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JOURNEE DU DRAPEAU – La Pologne hisse ses couleurs {BEST OF}

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 27 avril 2013

A l'occasion de la Journée du Drapeau, petit retour sur ce symbole traqué, ré-instauré, instrumentalisé et sacralisé tout au long de l'histoire tumultueuse de la Pologne. Découvrez comment ce morceau d'étoffe est devenu le symbole de l'identité polonaise.{BEST OF}

(photos wikicommons)

En 2004, le Parlement polonais vote un amendement sur la loi de l'hymne national : tous les ans, le 2 mai, la veille de la Journée de la Constitution, les Polonais mettront à l'honneur leur drapeau. Pourquoi le 2 mai ? Car c'est ce jour-là que des soldats polonais de l'Armée Rouge auraient hissé le pavillon blanc et rouge sur la Colonne de la Victoire, à Berlin. Comme le pays qu'il représente, le drapeau polonais a une longue histoire, faite de censures et de combats, mais jamais d'oublis.

Deux versions
Le drapeau polonais actuel est composé de deux bandes horizontales: la supérieure est blanche et l'inférieure est rouge. Il en existe une variante où figurent les armoiries du pays. Mais attention, le choix entre les deux types ne doit pas être dicté par des considérations esthétiques!

En effet, seules certaines institutions sont autorisées par la loi à arborer le drapeau frappé des armoiries: les consulats et les ambassades, les aéroports et les ports. Ce modèle est cependant particulièrement prisé par la diaspora polonaise à l'étranger. Celle-ci ne se prive pas de l'afficher, en particulier aux Etats-Unis.

Des origines anciennes et complexes
Le drapeau polonais est un des derniers au monde dérivant directement de blasons moyenâgeux. Il s'agit des armoiries du Royaume de Pologne et du Grand Duché de Lituanie et remonte au XIIIème siècle. Le blanc vient de la couleur de l'aigle sur l'emblême polonais de l'époque. Une couleur qu'on retrouvait sur l'étendard lituanien montrant un chevalier (?Pogon? en polonais, ?Vytis? en lituanien) chevauchant une monture et portant une armure blanche. Le rouge quant à lui était le fond commun aux deux bannières.

Au-delà de ces origines historiques, les deux couleurs sont rattachées à différentes vertus universelles. Le blanc est un symbole de pureté et de droiture (et n'a aucun lien avec la météo nuageuse en Pologne, n'en déplaise aux mauvaises langues). Tandis que le rouge représente le sang des patriotes versé pour l'indépendance.

Le blanc et le rouge furent ainsi proclamées couleurs officielles de la jeune Pologne indépendante le 7 février 1831. Mais comme le pays qu'il représentait, le drapeau disparut bientôt pour le reste du XIXème siècle. Ce n'est qu'à la fin de la Première Guerre Mondiale, en 1918, qu'il fit sa réapparition avec le nouvel Etat polonais. Le 1er août 1919, le drapeau officiel est ré-instauré. Mais ce n'est que pour peu de temps car, en septembre 1939, après l'invasion conjointe des forces allemandes et soviétiques, le drapeau disparaît une fois encore, interdit par les occupants. Il est à nouveau tiré hors des oubliettes de l'Histoire en 1947 par la toute jeune République Populaire de Pologne, mais pour mieux être l'enjeu d'une lutte entre le régime et ses opposants.

Une guerre des symboles
Une des scènes marquantes du film Katy? d'Andrzej Wajda montre comment les soldats de l'Armée Rouge prennent possession d'une gare en Pologne. Ceux-ci déchirent en deux dans le sens de la longueur le drapeau bicolore polonais. Les militaires soviétiques conservent seulement la partie rouge, changeant l'oriflamme polonais en bannière de l'URSS en un clin d'?il. Cette scène témoigne de l'importance accordée à ce symbole dans l'esprit des Polonais.

Et ceci, le régime communiste en place en Pologne après la Seconde Guerre Mondiale l'a bien compris. Il va rétablir le drapeau blanc-rouge frappé de l'aigle blanc. L'animal se verra cependant délester de sa couronne, symbole jugé peu ?prolétaire?. Cette question du drapeau restera toujours un sujet d'inquiétude pour le pouvoir.

En effet, durant la Fête du 1er Mai, on pavoise alors partout en Pologne mais le gouvernement communiste ordonne de faire disparaître tous les drapeaux polonais dès la fin des festivités. Pourquoi un tel empressement pour enlever les couleurs nationales ? Car le régime veut éviter à tout prix que ce symbole ne soit encore arboré dans les villes et villages le 3 Mai, jour anniversaire de la Constitution de 1791. A deux jours près, le patriotisme n'a plus la même signification, passant dans le camp de l'opposition...

Cette angoisse permanente vis-à-vis du drapeau pousse le gouvernement à faire voter une loi en 1980 interdisant d'afficher le drapeau national "les jours ordinaires?. Le pouvoir cherche ainsi à empêcher toute manifestation spontanée de nationalisme. Le syndicat Solidarno?? ne s'y trompera pas, en faisant apparaître le drapeau polonais dans son logo. Pouvoir et opposition s'affronte pour le "monopole du patriotisme?.

Ce n'est que le 20 février 2004, dans le même amendement que celui instaurant la Journée du Drapeau, que les Polonais seront autorisés à afficher leurs couleurs en toute occasion.

Une spécificité polonaise?
Ainsi, depuis 2004, le 2 mai est exclusivement consacré aux symboles nationaux tel que le drapeau, l'hymne... Cette journée a pour but d'informer sur la signification de ces symboles mais aussi d'inculquer le respect de ceux-ci aux jeunes générations. Mais les Polonais en ont-ils vraiment besoin?

L'année même de l'instauration de cette journée on dénombrait seulement 96 crimes contre les symboles nationaux (soit 0,001% des crimes enregistrés dans le pays en 2004). Il faut reconnaître que les sanctions pour "irrespect, destruction ou enlèvement violent d'un drapeau" sont dissuasives. Elles peuvent aller de la simple amende jusqu'à un an de prison, en passant par une peine de travaux forcés.

Cette Journée donne une dimension plus festive et moins formelle au respect traditionnel dû au drapeau. Mais celle-ci peine encore à trouver sa place dans le c?ur des Polonais. On retrouve cette tradition dans d'autres pays comme: les USA (14 juin), la Suède (6 juin), l'Estonie (4 juin) et même chez le grand frère russe (22 août).

Karl Demyttenaere (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) mardi 3 mai 2011

 

Pour en savoir plus sur les deux fêtes nationales, ne manquez pas nos articles :
- FETE NATIONALE ? La constitution du 3 mai
- DECRYPTAGE - Le 11 novembre, entre tensions et désintérêt

 

Ailleurs : Tous les pays n'ont pas instauré pareille journée et pour cause, les peuples ont parfois des rapports très différents avec leur drapeau. En France, la phrase de Lamartine: "Le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie", semble bien loin. Les Français ont des difficultés à arborer leur drapeau, plus perçu comme un signe de nationalisme que de patriotisme.

En Pologne, le drapeau arboré sans autorisation était considéré comme un acte de désobéissance vis-à-vis du régime communiste avant 1990. Le syndicat Solidarno?? s'appropria ce symbole et on vit souvent le drapeau blanche-rouge sur les piquets de grève. A tel point qu'encore aujourd'hui, le drapeau apparaît en tête de cortège dans les manifestations de grévistes. Impensable en France ou en Belgique où ce symbole est affilié au nationalisme, incompatible avec la lutte des classes. En Pologne, par réaction aux restrictions imposées par le pouvoir autrefois, le drapeau s'affiche souvent avec fierté.

La mentalité polonaise vis-à-vis de son drapeau semble se rapprocher de celle des Québécois. Ces derniers ont également instauré une Journée du Drapeau (le 21 janvier) et ne rechignent pas à l'afficher. Le drapeau reste un moyen d'exprimer son appartenance à une culture et plus celle-ci se sent menacée, plus l'attachement pour le drapeau est fort.

Cependant, il reste encore un important écart entre ces mentalités plutôt européennes et le rapport extrêmement fort voir fusionnel des américains à leur drapeau. En effet, au sein du droit fédéral américain (United States Code), il existe un ?Flag Code? spécialement dédié à la réglementation sur l'usage du drapeau. Depuis juin 1942, un serment d'allégeance au drapeau existe et est obligatoire dans certaines écoles publiques. La bannière étoilée (?Stars and Stripes?) est sacralisée par beaucoup d'Américains, incarnant les valeurs et les fondements de la Nation. A tel point qu'au lendemain du 11 septembre, les ventes de drapeaux ont littéralement explosé. Mais la plupart des acheteurs américains eurent la triste surprise de lire ?Made in Taïwan? sur le produit devant incarné leur solidarité nationale...

lepetitjournal.com varsovie
Publié le 2 mai 2013, mis à jour le 27 avril 2013
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