Habiba Msika, née en 1903 à Bab Souika, était une chanteuse, danseuse et comédienne tunisienne, libre et avant-gardiste. Née Marguerite Messika, elle est la nièce de la chanteuse Leïla Sfez. Sa maison est devenue le centre culturel de Testour, rebaptisé en 2017 centre Ibrahim Riahi.
Elle naît dans le quartier juif de Tunis au sein d'une famille modeste. Elle apprend à lire et écrire à l'école de l'Alliance israélite universelle. A sept ans, avec l'aide de sa tante, elle prend des cours de chant, de solfège et d'arabe classique auprès du célèbre compositeur Khemaïs Tarnane et du ténor égyptien Hassan Bannan.
Carrière
Elle débute sa carrière de chanteuse dans les mariages juifs, puis épouse son cousin Victor Chetboun. Le mariage sera de courte durée.
Sous le pseudonyme d'Habiba (bien-aimée), la chanteuse charismatique défraie la chronique avec des titres comme "atini boussa" (donne moi un baiser) et envoûte les hommes.
Surnommée également “ habib’t el koll ” (l’aimée de tous), " belle des belles " ou " tigresse aux yeux verts ", Elle appelait ses fans " asker ellil " (soldats de la nuit), en majorité de jeunes dandys de la bourgeoisie tunisienne, qui se dressaient en protecteurs lorsqu'elle était menacée par les conservateurs.
Chanteuse de variété dont les paroles évoquaient sans retenue l'amour, les tabous, elle osait tenues " sexy ", chansons coquines et provocations. Elle fut arrêtée un soir de 1928 par les autorités coloniales après avoir scandé sur scène des slogans indépendantistes, enroulée dans un drapeau tunisien. Proche des frères Bourguiba, elle partageait leurs idées nationalistes.
Dans la troupe de Mohamed Bourguiba
Habiba Msika rêvait de devenir une grande comédienne, à l'instar de son idole Sarah Bernhardt, la célèbre tragédienne française.
C’est dans la troupe de théâtre de Mohamed Bourguiba, frère aîné du père de l’Indépendance, qu’elle joua les plus grands auteurs : Shakespeare, Molière, Victor Hugo… Elle préférait les rôles masculins, une provocation de plus, surtout quand il s'est agi d'incarner le prophète Joseph, ou d'embrasser Juliette sur scène, jouant le rôle de Roméo en 1925. Ce baiser déclencha une émeute, finalement maîtrisée par les " asker ellil ".
Elle fera une brève carrière à Paris où elle rencontre, grâce à son amant attitré, Pablo Picasso ou encore Coco Chanel qui dira d'elle : " Habiba est un tempérament de feu sous ses grâces d'orientale. Elle imposera Paris en Afrique du Nord. "
De retour en Tunisie, elle joue Le Fou de Leïla, Lucrèce Borgia et la plupart des pièces du répertoire shakespearien.
Fin tragique
Maîtresse du prince Fouad d'Égypte, elle fait la connaissance de Eliahou Mimouni, riche israélite de Testour qui est follement épris d'elle : il lui construira un petit palais à Testour, selon ses directives. C'est en effet Habiba qui choisira matériaux, marbres, faiences, architecture ... Sans pour autant laisser son admirateur Mimouni s'approcher d'elle. Laid et vieux, il n'aura de cesse de la courtiser, la couvrant de cadeaux. Elle ne cédera jamais et continuera à vivre à Tunis.
Elle l'éloignera pour entamer une nouvelle idylle avec un ami d'enfance, Mondher Maherzi. Enceinte, elle décide de l'épouser.
Au matin du 20 février 1930, Eliahou Mimouni, fou de jalousie, pénètre dans son appartement de Tunis, l'asperge d'essence et la brûle vive. Grièvement blessée, elle meurt le lendemain, suivie peu après par Mimouni, brûlé également.
Habiba Msika est inhumée au cimetière du Borgel à Tunis.
A lire :
" Les Valeureuses : cinq Tunisiennes dans l’histoire ” par Sophie Bessis, éditions Elyzad
" Il était une fois...Les Tunes " de Jean-Pierre Allali
A voir :
"La Danse du feu", film de Salma Baccar,
" Ciao Habiba ", film de Sarah Benillouche