie. Après des jours d’errance dans les marais et forêts, elle succombe à l’épuisement et à la fièvre, le 23 décembre 1831 à Vainežeris, à seulement 26 ans. Elle est inhumée dans un petit village isolé sans faste et honneurs.
Son héritage
Son nom va résonner longtemps en Pologne, en Lituanie et à l’étranger où elle devient une légende de l’histoire polonaise et lituanienne. Elle représente en effet le symbole de la lutte contre l’occupation russe et de la résistance féminine. Son courage et sa fidélité feront l’objet de peintures et d’œuvres littéraires. Adam Mickiewicz lui rend hommage dans son poème La mort d’un colonel. Son ami d’enfance, Joseph Staszewicz, lui consacre un livre dans lequel il déclare « Ayant pris Jeanne d’Arc pour modèle, elle égala cette femme sublime dans le dévouement et le courage ».
Publication réactualisée sur la base d'un article rédigé antérieurement dans le cadre de l'activité "Histoire de la Pologne" de Varsovie Accueil, par Chantal Haquette.