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Cornelia Pieper, Consule générale d’Allemagne à Gdansk pour une Europe des femmes

Cornelia Pieper recadréeCornelia Pieper recadrée
Madame Cornelia Pieper, Consule générale d’Allemagne à Gdansk
Écrit par Bénédicte Mezeix-Rytwiński
Publié le 16 avril 2023, mis à jour le 3 octobre 2024

Madame Cornelia Pieper, Consule générale d’Allemagne à Gdansk depuis 2014, a lancé « le Triangle de Weimar des femmes » en 2016, afin de renforcer la coopération et l’échange d’expériences entre Allemandes, Polonaises et Françaises. Puis en 2018, c'est le « Triangle de Weimar des femmes d'affaires » qui a vu le jour. Au cours de cet entretien, l’ancienne députée au Bundestag et Ministre d’État au ministère fédéral des Affaires étrangères, coordinatrice du gouvernement fédéral pour les relations inter sociétales germano-polonaises, également francophone et francophile -  revient sur son parcours dans la diplomatie, son « histoire polonaise », son engagement pour l’égalité des sexes ainsi que sur sa vision de cette initiative transfrontalière.

 

Lepetitjournal.com/varsovie : Madame la Consule générale, depuis combien de temps êtes-vous en poste en Pologne ? Comment définiriez-vous les relations polono-allemandes aujourd’hui ?

Madame la Consule générale d'Allemagne à Gdansk, Cornelia Pieper : Je vis à Gdansk depuis août 2014, juste au moment de l’ouverture du Centre européen Solidarność sur le site historique du chantier naval. Lech Wałęsa [Président de la République de Pologne dans les années 1990-1995, NDLR], le fondateur du syndicat Solidarność, le Mouvement européen pour la liberté, vit et travaille encore ici. En tant qu’étudiante à Varsovie en 1980, j’ai moi-même participé aux grèves étudiantes au sein du mouvement Solidarność. Aujourd’hui, je rencontre souvent Lech Wałęsa, y compris avec des invités allemands ; nous discutons de l’avenir de l’Europe et il demande régulièrement aux Allemands de prendre davantage leur responsabilité pour l’Europe ! Trente-deux ans après l’adoption du Traité germano-polonais de bon voisinage et de coopération amicale de 1991, les relations germano-polonaises sont plus fortes que jamais, car elles sont entretenues par nos citoyens eux-mêmes : grâce aux jumelages entre les villes, aux échanges entre les jeunes et culturels, aux relations économiques étroitement tissées, etc.

Les gouvernements vont et viennent, mais l’amitié entre les hommes reste !

 

Madame, vous êtes l’initiatrice du projet du Triangle de Weimar des femmes en 2016. Comment est née l’idée de ce projet ? 

Je connaissais les pères fondateurs du Triangle de Weimar : le ministre des Affaires étrangères Roland Dumas, que j’ai rencontré en 1990 avec Hans-Dietrich Genscher dans ma ville natale d’Halle-sur-Saale, mais aussi Krzysztof Skubiszewski, le ministre polonais des Affaires étrangères de l’époque. Lorsqu’ils ont signé le traité, en août 1991, il s’agissait principalement d’intégrer les voisins d’Europe centrale et orientale dans l’UE après la réussite de l’unité allemande. Depuis, nous avons réussi à intégrer un grand nombre de pays au sein de cette coopération. En ce qui concerne le développement économique, la Pologne est aujourd’hui un pays modèle au sein de l’UE. Mais à l’époque, les pères fondateurs avaient déjà en tête la coopération des sociétés civiles de nos trois pays. Ce qui a commencé au niveau de l’État et du gouvernement, nous — Allemandes, Françaises et Polonaises — voulons le reprendre et lui donner une nouvelle dynamique. Nous, les femmes « au cœur de l’Europe », avons créé un réseau qui s’exprime sur les problèmes politiques et sociaux, mais qui souhaite avant tout voir les femmes occuper des postes importants en Europe. L’Europe a besoin de la voix forte des femmes pour la liberté et une démocratie forte !

 

Quels sont les objectifs du Triangle de Weimar des femmes ?

L’Europe tire sa force de valeurs partagées : l’égalité des droits entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits des femmes en tant que droits humains en font partie intégrante. Les femmes représentent plus de la moitié de la population et un grand potentiel de talents !

La génération actuelle de jeunes femmes est la plus instruite de l’histoire ; en Pologne, par exemple, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à étudier (65 % des femmes, 60 % des hommes) et à obtenir un diplôme universitaire. En France et en Allemagne également, les femmes représentent environ la moitié des diplômés universitaires !

Nous voulons donc surtout inspirer les jeunes femmes à devenir entrepreneures, ou à choisir de manière plus intensive les métiers techniques de l’avenir — vus de manière stéréotypée comme des « métiers d’hommes » — dans le domaine dit des STEM (Science, Technology, Engineering, and Mathematics — les sciences et techniques de l’ingénieur).

 

Comment la coopération pour la promotion des femmes dans l’économie, les sciences et les professions techniques est-elle mise en œuvre ?

Nous nous sommes alliés à des entreprises françaises et allemandes, mais nous avons aussi entamé une étroite collaboration avec les chambres de commerce germano-polonaises et franco-polonaises. Nous avons fait la promotion de nos réseaux du Triangle de Weimar avec des ambassadrices et l’actuelle secrétaire générale du ministère français des Affaires étrangères — d’ailleurs la deuxième plus haute fonction après celle de ministre des Affaires étrangères ! — Anne-Marie Descotes. Rita Süssmuth, ancienne présidente du Bundestag allemand et ministre fédérale, ainsi que des Polonaises, comme l’ancienne vice-ministre de la Culture Magdalena Gawin, aujourd’hui à la tête de l’Institut Pilecki, font également partie des initiateurs. Même des entreprises comme Mercedes-Benz, Bosch, L’Oréal ou Siemens participent aussi activement.
Nous avons réalisé un petit film avec leurs voix et les entreprises « ambassadrices », que l’on peut voir sur YouTube. Nous y incitons les jeunes Polonaises à choisir un métier ou des études techniques.

 

 

 

Comment le Triangle de Weimar des femmes d’affaires a-t-il été créé en 2018 et quel est son rôle ?

Comme je l’ai déjà dit, nous avons découvert l’organisation « Woman in business in Poland » grâce à la coopération avec nos chambres de commerce extérieures. Mais d’autres associations de femmes d’affaires nous soutiennent également, comme la WISTA (Woman in International Shipyard and Trade Association), basée à Gdynia, qui a également des liens avec des entreprises allemandes et françaises.
Un tiers des entreprises polonaises sont tout de même créées par des femmes. En Allemagne, la part des femmes parmi les créateurs d’entreprises est de 38 %, et de plus de 40 % en France !

 

Quels sont les projets du Triangle de Weimar des femmes ?

Nous voulons avant tout développer notre réseau ! Plusieurs manifestations ont eu lieu en Pologne, notamment le 10 mars 2023 au théâtre Shakespeare de Gdansk avec un concert de Marta Wryk et de son ensemble « Das moderne Mädel ». L’art et la culture sont des domaines importants pour nous, les femmes, afin de rendre nos idées créatives plus visibles et audibles, mais aussi pour nous exprimer politiquement. Nous avons également déjà organisé des manifestations en Allemagne.

L’objectif à l’avenir doit être d’organiser des rencontres de réseau en France également. Nous voulons voir le Triangle de Weimar des femmes grandir. Plus de femmes rejoindront le réseau, plus notre voix sera audible !

 

 

 

 

Comment peut-on rejoindre le Triangle de Weimar des femmes ?

Je me tiens volontiers à la disposition de toutes personnes qui souhaiteraient me contacter

 

Quels sont les défis auxquels le Triangle de Weimar des femmes est confronté et comment sont-ils surmontés ?

Le plus grand défi est de faire en sorte que la guerre que nous ne pensions plus possible au 21e siècle en Europe - le conflit en Ukraine prenne fin rapidement, car beaucoup de femmes et d’enfants en meurent et en souffrent. Nous aiderons les femmes à mettre en place dans leur pays des structures qui leur permettront de devenir le plus rapidement possible membres de l’UE : leur « famille européenne ! ».

 

Comment le Triangle de Weimar des femmes coopère-t-il avec les gouvernements et les organisations internationales pour promouvoir l’égalité des sexes ?

Nous travaillons surtout avec des ONG au niveau national et européen. Nous participons également au Congrès national des femmes polonaises et nous avons un grand soutien de l’Académie européenne pour les femmes à Berlin, dont la directrice Helga Lukoschat est l’une de nos fondatrices.

 

Selon vous, le Triangle de Weimar des femmes peut-il jouer un rôle important dans la résolution de crises comme celle de l’Ukraine ?

Clairement, oui ! Nous, les femmes, devons nous montrer fortes. Le succès des femmes en politique et en diplomatie est aujourd’hui incontestable. Sans femmes courageuses, il n’y aura pas de paix !

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