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Voltige aérienne : Florent Oddon à nouveau champion du monde en titre en Pologne

Zamość, en Pologne, a accueilli fin août, la 32e édition des championnats du monde de voltige aérienne. Champion du monde en titre, le capitaine Florent Oddon s’est imposé à nouveau dans la catégorie « Unlimited ». A ses côtés, 7 Français ont complété le top 10. La rédaction s’est entretenue avec le capitaine Florent Oddon, qui est revenu pour nous, à quelques semaines de sa victoire, sur son deuxième titre de champion du monde, sa préparation, l’immense technicité de son sport ainsi que sur la place des femmes au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace.

F.Oddon - Champion de voltige aérienneF.Oddon - Champion de voltige aérienne
Photo : EQPAAE/Armée de l'Air et de l'Espace
Écrit par Cécile Aurand
Publié le 15 septembre 2024, mis à jour le 19 septembre 2024

 

Lepetitjournal.com Varsovie :  Précisément 118 ans après les petits bonds de quelques décimètres effectués par le pionnier de l’aviation Alberto Santos-Dumont à bord de son aéroplane en 1906, vous aujourd’hui, en plus de voler, vous faites des figures incroyables… En quoi consiste la voltige aérienne ?

Capitaine Florent Oddon : La voltige aérienne est un sport qui consiste à effectuer un programme de voltige devant un collège de juges. Les principales difficultés, ce sont les programmes, qui, comme l’aviation, ont énormément évolué au fil des années, au rythme de l’évolution des machines. Les machines sont très modernes et très performantes et par conséquent, les programmes deviennent de plus en plus exigeants et de plus en plus difficiles à exécuter. La difficulté supplémentaire, c’est qu’il faut exécuter ces programmes devant un collège de juges dans un box d’un kilomètre cube. Cependant, on n’utilise pas ce volume en entier, mais uniquement la moitié pour obtenir une bonne note de cadrage, que l’on appelle une note de box dans le jargon de l’aviation. À cela s’ajoute l’utilisation de la force du vent : si le vent est très fort, cela peut véritablement constituer une difficulté supplémentaire. Bien sûr, il faut également tenir compte de la chaleur et du stress inhérent à la compétition.

 

C’est donc un sport complet, qui fait appel à de nombreuses compétences : il faut être physiquement en forme, sans être non plus un athlète et il faut savoir penser en termes de stratégie. C’est vraiment un sport intéressant !

 

 

 

C’est quand même assez particulier parce que vous avez droit seulement à un box de 1 km sur 1 km, mais vous n’en utilisez que la moitié ?

Tout à fait ! On peut utiliser tout le box si on le souhaite. Cependant, si le pilote se retrouve à 1 kilomètre des juges, c’est vraiment loin. Bien que l’on ait le droit d’y évoluer, la note de cadrage des juges sera forcément moins bonne que quelqu’un qui mettrait vraiment tout son programme devant les juges : ni trop près ni trop loin. Cela fait partie de la stratégie de savoir quelle figure on va positionner à quel endroit.

 

 

Le Championnat du monde de voltige aérienne est une compétition composée de plusieurs programmes. Comment se déroule-t-il ?

Chaque pilote a 4 programmes à devoir voler. Un premier programme s’appelle le « connu-libre » : c’est un enchaînement de 10 figures, dont 5 vont être imposées par la Fédération en début de saison et 5 autres sont laissées au choix du pilote. Chaque pilote rentre toutes ces figures dans un logiciel qui donne un certain nombre de points, à la fois par figure et au total, pour que tous les compétiteurs puissent être jugés sur le même nombre de points et donc être jugés sur le même coefficient.

Après, les compétiteurs positionnent les figures de la manière dont ils le souhaitent, en essayant de trouver la meilleure composition de programme en fonction de chaque figure. Lorsqu’une figure vaut beaucoup de points, j’essaye de la placer toujours devant les juges.

En revanche, si des figures ont des coefficients un peu moindres, j’accepte de la mettre plutôt sur un côté.  Lorsque je conçois ces assemblages de figures, je pense que je vais devoir faire face à différentes situations de vent. Je ne peux pas l’anticiper : cela fait partie des aléas de la compétition. Par conséquent, j’essaye de trouver un montage qui fonctionne par toutes les conditions de vent.

 

 

Vous venez de nous parler de l’épreuve connue-libre, comment se déroulent les 3 autres ?

Les 3 épreuves suivantes sont des épreuves dites « inconnues-libres ». En compétition, une fois que le programme connu-libre est effectué, tous les pilotes de chaque pays sont réunis dans une salle et un tirage au sort par pays est effectué. Chaque pays tire un chiffre. Tous les pays qui tirent un chiffre entre 1 et 10 auront le droit de proposer une figure. Plus l’équipe nationale tire un chiffre qui tend vers le 10, au moins elle aura de choix.  Je suis toujours satisfait de tirer le 1 ou le 2, car je pourrai proposer de nombreuses combinaisons. À l’inverse, lorsqu’on se rapproche du numéro 10, il y a bien plus de restrictions de sécurité. Bien que je concoure dans la catégorie intitulée « Unlimited », il y a quand même certaines restrictions pour que cela reste un sport le moins dangereux possible.

 

 

Quel chiffre avez-vous obtenu ?

Je ne me souviens plus : on a énormément de tirages au sort. De ce que je me souviens, on n’avait pas beaucoup tiré de petits numéros, on était plutôt dans les 7 ou 8. On n’avait pas trop de choix.

 

 

Une fois que le tirage au sort est effectué, que faites-vous ?

Ces 10 figures sont ensuite affichées sur un tableau et chaque pilote peut rentrer à l’hôtel avec son set de 10 figures et les rentre dans le logiciel. Le pilote peut alors y incorporer 4 figures supplémentaires, dites de liaison. Ce sont des figures avec un très petit coefficient, qui permettent de faciliter l’assemblage des programmes.

Ensuite, le pilote propose cet assemblage au jury pour qu’il puisse vérifier sa conformité à une multitude de critères. Par exemple, le programme doit être volable dans des conditions de vent très différentes. Chaque pilote choisit ensuite le programme qui lui parait être le mieux construit. Par exemple, si je propose un programme, mais que je juge que la proposition des Américains est plus efficace que la mienne, j’ai le droit de voler le programme des Américains.

La difficulté, c’est que l’on ne peut pas s’entrainer sur ces programmes, car on va les découvrir seulement 48 heures avant l’épreuve. Je fais donc un gros travail de préparation mentale, d’apprentissage du programme, de visualisation pour me permettre de décrocher un gros score sur le programme. C’est du one shot. Le programme, je ne l’ai jamais volé avant, et à la moindre erreur, c’est catastrophique sur le classement.

Il faut vraiment faire le programme le plus propre possible, avec le moins de petites erreurs possible. Et je fais ce process 3 fois, car il y a 3 programmes comme ceci durant la compétition.

 

 

Comment réussissez-vous tout de même à vous préparer ?

La préparation, elle est longue, elle ne se fait pas sur une année. C’est une préparation qui est faite sur l’expérience, que j’ai accumulée depuis 2017, l’année où j’ai intégré l’équipe. Pour cette année, j’ai vraiment essayé d’y aller décontracté, dans le sens où j’avais déjà gagné une fois. J’étais très content du titre et je me disais que si je le remporte une deuxième fois, ce ne serait que du bonus ! J’y suis vraiment allé sans stress. Sur place, je me suis un peu fait rattraper par les enjeux, car une fois que je suis dans la compétition, j’ai vraiment envie de la gagner.

Dans l’équipe de voltige de l’Armée de l'Air et de l'Espace, on est très heureux de pouvoir compter sur la présence de notre hypnothérapeute, qui nous suit sur les compétitions, et avec lequel on peut travailler sur la gestion de stress, mais également sur la préparation de nos vols.

 

 

Vous placez donc la préparation mentale au cœur de votre préparation. Est-ce que vous avez renforcé l’usage de ces techniques après votre premier titre de champion du monde il y a 2 ans ? 

J’utilisais déjà la méthode lorsque j’ai remporté mon premier titre en 2022, avec le même hypnothérapeute.  Nous avons conservé les méthodes qui fonctionnaient, sans en développer de nouvelles. Et nous avons bien fait, car les résultats sont là ! Même si c’était bien plus serré que lors de mon premier titre.

 

 

C’est une victoire que vous savourez d’autant plus ?

Tout à fait. Et c’est une victoire d’équipe : derrière moi, il y a la Fédération Française d’Aéronautique (FFA) qui met les moyens pour que les pilotes puissent s'entrainer durant les stages de préparation. Il y a également l'armée de l'Air et de l'Espace et tout son personnel qui travaillent toute l’année pour que je puisse arriver à ce résultat. Et puis il y a aussi ma famille, qui est là, qui m’encourage et qui supporte les absences.

C’est une victoire individuelle, mais c’est surtout une performance d’équipe.

 

 

 

Les résultats de l’équipe de France sont impressionnants : votre deuxième titre de champion du monde, complété également par les titres de Louis Vanel et du capitaine Victor Lalloué. Avec 7 Français dans le top 10, l’équipe de France a rempli ses objectifs pour la compétition ?

Je suis le capitaine de l’équipe de voltige de l'Armée de l'Air et de l’Espace, mais je n’en suis pas le commandant. C’est le capitaine Victoire Lalloué qui en est le commandant. Bien sûr, je suis très fier de la performance des pilotes français engagés, qui ont tous donné le meilleur d’eux-mêmes pour arriver à leurs très bons résultats. Ceux qui sont en tête du classement, ce sont les pilotes les plus expérimentés de l’équipe, les plus anciens. Et ceux qui sont un peu plus bas dans le classement, ce sont les jeunes, qui réalisent malgré tout de très belles performances.

Je pense que l’équipe de France a été très bien préparée et s’est très bien illustrée.

 

 

Comment percevez-vous votre statut « d’ambassadeur » de la France à l’étranger, avec toutes les compétitions et les représentations internationales que vous faites ?

J’essaye de faire honneur à ce statut ! L'Armée de l'Air et de l’Espace a décidé de donner aux pilotes de l’équipe une certaine visibilité, pour que nous puissions à notre tour offrir une certaine visibilité à l’Armée de l’Air et de l’Espace.

Je me dois d’être digne de cette place qui m’a été donnée. Tous les jours, je fais de mon mieux pour faire rayonner l'Armée de l'Air et de l’Espace ainsi que la France.

 

 

Votre sport est en constante évolution, notamment avec une révolution dans le monde du sport : des femmes qui concourent face à des hommes et font jeu égal ! La Fédération Française Aéronautique (FFA) est d’ailleurs la seule fédération à faire de la féminisation de la voltige l’une des priorités de sa politique sportive. Pour sa deuxième participation à une compétition internationale en catégorie « Unlimited », Fanny Viallard se classe 17e. En tant que capitaine, vous engagez-vous pour que ces exemples de modernisation de votre sport puissent inspirer d’autres disciplines sportives ?

Nous, on en parle de la féminisation ! Avoir un maximum de féminisation, c’est non seulement le combat de la Fédération Française d’Aéronautique, mais c’est également celui de l’Armée de l’Air et de l’Espace.

C’est l’armée la plus féminisée ; en France il y a quasiment 30 % de femmes. C’est énorme. J’ai eu la chance de servir sur un escadron dans un avion de transport où il y avait 1/3 des pilotes qui étaient des femmes.

L'Armée de l'Air et de l’Espace travaille vraiment sur la féminisation. Mon rôle, principalement en meeting aérien, c’est que la prise de parole soit possible sur les podiums. J’y explique que les métiers de pilote ainsi que celui de militaire, quelle que soit la spécialité, se sont vraiment féminisés ces dernières années. L’aéronautique, c’est aussi pour les femmes, et elles y arrivent tout aussi bien que les hommes !

Il ne faut pas que les jeunes filles se mettent de barrières et se disent « ce n’est pas fait pour moi », c’est évidemment faux. Je les encourage vraiment à faire de l’aéronautique en aéro-club, mais également à pousser les portes de l’Armée de l’Air et de l’Espace : elles trouveront forcément une spécialité qui leur correspondra.

 

 

Avez-vous un souvenir, une anecdote à nous partager par rapport à cette compétition en Pologne ?

Je suis toujours content du moment où j’apprends le résultat ! C’est un moment très fort en émotion, mais aussi en soulagement, quel que soit le résultat. C’est le moment où, avec tous les pilotes de l’équipe de France, on se prend dans les bras et on savoure la fin de la compétition.

Pendant cette compétition, il y a eu beaucoup de moments d’attente. Il y a eu de nombreux « stops météo », du fait d’orages qui arrivaient sur Zamość : ils ont vraiment rajouté du piment à la compétition.

En tant que pilote, avoir des périodes d’attente sans savoir quand la compétition pourra reprendre, c’est difficile nerveusement. Je me tenais prêt à repartir à tout moment, et j’ai passé quelques longues heures à attendre !

 

 

En tant que pilote, ces problèmes météorologiques font partie de votre quotidien. Comment gérez-vous ces attentes, ces pépins, ces imprévus ? 

Absolument, c’est le quotidien. Cela a cependant un tout autre impact lorsque je suis en compétition et que je m’apprête à partir voler. La préparation d’un vol est assez lourde : j’essaie de ne rien laisser au hasard. Clairement, je me sur-prépare, parce que j’ai toujours envie de bien faire. Cela ne sert à rien, mais c’est humain :  je veux toujours partir en étant sûr de tout connaître par cœur. À chaque fois que le vol est délayé, j’ai l’impression de tout devoir reprendre à 0. Très souvent des petits changements de vent, et donc de box s’ajoutent du fait du changement de météo. Cela ajoute une charge de stress assez importante.

 

 

Vous rêviez depuis l’enfance de devenir pilote. Après de nombreuses années de travail acharné, après avoir construit seul votre propre avion, vous avez réalisé votre rêve. Quel conseil donneriez-vous à des jeunes qui rêvent d’avoir un parcours comme le vôtre au sein de l’Armée de Terre et de l’Espace ?

Croyez-y ! Pour être pilote dans l’Armée de l’Air et de l’Espace, il faut juste avoir son Bac [Baccalauréat], c’est le strict minimum. Et nous sommes très nombreux parmi les pilotes à avoir uniquement le Bac : il ne faut vraiment pas se mettre de barrière avec le niveau scolaire. Il faut se dire que si c’est arrivé aux autres, cela peut très bien arriver aux jeunes qui liront ces lignes. Il n’y a aucun surhomme parmi les pilotes de l’Armée de l’Air et de l’Espace, il y a juste de gens passionnés, engagés et motivés. La formation est particulièrement exigeante, mais pour un passionné, lorsque l’on aime, on ne compte pas !

S’il y a des jeunes qui sont intéressés, il ne faut surtout pas qu’ils se disent que cela leur est impossible ! Tout est envisageable à partir du moment où l’on est passionné et que l’on a envie de se donner à fond !

 

Co to jest  WAC (World Aerobatic Championships) ?
- WAC (World Aerobatic Championships) est le Championnat du monde de voltige aérienne. 
- Il s’agit d’une compétition qui a lieu tous les deux ans, en alternance avec le Championnat d’Europe (EAC). 

Cette année a marqué la 32e édition, qui est organisée par la fédération aéronautique internationale (FAI) ainsi que l’aérodrome de Zamosc, et l’aéroclub de Pologne. 
- L’édition précédente, en 2022, avait également eu lieu en Pologne (à Leszno) et a été remportée par le capitaine Florent Oddon.
- Lors de cette édition 2024, au sein de l'Équipe de France de voltige, qui se compose de 9 pilotes civils et militaires, le capitaine Victor Lalloué et le capitaine Florent Oddon ont défendu face à 40 compétiteurs issus de 17 nations, le titre de champion du monde.

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