La Thaïlande connaît son trente-deuxième Premier ministre. Si elle y voit un peu plus clair, cela ne devrait pas durer. De nouvelles élections législatives auront lieu dans quatre mois…


La Thaïlande a donc, depuis vendredi 5 septembre 2025, un nouveau Premier ministre. Nous avions parlé ici, au début de l’été 2025, d’Anutin Charnvirakul, lorsqu’il était au cœur des menaces d’implosion de la coalition gouvernementale menée par le clan Shinawatra et son parti. Seulement quatrième choix dans les sondages, avec un peu moins de 10% de soutiens, la chute de la Première ministre sortante et des renversements d’alliances lui ont assuré au Parlement 331 suffrages sur 492, soit une confortable majorité absolue.
29 ans d’une carrière politique de très haut niveau
Âgé de 58 ans, dont 29 de carrière politique, le nouvel homme fort de la Thaïlande est qualifié de magnat de l’immobilier conservateur. Conseiller, député, vice-ministre, ministre, vice-Premier ministre, il aura tout connu et plusieurs fois, en presque trois décennies. Il est surtout connu pour avoir été l’un des plus fervents défenseurs de la dépénalisation du cannabis. C’est en 2022, alors qu’il est ministre de la Santé, que la législation change du tout au tout dans le pays, voyant fleurir des milliers de « weed shops ». Il y a quelques semaines, la Thaïlande faisait machine arrière, au grand dam de toute la filière de production et de distribution. Une filière qui reprend des couleurs et espère profiter de cette nouvelle situation politique pour retrouver ses droits.
Attention toutefois à ne pas se laisser griser par l’enthousiasme. Parmi les premières annonces du nouveau dirigeant figurent la lutte contre les stupéfiants, une dissolution du Parlement dans quatre mois et des modifications constitutionnelles. Les cartes pourraient donc être à nouveau rebattues. Nous savons ce qu’il en est en pareil cas dans d’autres pays, en France notamment.
Trois ministres « éminents » déjà choisis
Autre annonce, qui peut prêter à sourire, la promesse de s’entourer de ministre compétents, qui réaliseront un travail efficace. On est en droit de ne pas s’attendre à moins… Pour les trois postes clés des Finances, des Affaires étrangères et de l’Énergie, il a déjà choisi trois personnalités de le fonction publique et du monde des affaires, que le Bangkok Post qualifie d’« éminentes ».
Le directeur général du Trésor prend du galon en devenant ministre des Finances, tandis que c’est un diplomate chevronné qui accède aux Affaires étrangères, en un temps où la diplomatie thaïlandaise a besoin de doigté. Quant à l’Énergie, elle est confiée à un tout jeune retraité, ancien directeur général de la société énergétique PTT Plc, majoritairement publique.
Quatre mois, quatre priorités
Pour les quatre mois à venir, avant les nouvelles élections, le nouveau chef du gouvernement thaïlandais s’est fixé quatre priorités :
- l’économie : réduire le coût de la vie et augmenter les revenus des ménages et des entreprises,
- la sécurité aux frontières : chercher des solutions pacifiques avec le Cambodge sans concéder « un seul centimètre carré » de territoire et indemniser les familles touchées par le conflit dans les provinces frontalières,
- les catastrophes naturelles : renforcer les systèmes d’alerte et les programmes de réhabilitation et d’indemnisation lancés alors qu’il était ministre de l’Intérieur,
- les problèmes sociaux : lutter contre les stupéfiants, la traite des êtres humains, les escroqueries et les jeux d’argent, physiques ou en ligne.
Pas de faveurs, pas de persécutions
« Pas de faveurs, pas de persécutions », a annoncé le nouveau Premier ministre thaïlandais.
Pas de faveurs, cela veut notamment dire qu’il ne cachera pas sous le tapis l’affaire de conflit foncier dans laquelle son parti est impliqué.
Pas de persécutions, cela semble signifier que ses opposants peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Pourtant, quelques heures avant le vote décisif qui scellait la défaite de son clan, Thaksin Shinawatra embarquait à bord d’un jet privé direction Singapour, officiellement pour raison médicale. Officiellement toujours, un problème aéroportuaire l’a détourné vers Dubaï, où il devait visiter des médecins et des amis. Promis, il sera de retour ce lundi 8 septembre, tandis que le lendemain, la Cour suprême doit statuer sur la validité de sa libération de prison. À suivre…
Certes, la Thaïlande semble y voir un peu plus clair mais non, elle n’est pas au bout de ses peines.
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