Acquise en 1941, l'actuelle Résidence de France constitue une somptueuse demeure dont l'élégance des jardins et des salons, mais surtout les splendides tapisseries des Gobelins accrochées aux murs, ne laissent aucun visiteur indifférent. Petite histoire de ce joyau appartenant à la France, en plein coeur de Madrid
Avant de s'installer au numéro 124 de la rue Serrano, les Ambassadeurs de France logeaient dans un petit hôtel particulier du XIXème siècle, le Palais Arenzana, situé au numéro 9 de la rue Salustiano Olozaga, près de la Place de l'Indépendance. Cet immeuble abrite désormais les bureaux de la Chancellerie. La propriété où se trouve actuellement la Résidence de France a été acquise à la famille de banquiers espagnols Urquijo en 1941 par François Pietri, alors Ambassadeur de France en Espagne. Bien que convoitée également par les Ambassadeurs du Royaume Uni et des Etats-Unis, la famille Urquijo et les autorités espagnoles tenaient à ce que le terrain fut vendu à la France. Il occupe presque deux hectares entre les rues Serrano, Pedro de Valdivia, Lopez de Hoyos et Maria de Molina. Le bâtiment principal, classique et imposant datait des années 1920 tandis que la Villa Andalouse, des années 1920. Cette charmante villa est de style mudéjar avec un joli patio à colonnes.
Destruction et reconstruction
Le bâtiment principal (aujourd'hui Résidence des ambassadeurs) fut partiellement détruit pendant la guerre civile espagnole (1936-1939) ce qui exigea d'importants travaux pour l'agrandir et le remettre en état. Toutefois les travaux s'étalèrent sur vingt sept ans pour plusieurs raisons. Tout d'abord l'insuffisance des crédits pendant l'après-guerre, la reconstruction de la Casa de Velázquez en 1946-1947, le contexte tendu des relations franco-espagnoles des années 1940-1960, les difficultés rencontrées avec les architectes (Jean-Jacques Haffner, architecte en chef des Palais et des Bâtiments Nationaux qui avait reconstruit la Casa de Velázquez , puis après son décès, Guy Mélicourt), ou encore les réticences des Ambassadeurs successifs à quitter la Villa Andalouse où ils s'étaient installés provisoirement pendant la durée des travaux... Une douzaine de projets virent le jour afin d'aménager l'ensemble du domaine. Finalement à la demande de M. Couve de Murville, ministre des Affaires Étrangères, la résidence fut décorée en 1968 par France de Boisséson et inaugurée la même année par l'Ambassadeur Barbara de la Belotterie de Boisseson. En 1976-1977, Frédérique Deniau apporta quelques modifications à la décoration des pièces de réception qui sont restées inchangées depuis lors.
Tapisseries des Gobelins
L'entrée monumentale de la Résidence avec sa grande cheminée et ses murs en pierre de taille, est agrémentée de plusieurs oeuvres d'art incontournables. C'était jusqu'il y a peu le cas des fameuses Meninas de Manolo Valdès, qui ont été rendues à l'artiste il y a quelques mois, après avoir séjourné plusieurs années de suite dans le hall d'entrée de la Résidence. Mais ce sont surtout les magnifiques tapisseries des Gobelins qui sont l'emblème du site. Appartenant au Mobilier National, elles illustrent les batailles d'Alexandre le Grand. L'ensemble des onze tapisseries de l'Histoire d'Alexandre le Grand fut tissé en même temps que la série de l'Histoire du Roi en 1665, à partir des cartons de Le Brun et d'autres peintres de l'époque.
Deux grandes tapisseries, joyaux de la Résidence, merveilleusement mises en valeur dans le salon de réception, évoquent la paix des Pyrénées (1659) principal évènement du règne de Philippe IV, qui mit fin à près de trente ans de guerre entre la France et l'Espagne. L'une représente l'Entrevue de Philippe IV et de Louis XIV dans l'Ile des Faisans (7 juin 1660), l'autre le mariage de Louis XIV avec Marie Thérèse d'Autriche en l'Église de Saint Jean de Luz (9 juin 1660).
Restauration du grand salon
A l'automne 2016, à l'initiative d'Yves Saint Geours, Ambassadeur depuis 2015 dans la capitale, une remise à neuf du grand salon a été entreprise. Cest toute la structure de la salle qui est concernée par les travaux : remise en état de l'ensemble des murs, pilastres, parquets... Deux tapisseries réalisées entre 1971 et 1976 par l’artiste Pablo Picasso, qui a passé une grande partie de sa vie en France, sont postérieurement accrochées dans un salon, ornementé de meubles issus du mobilier national. Si le salon gagne en somptuosité, il perd en fréquentation. L'espace, dédié à de nombreux événements au cours des années précédentes, devient un lieu exclusif, réservé à quelques rares cérémonies.
Accueillir les invités de la France
La Villa Andalouse, après le départ des services de l'Attaché de Défense, qui l'occupèrent de 1969 à 1995, fut finalement transformée en résidence de fonction pour le ministre conseiller de l'Ambassade. Les travaux de réhabilitation, décidés en 1995, se déroulèrent l'année suivante, sous la surveillance de M. Francisco Mayor Lobo et Mme Esperanza Gallego Conde, architectes locaux. Le domaine de la Résidence de l'Ambassadeur et de la Villa Andalouse a donc retrouvé sa vocation initiale : celle d'accueillir dans ses salons ou ses jardins les invités de la France.