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Groupe Wagner : tout savoir sur le coup d'Etat en Russie

Au cours de la nuit, le groupe Wagner a traversé la frontière russe, en partant de l’est de l’Ukraine. Au matin du 24 juin, Rostov-sur-le-Don, où se trouve le centre logistique de l'armée russe, était sous le contrôle des mercenaires du groupe Wagner. Le point sur les événements, la genèse du coup d'État, les déplacements en cours, la prise de parole de Vladimir Poutine, la situation à Kaliningrad.

Déclaration Prigojine Coup Déclaration Prigojine Coup
Evgueni Prigojine faisant une déclaration à Rostov-sur-le-Don, capture Youtube France24
Écrit par Bénédicte Mezeix
Publié le 24 juin 2023, mis à jour le 27 juin 2023

 

Evgueni Prigojine, l’homme à la tête du groupe Wagner

Evgueni Prigojine [Евгений Викторович Пригожин, transcrit en anglais : Prigozhin, en polonais Prigożyn, NDLR], homme d’affaires russe, chef et propriétaire la société russe Concord, (comprenant des entreprises de restauration, de construction, des médias…) et créateur du très controversé groupe Wagner (ЧВК «Вагнер»), a joué pendant des mois un rôle de premier plan dans la campagne militaire russe en Ukraine.

Des milliers de personnes ont rejoint le groupe Wagner depuis le début de l’attaque de l’Ukraine par la Russie, qui est même allé jusqu’à écumer les prisons russes.

Ouvertement opposé aux chefs militaires dont Sergeï Choïgou, qui dirige la guerre, dans la nuit du 23 au 24 juin 2023, cela a pris la forme d’une révolte.

 

Genèse d’un coup d’état et résumé de la nuit du 23 au 24 juin

Tout a débuté lorsque le 23 juin 2023, Prigojine a annoncé que l’armée russe avait lancé une attaque de missiles sur les camps arrières du groupe Wagner, ce que le ministère de la Défense russe a immédiatement démenti et qualifiant les propos du fondateur du groupe Wagner de  « provocation à l’information ».

Dans la soirée du 23 juin, Prigojine a annoncé qu’il allait mener un coup d’État militaire, qualifié de « marche de la justice ».

C’est une armée de 25.000 hommes qui a été revendiquée par son groupe.

« Pour le moment, nous avons franchi les frontières nationales. Les gardes-frontières sont venus à notre rencontre et ont serré nos combattants dans leurs bras. Maintenant, nous entrons dans Rostov », rapportait dans la nuit Evgueni Prigojine.

Entre 4 à 6 heures du matin, heure de Moscou, le gouverneur de la région de Rostov, Vasily Golubev, a demandé aux habitants de la ville de ne quitter leurs maisons qu’en cas d’urgence et de ne pas se rendre dans le centre de la ville.

L’État russe a engagé une procédure pénale contre lui en vertu de l’article 279 du Code pénal de la Fédération de Russie, pour « rébellion armée ».

Dans les médias russes proches du gouvernement, on peut lire qu’à Moscou, ainsi que dans les régions de Moscou et de Voronej, un régime d’opérations antiterroristes a été mis en place. Des informations ont été publiées sur le site Web du Comité national antiterroriste (НАК).

Le ministère de la Défense de la Fédération de Russie a indiqué que les forces armées ukrainiennes, qui ont profité du moment, ont commencé à concentrer leurs troupes dans la direction de Bakhmutov.

 

Pourquoi Rostov-sur-le-Don ?

Rostov-sur-le-Don au sud de la Russie se trouve à 1200 km de Moscou, le choix de cette ville ne s’est pas fait au hasard, c’est là que se trouve le centre logistique de l'armée de Vladimir Poutine : le quartier général qui contrôle toutes les opérations qui se déroulent en Ukraine du Sud. Le but de Prigojine étant de rompre la communication entre ce centre de commandement stratégique et les soldats se trouvant en première ligne, en Ukraine.

« Nous sommes au QG, il est 7 h 30 du matin », déclarait Evgueni Prigojine dans une vidéo publiée sur Telegram. « Les sites militaires de Rostov sont sous contrôle, y compris l'aérodrome », a-t-il ajouté, alors que derrière lui avançaient des hommes en uniforme.

 

 

 

Les Tchéchènes se rendraient à Rostov-sur-le-Don 

Un important convoi de matériel militaire se dirigerait vers Rostov-sur-le-Don, a rapporté la chaîne Rostov Glavny « Ростов Главный » sur sa chaine Telegram. La vidéo du convoi a été envoyée à la chaîne par un abonné.

 

Le groupe Wagner serait à environ 400 kilomètres de Moscou 

Le média d’opposition meduza.io a publié un article à 15h04 faisant état qu’un convoi du groupe Wagner a été repéré près du village de Krasnoye dans la région de Lipetsk, soit un peu plus de 400 kilomètres de Moscou.

 

 

 

Voronej sous contrôle de Wagner ?

Les troupes Wagner affirme avoir pris le contrôle de la ville alors que du côté des autorités, on affirme que des combats ont encore lieu.

 

 

Que retenir de la prise de parole de Vladimir Poutine à la télévision russe

À 10h06, heure de Moscou, Vladimir Poutine s’est adressé aux citoyens russes débutant par : « Je lance un appel aux citoyens russes, au personnel des forces armées, des forces de l’ordre et des services spéciaux, aux soldats et aux commandants qui combattent maintenant dans leurs positions de combat, repoussant les attaques ennemies, le faisant héroïquement – je sais, j’ai parlé à nouveau ce soir avec les commandants de toutes les directions. Je lance également un appel à ceux qui, par la tromperie ou les menaces, ont été entraînés dans une aventure criminelle, poussés sur la voie d’un crime grave - la rébellion armée. (…) »

Puis continuant sur le narratif mis en place depuis le début de la guerre :

« La Russie d’aujourd’hui mène une lutte difficile pour son avenir, repoussant l’agression des néo-nazis et de leurs maîtres. Pratiquement toute la machine militaire, économique et informationnelle de l’Occident est dirigée contre nous. Nous luttons pour la vie et la sécurité de notre peuple, pour notre souveraineté et notre indépendance. Pour le droit d’être et de rester la Russie - un État avec une histoire millénaire. »

Il a ensuite fait  référence à la révolution de 1917 : « C’est un tel coup qui a été infligé à la Russie en 1917, alors que le pays menait la Première Guerre mondiale. Mais la victoire lui a été volée. Les intrigues, les querelles, la politique dans le dos de l’armée et du peuple se sont transformées en plus grand choc, la destruction de l’armée et l’effondrement de l’État, la perte de vastes territoires. En conséquence, la tragédie de la guerre civile.

Les Russes ont tué les Russes, les frères ont tué les frères, et toutes sortes d’aventuriers politiques et de forces étrangères qui ont divisé le pays et l’ont déchiré ont extrait des avantages égoïstes.Nous ne laisserons pas cela se reproduire. Nous protégerons à la fois notre peuple et notre État de toute menace. Y compris - de la trahison interne. »

1917 et 2023 se rejoignent sur plusieurs points : une situation économique désastreuse, le commerce intérieur moribond, une crise sociale interne rendant le quotidien des Russes difficile et dans le cas présent, à cause d’un conflit initié par la Russie. A cela s'ajoute le manque de motivation des soldats russes pour se battre en général et en ligne de front en particulier. Par ailleurs, il faut tenir compte que le groupe Wagner est peut-être inférieur en nombre à l’armée russe, mais il est mieux entraîné, mieux équipé que les forces internes russes (FSB, police, Ros Gvardia...)

Si la situation n’est pas rapidement contrôlée une vague de révolte pourrait gagner l’ensemble de la Russie.

Sur le canal Telegram, des utilisateurs ont relayé l’information que des unités de l’armée russe refuseraient de combattre contre Prigojine.

Sur des vidéos et photos publiées dans les médias russes, on peut même voir des citoyens faisant des selfies et prenant la pause avec des membres du groupe Wagner - vu dans 161.ru.

 

La réponse de Prigojine à Poutine : « Nous sommes des patriotes de notre patrie […] Personne ne compte se rendre »

Evgueni Prigojine a répondu à Vladimir Poutine par le biais d'une nouvelle déclaration :

« Pour ce qui est de la trahison de la patrie, le président se trompe profondément. Nous sommes des patriotes de notre patrie ».

Et d'ajouter : « Nous nous sommes battus et nous nous battons encore. Et personne ne compte se rendre, à la demande du président, du FSB ou de qui que ce soit d’autre, parce que nous ne voulons pas que le pays continue à vivre dans la corruption, la tromperie et la bureaucratie ».

 

Un conflit qui couvait ?

Evgueni Prigojine était depuis de longs mois ouvertement en conflit avec Sergueï Choïgou, chef du ministère russe de la Défense nationale, le fondateur du groupe Wagner l’accusant constamment de manque de commandement et de munitions. Choïgou est un apparatchik de longue date, habitué au pouvoir, déjà très proche de Boris Eltsine dans les années 90 et membre fondateur du parti de Poutine Russie Unie.

Le général Waldemar Skrzypczak, ancien commandant des forces terrestres polonaises, interviewé par Fakt.pl explique ce samedi 24 juin que Choïgou pensait qu’il reprendrait le commandement du groupe Wagner, il avait proposé à tous les mercenaires de signer des contrats avec le ministère russe de la Défense nationale avant le 1er juillet 2023. Prigojine ayant refusé, alors le conflit s’est intensifié.

Sergeï Choïgou avait été publiquement adoubé par le maître du Kremlin (au côté de Valeri Guerassimov), dès le début de la guerre, par le biais d’apparitions sur le devant de la scène médiatique, Vladimir Poutine considérant qu’il était -  avec Guerassimov, l’artisan de plusieurs victoires comme celle de l’annexion de la Crimée en 2014, de la stratégie militaire russe en Syrie, et du soutien des rebelles prorusses de la région du Donbass. 

 

Le point sur la situation à Kaliningrad, l’exclave russe qui a un pied en Europe

klops.ru, média proche du gouvernement russe, annonçait ce matin que les autorités de la région de Kaliningrad avaient annulé tous les événements publics à venir. Le chef du service de presse du gouvernement régional, Dmitri Lyskov, a déclaré ce samedi 24 juin : « Afin d’assurer la sécurité des invités et des résidents de notre région, il a été décidé d’annuler tous les événements de masse et les événements avec un nombre illimité de participants jusqu’au 26 juin inclusivement ».

Ce samedi après-midi, les autorités de Kaliningrad ont démenti les informations faisant état de la délivrance d’armes aux engagés.

« Les informations qui ont été lancées dans Telegram sur la distribution d’armes aux engagés dans notre région sont fausses », a déclaré Dmitry Lyskov, chef du service de presse du gouvernement régional.

Plus tôt, le gouverneur de la région, Anton Alikhanov, avait informé qu’il n’y avait pas lieu de s’alarmer, de s’inquiéter de la sécurité des habitants de la région.

 

 

 

 

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