Ce week-end, du 13 au 14 avril, débute l’EuroNASCAR Pro 2024, sur le circuit Ricardo Tormo, à Cheste près de Valencia. Venu spécialement de Bordeaux, Paul Jouffreau y participe pour la première fois. A quelques heures du début du championnat 2024, le pilote de 20 ans s’est confié sur sa plongée dans le sport automobile, de sa découverte du karting à son titre de champion d’Europe EuroNASCAR 2 2023. Rencontre.
Quand il s'installe à la terrasse de la Cervecería Sueños, Paul Jouffreau est en terrain connu. Il est accompagné de son père, Frédéric, de son parrain et de sa marraine, qui ont fait le déplacement depuis la France pour le soutenir. Dans quelques jours, il participera pour la première fois à l’EuroNASCAR Pro. Très bien entouré, le pilote de 20 ans a su progressivement ouvrir les portes du monde des sports mécaniques, à force de bonnes rencontres, de patience, et surtout, de travail.
Des écrans... à derrière le volant
L’histoire a commencé sur les circuits virtuels. Originaire de Blaye, près de Bordeaux, Paul a une dizaine d’années et profite de l'heure qui lui est octroyée chaque week-end pour jouer à son jeu-vidéo préféré : Gran turismo. Un amour pour le sport mécanique transmis par son père. “Mon père était pilote. J’ai grandi dans la mécanique”, admet Frédéric, le regard passionné. Alors quand son père lui propose de participer avec lui à une course de karting pour remplacer un coéquipier, l’adolescent n’hésite pas une seconde. “J’ai adoré. C’était ce que je faisais dans les jeux-vidéos, mais dans la vraie vie”, se souvient Paul. Le duo père-fils finit troisième. C’est le début d’une aventure familiale qui n’a cessé de prendre de l’ampleur.
Plus je roulais, plus j’avais envie de rouler.
En 2016, Paul commence alors le karting de compétition, à l’âge de 12 ans. “Plus je roulais, plus j’avais envie de rouler. Je suis tombé amoureux de la discipline”. Il est sacré champion de France dans sa catégorie en 2018. Il décide alors de tester le karting en Espagne, réputé pour son niveau plus élevé. “Je pense que les Espagnols sont plus compétiteurs dans l’âme. Lors d’une course, tous les pilotes sont capables de gagner. Le niveau est beaucoup plus homogène”, analyse le Français. “En France, une journée d'entraînement, c’est environ 90 tours. En Espagne, j’en faisais 160-170”. Malgré de “grosses défaites”, le Blayais en tire des leçons et progresse, mais voit ses ambitions freinées par la pandémie de Covid-19.
La conquête de l'EuroNASCAR
Sa jeune carrière va prendre un nouveau tournant à son retour sur les pistes. Il sympathise avec un pilote, dont le père est patron d’une équipe en EuroNASCAR, et se voit proposer d’intégrer l’équipe. Il découvre alors un tout nouvel univers. “Je suis passé d’un kart de 30 chevaux pour 100 kg, à une voiture de 450 chevaux pour 1 tonne. Ce ne sont plus du tout les mêmes proportions.” En 2022, il participe une première fois à l’EuroNASCAR 2, réservé aux “rookies” (les nouveaux pilotes) et aux “gentlemen driver” (les pilotes non-professionnels roulant pour le plaisir). Il finit neuvième du championnat, après une année un peu amère, partagée entre “la fierté de progresser et les nombreuses casses mécaniques”.
Mais les efforts finissent par payer lors du même championnat l’année suivante. Il intègre RDV Compétition, “une équipe qui croit en moi et qui me fait confiance”. Chaque course le rapproche petit à petit de la victoire, jusqu’à son titre de champion d’Europe EuroNASCAR 2 2023. Pour le pilote, c’est la consécration. “Le travail paye enfin. J’ai gagné en reconnaissance. Quand je parlais, on m’écoutait, ce qui n’avait pas toujours été le cas”, témoigne Paul. Pour la suite de l’histoire, il faudra attendre ce week-end.
Top départ pour l’Euro Nascar à Valencia
Le “Projet Paul”
Autour de Paul s’est formée une chaîne de bienveillance, solide, sincère et fidèle. En premier plan, son père, sa mère, Sylvie, ainsi que sa sœur, Ema. “C’est une chance énorme. Je vois d’autres pilotes qui n’ont pas le quart du soutien que j’ai de la part de ma famille”. A chaque compétition, nombreux sont les amis et partenaires à se déplacer pour le soutenir, comme ce couple de chefs d’entreprise et leurs quatre enfants, partis pour la première fois en vacances pour voir Paul rouler à Valencia. Ce week-end, ils seront près de 130 à avoir fait le déplacement. “C’est notre champion du monde à nous”, confie sa marraine, dans un sourire bienveillant.
Mais Paul garde la tête sur les épaules, conscient de tout le travail abattu pour en arriver là, par lui comme par ses proches et son équipe. “Ce n’est pas un sport de gentils. ça m’a fait grandir”, assure le fils. Sa réussite, il la doit aussi à plusieurs rencontres déterminantes. “Sans certaines personnes, Paul regarderait les courses depuis son canapé”, complète Frédéric. S'ajoutent à cela les impératifs financiers dans un sport où l’argent occupe une place (très) importante. “Nous sommes le plus petit budget de la Nascar”, admet Frédéric. Le père, qui est aussi son manager, consacre chaque jour quelques heures de son temps personnel à la recherche de sponsors et partenaires, sans qui rien ne serait possible. “Je n’ai jamais mis un centime de notre poche. C’est un combat de tous les jours. Mais c’est avec plaisir car il nous l’a bien rendu. Aujourd'hui, il fait partie des plus grands espoirs Français du sport mécanique”, explique Frédéric, qui gère en parallèle son entreprise audiovisuelle. Son rêve ? Que sa fille Ema, “qu’il ne laisse pas de côté”, prenne un jour sa place et poursuive le “Projet Paul”.
Je me sens autant Français que Valencien.
L’enfant du Cabanyal
L’enfant de Blaye est aussi un enfant de Valencia. Entre la ville et la famille Jouffreau, c’est “une véritable histoire d’amour” qui dure depuis 15 ans. Chaque année, ils passent près de deux mois dans leur appartement du quartier du Cabanyal. Les commerçants du coin ont vu Paul grandir et faire ses premiers tours de piste. Certains affichent même ouvertement leur soutien, à l’instar de la Cervecería Sueños. Plusieurs photos du pilote s’étendent sur les murs du café, de “ses premiers pas” en kart à sa première victoire à Valencia quelques années plus tôt. “Je me sens autant Français que Valencien”, précise Paul. A chaque course, le pilote arbore d’ailleurs fièrement le drapeau bleu, jaune et rouge aux côtés du drapeau tricolore sur son casque et sa combinaison.
L’entrée chez les “Pro”
Les 13 et 14 avril débute le championnat EuroNASCAR PRO 2024, où Paul s’aligne pour la première fois. Le Girondin est serein. “Plus que le papa”, admet le concerné en riant. “J’essaye de ne pas me mettre la pression. Tout est prêt. Si cela ne marche pas, c’est que j’aurais fait une bêtise donc je ne pourrais m’en prendre qu’à moi-même”, continue le pilote. Le week-end s’annonce prometteur. L’équipe RDV Compétition a terminé en P1 des essais du jeudi 11 avril. Le Girondin vise la victoire sur les deux courses à Valencia, et espère “finir dans le top 5” à chaque rendez-vous du championnat, pour monter sur la plus haute marche du podium dans quelques mois.
A tout juste 20 ans, l’étudiant en BUT mesures physiques a la tête pleine de projets. Pilote professionnel, entraîneur ou entrepreneur, 24 Heures du Mans ou Porsche Cup : peu importe comment, il rêve d'un futur dans le monde du sport automobile. Une chose est sûre, le Blayais fonce pied au plancher vers une belle carrière.