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Dans les coulisses du Mercado Central de Valencia

le marché central, quelques instants avant l'ouverturele marché central, quelques instants avant l'ouverture
©LPJV
Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 21 décembre 2018, mis à jour le 9 septembre 2023

Lieu incontournable de la ville de Valence pour tous les touristes, le Marché Central représente bien plus qu’un monument pour les Valenciens : c’est un petit village à lui tout seul qui fonctionne six jours sur sept, de 7h à 15h, avec son microcosme et ses règles, mais surtout, essaie de se réinventer chaque jour pour s’adapter aux demandes de la clientèle. Lepetitjournal.com/valence a suivi le temps d’une journée, Ludi, vendeuse pour la boucherie Rosa Lloris depuis 18 ans qui nous a fait découvrir l’envers du décor d’un marché pas tout à fait comme les autres …

 

Le rendez-vous est fixé à 6h30 ce samedi matin avec Ludi et sa collègue Angela. Après un trajet d’une quinzaine de minutes en voiture à travers les rues valenciennes, l’imposant bâtiment au style moderniste se dessine devant nous. Conçu par Francesc Guardia i Vial et Alexandre Soler i March, tous deux issus de l’Ecole d’Architecture de Barcelone, le Marché Central accueille déjà les marchandises qui sont en train d’être déchargées par les magasiniers. Le « Ventre » de Valence, avale autant de produits frais venus directement de la huerta voisine ou de la centrale Mercavalencia située dans le barrio de la Punta au sud de la ville.

Les camions déchargent leur marchandise
Les camions déchargent leur marchandise

 

Après s’être garées à quelques pâtés de maison du Mercado Central, Ludi et Angela retrouvent les autres commerçants qu’elles saluent chaleureusement comme savent le faire les Valenciens. Derrière une ambiance bon enfant, la tension est cependant palpable : il faut préparer les étals le plus vite possible avant que les premiers clients n’arrivent. En effet, suite à plusieurs plaintes du voisinage concernant le bruit, il n’est plus possible de commencer la mise en place avant 7h. Or, c’est à cette heure-ci que le Marché ouvre. Une course contre la montre s’engage alors. Les cartons et les palettes s’amoncèlent dans les travées encore vides d’un lieu qui, quelques heures plus tard, sera envahi par les locaux et les touristes. C’est un joyeux bazar où chacun joue son rôle avec une organisation bien huilée.

Le calme règne dans les travées
Le calme règne dans les travées

 

Malgré le désordre, les premiers clients, pour la plupart des restaurateurs, se pressent pour obtenir les meilleurs produits. D’autres restaurateurs préfèrent passer directement leur commande par téléphone, comme c’est le cas chez Rosa Lloris : « C’est notre patron Quique qui centralise les demandes des clients. Il nous passe ensuite la liste par téléphone et nous préparons les commandes à la première heure. On tente de la faire avant que la clientèle arrive. Ce sont soit des pièces entières, soit des préparations » nous explique Ludi.

C’est comme un petit village ou une famille … avec ses bons et ses mauvais côtés bien entendu.

Même si la concentration est de mise, un esprit familial vient embaumer les travées du marché. Et ce n’est pas étonnant : tout le monde se connait depuis des années ! Ludi le résume ainsi « C’est comme un petit village ou une famille … avec ses bons et ses mauvais côtés bien entendu. » Intervient alors un personnage clé et haut en couleur du marché : José, le serveur du bar « El trocet del Mig ». Il déambule avec agilité dans les allées du marché pour distribuer cafés qui requinqueront nos forçat du commerce de proximité et surtout, prendre les commandes pour l’almuerzo, la sacro-sainte collation de 11h tellement attendue par tous. José est un habitué des lieux : « Je travaille ici depuis 6 ans. En moyenne je dois distribuer entre 50 et 60 sandwichs par jour, sans compter les cafés ! »

José prend les commandes de café et d'almuerzo
José prend les commandes de café et d'almuerzo

 

Tel un transept dans une église, la poissonnerie est enclavée dans la partie nord-ouest du marché et vit sur un autre rythme. Dès les premières minutes suivant l’ouverture, pains de glace et prises de la matinée sont disposés sur les étals. Les Valenciens le savent bien : mieux vaut acheter son poisson à la première heure, la chaleur risquant de jouer des tours sur la fraicheur du produit. C’est d’ailleurs pour cela que les locaux s’y pressent le plus tôt possible.

les sacs de glace pour maintenir le poisson au frais
les sacs de glace pour maintenir le poisson au frais

 

Autre stand très prisé par les gens de la région, celui des anguilles bien évidemment. Spécialité typiquement valencienne, ce produit phare est la base de nombreuses recette régionales, comme l’all i pebre qui fait le bonheur des palais les plus fins depuis des décennies. Son propriétaire, Jesús, le confesse : « Ma famille travaille ici depuis l’ouverture du marché, en 1928. C’est vrai que ce sont surtout les Valenciens qui viennent m’acheter des anguilles mais les touristes sont très curieux aussi. Ceux qui logent dans des appartements du quartier n’hésitent pas à acheter des produits frais, à nous demander conseil pour les préparer. »

Le stand d'anguilles

 

Le tumulte de la mise en place des stands est passé et les premiers clients se pressent dans les travées. Il est 8h et le Mercado Central prend un tout autre visage et plus le temps file, et plus il se remplit. On y croise des personnes âgées qui pourraient faire leurs courses les yeux fermés mais aussi une population plus jeune qui profite du weekend pour faire ses emplettes : « Même si nous n’habitons qu’à 500 mètres, nous ne pouvons venir que le samedi, à cause de notre travail » déclarent Enrique et Maria, attablés à un des cafés du marché.

Car bien plus qu’un marché, c’est une expérience conviviale et humaine que viennent chercher les clients. Certains stands détonnent parmi les quelques 300 commerçants présents. A côté des primeurs et autres boucheries, on y trouve des boutiques clairement destinées aux touristes et l’unique stand proposant de la viande de cheval, tenu par José Luis, qui y travaille depuis 25 ans.

Nous devons nous adapter aux nouvelles habitudes des consommateurs.

Vers 9h, le marché retrouve un calme temporaire. « C’est l’heure creuse entre 9h et 10h30. Du coup nous en profitons pour prendre notre almuerzo et continuer à préparer les commandes des restaurateurs. Après cela va être du non-stop jusqu’à la fermeture à 15h » nous confirme Ludi. Durant cette accalmie, le livreur du marché central passe entre les différents stands pour récupérer les commandes du service de livraison à domicile. Car au-delà de l’arrivée d’Amazon Prime Now il y a peu, les commerçants du marché ont également leur propre service de livraison : « Nous devons nous adapter aux nouvelles habitudes des consommateurs » confirme Angela, la collègue de Ludi. Le service coûte sept euros et permet de profiter d’un éventail plus large de commerçants. Le Mercado Central offre aussi un service de consignes frigorifiques qui permet de déposer ses courses le matin pour les récupérer le soir avant 21h.

Les commandes prètes à être recupérées
Les commandes prètes à être recupérées

 

Nous profitons de ce moment de calme pour discuter avec Domingo qui tient un des stands les plus prisés et visités par les touristes : les épices. « Ma famille est sur le marché depuis son ouverture, même avant quand c’était encore un marché ambulant. Ce qui me plait ici, c’est que nous avons une certaine liberté. Mais la nouvelle équipe municipale a changé les règles. Les concessions sont renouvelées annuellement maintenant et nous éprouvons toujours une certaine peur de devoir quitter nos stands. Il est vrai que les touristes sont de plus en plus nombreux ici et, pour ma part, je ne vois pas ça d’un mauvais œil : ce sont mes meilleurs clients ! Le client local n’achète que des petites quantités, tandis que le touriste, comme il ne sait pas quand il reviendra, il va tout de suite acheter pour 50€ de safran par exemple. 80% environ de ma clientèle est composé de touristes ou bien des cours de cuisines qui viennent s’approvisionner ici. »

Le tumulte des allées

 

La cohabitation entre commerçants et touristes se fait sans conflits. Cependant la Mairie a mis en place certaines règles pour éviter les petits tracas que peuvent causer les groupes de touristes. Ainsi, pour éviter les attroupements à l’intérieur de la bâtisse, les guides doivent dorénavant donner leurs explications à l’extérieur et les touristes visiter le marché par petits groupes. De même, des affiches interdisant de s’assoir sur les marches des entrées ont été apposés sur les rambardes pour éviter que les escaliers ne servent de comptoir de restaurant.

Nous adorons cet endroit, il est si typique, si vivant. C’est une joie pour les yeux toutes ces couleurs. Et puis il y a tous ces parfums qui se mélangent. Quelle chance pour les Valenciens d’avoir cet endroit ! 

Les commerçants sont unanimes à ce sujet : ils ne veulent pas que le Mercado Central deviennent un food-court gastronomique réservé simplement aux touristes comme c’est le cas dans d’autres grandes villes espagnoles telle que Barcelone pour ne citer qu’elle. Mais ils savent également que le tourisme leur permet de rayonner internationalement et d’attirer de nouveaux expatriés.

Impossible de résister aux fruits et légumes de l'horta
Impossible de résister aux fruits et légumes de l'horta

 

Il est déjà 11h et il devient de plus en plus compliqué de circuler dans les allées du Marché Central. Les touristes ont fait leur apparition et déambulent à la recherche de victuailles qu’ils pourront rapporter en avion. C’est aux abords de la Rotonde centrale, là où les étals sont essentiellement consacrés aux touristes, que nous rencontrons Jane et Peter, deux touristes anglais venus passés quelques jours à Valencia avec leur fils : « Nous avons loué un petit appartement juste à côté du Marché Central car nous voulions être au cœur de la vie valencienne. Cela fait quatre jours que nous venons tous les matins faire nos courses pour cuisiner des produits locaux. Nous adorons cet endroit, il est si typique, si vivant. C’est une joie pour les yeux toutes ces couleurs. Et puis il y a tous ces parfums qui se mélangent. Quelle chance pour les Valenciens d’avoir cet endroit ! »

Il est frais mon poisson, il est frais

 

Toujours à son poste, Ludi continue de servir avec panache ses clients, qu’elle conseille avec bienveillance. Elle a néanmoins hâte de rentrer chez elle retrouver sa famille. Il est 14h et voilà déjà sept heures qu’elle est sur le pied de guerre. Le Mercado Central s’est transformé en ruche. Les allées sont bondées et il est difficile, voire impossible de se frayer un chemin entre les clients locaux, les touristes en goguettes et les vendeurs qui se réapprovisionnent. Dans une petite heure, il retrouvera enfin un peu de calme.

le polystyrene s'accumule

 

les cagettes s'ammoncellent dans les travées

 

les commerçants se pressent pour monter les etals

 

Pas de repis

 

Un étal prêt
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