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Thaksin libéré, la météo politique en passe de tourner

L’influent Thaksin Shinawatra, ex-Premier ministre thaïlandais qui purgeait une peine de prison, a été libéré sur parole dimanche, sans avoir jamais été en cellule, mettant la classe politique en émoi.

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Thaksin Shinawatra le 22 août 2023 lors de son arrivée en Thaïlande. Photo Shutterstock/Teera Noisakran
Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 19 février 2024

Le climat politique en Thaïlande promet de changer après la libération conditionnelle dimanche de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra.

En fuite à l’étranger depuis 2008 pour échapper à la justice thaïlandaise après avoir été évincé par un coup d’Etat militaire en 2006, Thaksin était rentré en Thaïlande le 22 août dernier pour se rendre aux autorités de son pays et purger une peine de huit années de prison.

Son retour au pays coïncidait avec l’accession controversée au pouvoir de son parti, le Pheu Thai, après des élections législatives pourtant remportées par le parti progressiste Move Forward.

Le Pheu Thai, arrivée deuxième du scrutin, a en effet accepté en août de former une coalition gouvernementale comprenant des partis conservateurs, dont ceux directement contrôlés par des membres de l’ancienne junte militaire, tout en excluant le parti vainqueur des élections, dont l’accès au pouvoir avait été bloqué un peu plus tôt par une levée de boucliers parlementaire.

Le Pheu Thai est donc naturellement soupçonné d’avoir conclu un pacte avec son ennemi d’hier, l’establishment militaro-royaliste, consistant à écarter du pouvoir le jeune parti réformiste en échange de la mise en liberté rapide de Thaksin Shinawatra.

Après son retour d'exil, Thaksin a été transféré quasi immédiatement à l'hôpital pour raisons de santé et environ une semaine plus tard, le roi Maha Vajiralongkorn a réduit sa peine à un an seulement.

Des voix s’élèvent depuis plusieurs semaines pour dénoncer les inégalités de traitement de la part de la justice, évoquant notamment le sort réservé à plusieurs dizaines de jeunes activistes politiques incarcérés pour lèse-majesté.

Autant dire que la libération de ce personnage influent et controversé a de quoi exacerber les tensions de part et d’autre de l’échiquier politique.

Le Bangkok Post cite des analystes politiques qui voient se profiler un possible transfert du pouvoir de l’actuel Premier ministre Srettha Thavisin, un novice en politique, au très connecté Thaksin, produisant une sorte de gouvernance à deux têtes.

Toutefois, dans le cas où Thaksin serait tenté de ramener le Pheu Thai sur sa ligne traditionnelle et d’adopter une position plus frontale vis-à-vis de l’establishment, s’écartant du supposé pacte d’août dernier, ce dernier dispose comme il se doit d'un atout dans sa manche pour tenir la bride au vieux lion de la politique, âgé aujourd'hui de 74 ans.

Le bureau du procureur général envisage en effet d'accuser Thaksin de lèse-majesté pour avoir prétendument diffamé la monarchie dans des commentaires tenus en Corée du Sud en novembre 2009.

Une épée de Damoclès de poids quand on sait que la loi thaïlandaise de lèse-majesté est l'une des plus sévère au monde, prévoyant jusqu’à 15 ans de prison par chef d’accusation sans grand espoir de mise en liberté sous caution une fois l’inculpation prononcée.

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