C’est à peu près le seul sujet que la presse francophone ait traité ces derniers jours à propos de la Thaïlande. Et c’est bien normal. L’élection de ce nouveau dirigeant questionne un royaume agité.


Un Premier ministre thaïlandais observé sous toutes les coutures
Cette semaine, notre revue de la presse francophone et de son regard sur la Thaïlande sera, presque par la force des choses, mono-sujet : tout le monde parle du nouveau Premier ministre thaïlandais. Et, au-delà des présentations d’usage, chacun y va de son regard personnel.
Nous l’avons choisi pour qu’il lance la dissolution
Les Échos titrent « Thaïlande : le « roi du cannabis » prend la tête d'un gouvernement sous emprise » et expliquent que « le conservateur Anutin Charnvirakul a été élu Premier ministre, ce vendredi, avec le soutien de ses adversaires progressistes qui lui ont fait promettre une dissolution de l'assemblée dans les quatre mois. Le dirigeant doit gérer une situation politique confuse et une économie fragilisée. » Tout est presque dit en quelques mots. L’essentiel en tout cas. À cela, le quotidien ajoute quelques détails. « Anutin Charnvirakul ne contrôle que le troisième plus grand groupe d'élus au sein du Parlement thaïlandais. Mais à l'issue de complexes tractations avec une demi-douzaine de partis, l'ancien homme d'affaires, milliardaire, souvent baptisé « le roi du cannabis » pour son soutien à la dépénalisation, a réussi à se faire élire, ce vendredi, au poste de Premier ministre du royaume.
Pour emporter l'exécutif, Anutin Charnvirakul, qui pilote la formation Bhumjaithai (Fierté de la Thaïlande) très bien implantée dans les zones rurales de l'Isan (nord-est du pays), a négocié une entente temporaire avec le People's Party (anciennement connu sous le nom de Move Forward) qui est le plus représenté à la chambre basse. »
« Nous l'avons choisi non pas pour qu’il dirige le pays mais pour qu'il lance la dissolution », assument ses partenaires du moment.
Un grand plan national de prêts aux ménages au programme
Le quotidien économique s’intéresse évidemment ensuite à la Thaïlande sous l’aspect qui est sa priorité. « Son économie, qui dépend du commerce et du tourisme, est confrontée aux nouveaux droits de douane « réciproques » de 19 % aux Etats-Unis, son principal marché d'exportation, et à une baisse des flux touristiques.
Sur la période allant de janvier à août, le nombre de visiteurs étrangers a reculé, en glissement annuel, de plus de 7 %. Surtout, les touristes chinois, autrefois très dispendieux, ont considérablement réduit leurs achats dans les luxueux malls de Bangkok et de Pattaya.
Pour relancer la croissance, qui ne devrait atteindre que 2,3 % cette année, le nouveau Premier ministre promet de soutenir la consommation, avec notamment un grand plan national de prêts aux ménages et la mise en chantier de grandes infrastructures. Il pourrait compter sur le soutien d'une partie des milieux d'affaires. Avant son entrée en politique, à la fin des années 1990, aux côtés de Thaksin Shinawatra, il dirigeait le géant de la construction Sino-Thai Engineering and Construction PCL, fondé par son père. »
Jeux d’alliance et trahisons
Le Monde présente le nouvel homme fort en quelques mots, aussi clairs mais différents : « Thaïlande : le magnat de l’immobilier conservateur Anutin Charnvirakul élu premier ministre par le Parlement ». Et ajoute que « quelques heures plus tôt, l’ancien Premier ministre et homme d’affaires thaïlandais Thaksin Shinawatra a quitté le pays. L’élection de M. Anutin évince la dynastie politique qui dominait jusque-là le pays. »
Un autre article du quotidien du soir est titré « Thaïlande : la nomination du nouveau premier ministre, Anutin Charnvirakul, reflet des jeux d’alliance et de trahison ».on nous y explique qu’il ne doit son élection qu’à « d’intenses marchandages qui ont abouti au soutien d’un parti réformiste, idéologiquement opposé. »
Le camp démocratique ressort divisé de l’épisode
Le Figaro a choisi un titre en forme de portrait : « Pro-business, «roi du cannabis», mélomane... Anutin Charnvirakul, nouveau premier ministre de Thaïlande ».
Et Mediapart nous dit que « rongée par des conflits larvés, la Thaïlande porte Anutin Charnvirakul au pouvoir ». « Après une semaine de tractations, le Parlement thaïlandais a élu son troisième premier ministre en un an. Le dirigeant du parti bleu Bhumjaithai s’est toujours illustré par son soutien à l’armée et à la mainmise des élites sur le royaume. Le camp démocratique ressort divisé de l’épisode. »
Le média en ligne poursuit ainsi : « Même si son mandat risque d’être court, il aboutira à une « Thaïlande plus conservatrice », prédit Titipol Phakdeewanich, chercheur en sciences politiques à l’université d’Ubon Ratchathani. « Le mouvement prodémocratique des jeunes pourrait être confronté à des risques importants », a-t-il ajouté, référence au désir de changement d’une jeunesse thaïlandaise qui a appelé à une réforme de la monarchie et de la Constitution, mais qui a été largement réprimée. »
Interdit d’activité politique pendant cinq ans
Le média en ligne belge 7sur7.be titre de manière assez factuelle : « Un magnat conservateur devient Premier ministre de Thaïlande: son prédécesseur, Thaksin, quitte le pays ». Il nous rappelle qui est le nouveau chef du gouvernement. « Né dans une famille de chefs d’entreprises et fils d’un ex-ministre, il a lui-même été ministre de la Santé et de l’Intérieur sous les précédents gouvernements.
Après des études d’ingénieur industriel à New York, Anutin est entré en politique alors qu’il avait une trentaine d’années comme conseiller du ministère des Affaires étrangères. Surnommé “Noo”, qui signifie “souris” en thaïlandais, il cherche à se construire une image d’homme du peuple malgré sa fortune. Sur les réseaux sociaux, il se montre ainsi en train de cuisiner vêtu d’un short et d’un T-shirt, ou interprétant des tubes de pop thaïlandaise au saxophone et au piano.
Anutin est un ancien membre du parti de l’ex-Premier ministre Thaksin, dont le camp a longtemps incarné le mouvement réformateur, par opposition aux conservateurs alignés avec le roi et l’armée. Il avait été interdit d’activité politique pendant cinq ans à la suite de la dissolution, en 2007, de la formation pour fraude électorale. Il a alors appris à piloter et s’est constitué une petite flotte d’avions privés pour transporter des malades à l’hôpital et livrer des organes. Une fois sa peine purgée, il est revenu en politique en 2012 comme chef du parti de centre-droit Bhumjaithai, qui s’est hissé à la troisième place lors des élections législatives de 2023.
Alignant les portefeuilles ministériels au sein des diverses coalitions gouvernementales, il s’est fait connaître à l’international en tant que ministre de la Santé d’un gouvernement mené par les militaires, lorsqu’il a géré la crise du Covid-19. Il avait dû présenter ses excuses après avoir accusé les Occidentaux de propager le virus, dans ce royaume dépendant du tourisme. À ce même poste, Anutin a surtout fait les gros titres lorsqu’il a soutenu la dépénalisation du cannabis en 2022.
Après les élections de 2023, son parti avait rejoint une coalition avec le parti de Thaksin en refusant de s’allier avec les mêmes progressistes qui l’ont finalement soutenu cette semaine pour évincer le clan du patriarche de la politique thaïlandaise. Mais en juin, le Bhumjaithai avait rompu cette alliance en raison de la gestion par le pouvoir du conflit frontalier avec le Cambodge. »
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