En Turquie, tous les grands clubs de football sont politisés ou l’ont déjà été dans leur histoire. Les quatre clubs phares d’Istanbul, Galatasaray, Fenerbahce, Besiktas et Başakşehir ne dérogent pas à la règle.
Passionnés, fous, démesurés… Les qualificatifs viennent à manquer pour décrire les supporters anarchistes de Beşiktaş qui, depuis 2013, détiennent le record du monde du nombre de décibels enregistré dans un stade. Parmi les nombreux groupes qu’ils comptent en leur sein, le plus connu est celui des ultras de Çarçı (ce qui signifie « le bazar » en turc). Ces derniers ne se contentent pas de chanter des hymnes à la gloire de leur équipe. Ardents militants politiques, ils ont activement participé aux protestations anti-Erdoğan durant les émeutes de Gezi, allant même jusqu’à former les autres manifestants à la guérilla urbaine.
Le derby intercontinental
Durant cette période de contestation du pouvoir, les irréductibles de Beşiktaş faisaient front commun avec les supporters des deux plus grands clubs de Turquie, Galatasay et Fenerbahce. Une chose suffisamment rare pour être soulignée au regard de la rivalité qui oppose ces deux institutions du football turc depuis leur création au début du siècle dernier.
D’un côté, le club « des riches », Galatasaray, fondé par les étudiants de la prestigieuse école francophone éponyme. De l’autre, le club des classes populaires, Fenerbahce, créé dans le quartier de Kadikoy. Pour Allan Kilic, fondateur du site Turcofoot, « c’est un club qui revendique les valeurs de l’indépendance, tandis que Galatasaray a une image plus européenne ».
Erdoğan et le numéro 12
Depuis peu, un nouveau venu conteste la suprématie de ces trois clubs historiques : l’İstanbul Başakşehir. Créé en 1990, ce club appartenait à la municipalité d’Istanbul jusqu’à son accession à la première division en 2014. Il est présidé par Göksel Gümüşdağ, à la fois membre de l’AKP et marié à la nièce de Recep Tayyip Erdogan. En 2014, l’ancien footballeur semi-professionnel avait été invité à inaugurer le nouveau stade du club, alors qu’il était en pleine campagne pour devenir le 12ème président de la Turquie. A cette occasion, le numéro 12 de l’équipe de Başakşehir lui avait été attribué. C’est encore le cas aujourd’hui.