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Accueil des enfants ukrainiens : la nouvelle réalité des écoles polonaises ?

Ecole polonaise enfant ukrainien Ecole polonaise enfant ukrainien
Écrit par Dominika Bralczyk
Publié le 28 mars 2022, mis à jour le 6 octobre 2023

Les Ukrainiens ont fui leur pays du jour au lendemain, emportant avec eux le traumatisme de la guerre. Ils se sont retrouvés en Pologne, un pays culturellement similaire, mais quand même différent. Beaucoup d'entre eux sont des enfants. Selon les informations du 22 mars 2022, 95.500 enfants ukrainiens sont déjà inscrits dans les écoles polonaises. Ils sont scolarisés dans plus de 11.500 écoles. Ces petits ukrainiens doivent faire face à toutes sortes de difficultés au quotidien, qui résultent souvent d'une méconnaissance de la langue polonaise. Le principal problème s'avère être la barrière linguistique comme le montre cette situation vécue dans une école primaire de Gdansk Wrzeszcz où est scolarisée Natasza, ma sœur. Enquête sous mon propre toit, pas si différent de celui de mes voisins. 

 

« Nous sommes en cours de polonais et nous lisons un texte dans un manuel. Soudain, une porte s'ouvre. Un garçon entre, choisit un siège dans la salle et s'assoit. Personne ne le présente. Ce garçon est très effrayé, c'est sans doute pour cela qu'il s'est assis seul sans dire un mot. » raconte avec émotion, ma soeur Natasza, qui est élève en cinquième classe (équivalent du CM2). Voilà à quoi ressemblent les premiers instants d’un jeune réfugié de 11 ans, Maksym dans une école polonaise, du nord de la Pologne. Il n'y a qu'un seul nouvel élève en provenance d’Ukraine dans cette classe et environ 10 dans toute l'école. 

 

Arrivée d'élèves Ukrainiens dans une école en Italie, acclamés par 200 élèves, contrastant avec l'entrée discrète de Maksym dans la classe de Natasza. 

 

« J'ai beaucoup de peine pour eux car je ne peux pas m'imaginer fuir la guerre, quitter mon pays. »

L'invasion russe de l'Ukraine restera dans l'histoire mais aussi dans les mémoires des enfants. Pour les élèves polonais et ukrainiens, il s'agit d'une nouvelle réalité dans laquelle règne encore le chaos et qui suscite de nombreuses questions. Une pensée ne quitte plus l’esprit de Natasza : que se passerait-il s'il y avait une guerre en Pologne ? Elle s’interroge également sur ce qu'il a vécu lorsqu'il était en Ukraine pendant la guerre, mais comment le lui demander ? Malgré sa grande curiosité, elle ne veut surtout pas poser de questions à ce sujet : « Je pense que c’est beaucoup trop tôt et que ce sujet est trop délicat », confit-elle.

Un fait observable est que les enfants polonais ne veulent surtout pas heurter la sensibilité des jeunes ukrainiens en leur rappelant cette tragédie. Les enseignants veillent également au confort des nouveaux élèves, qui doivent s'adapter à de nouvelles conditions de travail, s'habituer à la classe et se familiariser avec la langue polonaise.

Cette nouvelle langue les entoure partout - à l'école, au magasin, dans le bus, dans la rue... Tous les professeurs s'accordent à dire que le plus gros problème des élèves ukrainiens est la communication. Beaucoup ont du mal à comprendre le polonais et ne peuvent pas s’exprimer. Cette amputation de la parole n’aide pas à leur reconstruction et à leur intégration alors que ce devrait être un élément du processus.

« J'aimerais vraiment discuter avec eux, mais c'est difficile parce qu'ils s'isolent un peu, ils ne parlent à personne, ils ne jouent pas avec les autres. Ils sont seuls tout simplement. », explique Natasza. A cause d'une communication très limitée, les élèves ne savent rien de leur nouveau camarade.  Ils ne connaissent que son prénom. « Il est trop stressé, ça se voit ! C'est difficile pour lui ! », ajoute-t-elle.

Dès les premiers jours, les élèves ont vu des changements survenir dans l'école. Natasza a l’impression que son école est désormais bilingue. Même si les élèves ont des difficultés à communiquer, de nombreux enseignants parlent russe. « Le professeur de mathématiques et le professeur de musique parlent en russe à Maksym ; je ne savais pas qu'ils connaissaient cette langue ! C'est un sentiment étrange, quand même, quand soudain le professeur s’arrête de parler polonais et mélange les langues. Mais si cela aide ce garçon à se sentir mieux, pourquoi pas ? », remarque Natasza.

 

Comment faire pour que chacun trouve sa place ?

Les changements dans l'école provoquent une atmosphère assez tendue ou créent parfois un vrai bazar parmi les jeunes élèves. Les préoccupations sont nombreuses : la langue, l'intégration entre les enfants, l'organisation des cours pour Polonais et les Ukrainiens... Mais la plus grande inquiétude de Natasza est de savoir s'il y aura assez de place pour tout le monde ?

Voici ce qui lui est arrivé il y a quelques jours

C'était le matin peu avant 8 heures et Natasza s’est dirigée vers son casier, comme d’habitude, elle a voulu changer de vêtements et de chaussures. Etrangement, impossible d’ouvrir le fameux casier. Elle a tout d’abord pensé qu'elle avait fait une erreur et a retapé son code. Mais son regard a soudain été attiré par ses affaires jonchant le sol… Son casier était déjà occupé par quelqu'un d'autre ! Après quelques minutes, une fillette s'est approchée du fameux casier. C’était une jeune ukrainienne. Probablement, un professeur le lui avait assigné… Natasza a voulu expliquer la situation à la nouvelle élève, mais, barrière de la langue oblige, elle n'a pas compris. A ce jour, Natasza n'a plus son propre casier. « J'étais très triste quand j'ai vu mes dessins et mes vêtements sur le sol. Je trouve que c'est vraiment pas juste, même si je n'ai rien contre cette fille, c'est pas de sa faute... », explique Natasza.

Cette situation est regrettable et a été vraisemblablement mal gérée par les adultes responsables car elle crée une injustice et génère des tensions inutiles entre les Polonais et les nouveaux élèves en provenance d’Ukraine. On peut se demander si les équipes pédagogiques sont vraiment prêtes à accueillir ces jeunes réfugiés et si des informations d’ordre plus « psychologiques » leur ont été communiquées.

 

Informations du ministère de l'Education et des Sciences pour les parents d'enfants en provenance d'Ukraine.

 

De 25 élèves par classe, on passe à 29 à l’école primaire

Le résultat de la nouvelle réalité des écoles polonaises est l'introduction d'un nouveau règlement sur l'éducation des enfants ukrainiens.

Le règlement prévoit la possibilité d'admettre davantage d'enfants de réfugiés d'Ukraine dans les écoles maternelles et les classes I-III (CP-CE2) de l'école primaire.

Toujours selon la réglementation en vigueur jusqu'à présent, il pouvait y avoir 25 enfants dans un groupe, à l’école maternelle. Maintenant le règlement permet l'admission de trois enfants de plus, soit 28 en tout.

Cette solution permet également d'augmenter le nombre d’apprenants dans les classes I-III au-delà de 25 personnes soit 4 élèves en plus, citoyens ukrainiens (le nombre autorisé d’élèves dans ces classes ne peut pas dépasser 29).

Les élèves sont plutôt concentrés dans certaines régions. « La plupart des élèves étaient inscrits dans des écoles primaires des voïvodies de Mazovie, de Basse-Silésie et Silésie » a déclaré Anna Ostrowska, porte-parole du ministère de l'Économie et du Patrimoine national.

 

« Ils doivent s'adapter à la nouvelle réalité polonaise », le regard d’une enseignante

Allons maintenant à Ciechanów. C'est une ville située dans la voïvodie de Mazovie. Monika enseigne la musique dans l'une des écoles de Ciechanow. Selon elle, les enfants ukrainiens sont de bons élèves, très polis et obéissants. « Ils manquent encore de confiance en eux, mais je vois qu’ils se sentent de mieux en mieux chaque jour. Les autres élèves les soutiennent, ils sont vraiment empathiques. » Les enfants de Ciechanów organisent également des collectes de fonds de leur propre initiative. « Récemment, plusieurs classes ont organisé une collecte de fonds à Ciechanów. Ils ont fait des gâteaux et des gaufres. Les idées et la volonté de soutenir l'Ukraine ne manquent donc pas ! », développe Monika.

Elle est en contact régulier avec les parents d'élèves qui demandent toujours s'il est possible d'apporter des vêtements ou d'autres choses à l'école. Nous pouvons donc observer que les familles sont aussi très engagées. « Les enfants n'ont pratiquement rien d'autre que les vêtements dans lesquels ils ont quitté leur pays. Maintenant, nous manquons de vêtements de sport pour qu'ils puissent participer aux cours de gym

D’après Monika, le plus gros problème des nouveaux élèves dans les écoles polonaises c’est encore et toujours la langue. La plupart d'entre eux apprennent tout juste les bases du polonais, ce qui rend leur intégration très difficile.  « Ils doivent s'adapter à la nouvelle réalité polonaise. Il faudra du temps pour cela. ». Monika entend par là qu’au-delà de la langue, il y a aussi une culture, des habitudes, des codes qui constituent notre quotidien, habituels pour nous, mais exotiques, voire déstabilisants pour un enfant étranger.

 

Les Ukrainiens et leurs souvenirs traumatiques

« Environ 500.000 Ukrainiens qui se sont réfugiés en Pologne ont besoin d'aide en raison de troubles mentaux, et environ 30.000 souffrent de maladies mentales graves », a déclaré mardi le 22 mars Paloma Cuchi, représentante de l'Organisation mondiale de la santé en Pologne.

Beaucoup d'entre eux ont vu le vrai visage de la guerre, sans filtre ! Explosions, chars, soldats russes, ruines... D'autres ont entendu parler des événements mais ne les ont pas vécus directement. Leurs expériences sont différentes mais quand même éprouvantes. Ils ont tous quitté leur pays avec le même sentiment : l'insécurité, la perte de proches ou une famille éclatée, le sentiment de dangers imminents pour leur vie et leur santé. Ils sont confrontés à de nombreux problèmes et l'aide des Polonais est donc inestimable.

Très souvent privés de nourriture et d’eau, exposés à de basses températures, « Les réfugiés séjournant en Pologne souffrent de nombreux problèmes de santé, des maladies liées aux intoxications alimentaires et de problèmes résultant de la déshydratation. Le plus grand défi, cependant, est de fournir une assistance à ces personnes en raison du traumatisme de la guerre », a évalué Paloma Cuchi lors d'un point de presse à Genève.

 

Déclarations de Paloma Cuchi, représentante de l’OMS (Organisation Mondiale de la santé) en Pologne et du porte-parole du HCR (l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés), Matthew Saltmarsh, (sous-titres en français disponibles).

 

Cette aide psychologique est particulièrement nécessaire pour les plus jeunes. En raison des difficultés d'intégration, ils sont souvent laissés seuls avec leurs pensées et leurs souvenirs traumatiques. Mardi matin, Przemyslaw Czarnek, ministre de l'Education et de des Sciences, a expliqué que l'enseignement des enfants ukrainiens dans les écoles polonaises devait être abordé avec beaucoup de prudence. Il a rappelé aussi que le MeiN (Ministerstwo Edukacji i Nauki) avait alloué 180 millions de zloty pour des heures supplémentaires d’aide psychologique et pédagogique pour les enfants ukrainiens et polonais.

« Les enfants qui viennent de la guerre, de villes bombardées, doivent d'abord se reposer, se débarrasser d'au moins une partie du traumatisme, puis décider avec leurs parents de leur scolarisation », a-t-il souligné.

 

- En Pologne, le gouvernement a publié ces informations à destination des familles, cliquez ici.

- En France, l'académie de Nancy-Metz participe à la solidarité nationale envers les Ukrainiens et renforce ses dispositifs pour accueillir, scolariser et accompagner les élèves dans les meilleures conditions. Sur sa page internet on peut retrouver plusieurs recommandations et liens utiles pour les familles réfugiées et les enseignants accueillant les enfants dans leurs classes. Pour accéder à la page cliquez ici.

 

 

 

 

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