Le ministre thaïlandais de la Santé, Anutin Charnvirakul, a bon espoir que son engagement dans la légalisation du cannabis lui assurera une place de choix sinon la plus haute au prochain gouvernement
Le ministre thaïlandais de la Santé, Anutin Charnvirakul, se dit confiant que son engagement dans la légalisation du cannabis portera ses fruits dans les élections de mai prochain, et se voit bien jouer les faiseurs de roi voire carrément occuper la plus haute fonction gouvernementale.
Le dirigeant du Bhumjaithai est convaincu que son parti occupera une place prépondérante dans le prochain gouvernement, quel que soit le camp qui sortira gagnant de la bataille électorale opposant l’establishment militaro-royaliste aux défenseurs de la cause populaire.
Après trois ans d’une crise sanitaire pour le moins opaque et socialement dévastatrice dans laquelle Anutin Charnvirakul a joué un rôle central dans son pays en tant que ministre de la Santé, l'économie est bien entendu l’enjeu principal de ces élections. Mais le processus de légalisation du cannabis, qui a vu la dépénalisation de la plante l'année dernière, a apporté au vice-Premier ministre de 56 ans et à son parti une importante publicité aussi bien positive que négative, à l'approche du scrutin du 14 mai.
"Nous allons gagner plus de sièges que la dernière fois, c'est sûr. Notre objectif est d'obtenir un nombre de sièges parlementaires à trois chiffres à l’issue de ce scrutin grâce à ce que nous avons réalisé", a déclaré Anutin Charnvirakul dans une interview à Reuters.
Jackpot électoral
Lors des dernières élections de 2019, lorsque les règles électorales favorisaient les petits et moyens partis, le Bhumjaithai, qui signifie "Fier d'être Thaïlandais", avait remporté 51 des 500 sièges de la chambre basse, ce qui lui avait valu de devenir un partenaire de la coalition du camp pro-militaire.
Cette fois, les nouvelles règles électorales favorisent les grands partis et le Bhumjaithai a renforcé sa liste de candidats pour rivaliser avec des adversaires plus importants.
Les partis d'opposition, dont le Pheu Thai, de l’ancien Premier ministre déchu, Thaksin Shinawatra, ont vivement critiqué le Bhumjaithai et la coalition au pouvoir pour avoir dépénalisé le cannabis à la hâte sans prend soin de mettre en place au préalable un cadre légal adéquat.
Mais Anutin estime néanmoins que le fait d’avoir ouvert le commerce de la marijuana est un jackpot électoral.
"La dernière fois, le Bhumjaithai a remporté plusieurs millions de voix parmi les gens qui croient aux bienfaits de la marijuana", a déclaré cet ancien patron de l'une des plus grandes entreprises de construction de Thaïlande.
Faiseur de roi voir plus...
Selon deux sondages d'opinion le mois dernier, le Bhumjaithai serait le parti le plus populaire de la coalition au pouvoir, même s’il reste derrière le favori, le Pheu Thai, parti d'opposition emmené par la fille de Thaksin, Paetongtarn Shinawatra.
Le politologue Wanwichit Boonprong, de l'Université Rangsit, estime qu'Anutin pourrait se trouver dans le rôle de faiseur de roi compte tenu de la popularité de son parti et de ses relations par-delà les clivages politiques.
"Le Bhumjaithai obtiendra probablement le plus grand nombre de sièges parmi les partis de la coalition gouvernementale", a déclaré l’universitaire, prédisant qu'il pourrait en gagner plus de 70, y compris dans les bastions ruraux du nord-est inférieur.
Un sondage Super Poll réalisé début avril donne le Bhumjaithai deuxième avec 121 sièges contre 160 pour le Pheu Thai, à l'issue du scrutin du 14 mai prochain.
Le parti a promis des moratoires sur la dette pour les petits prêts et des améliorations au système de santé. Anutin Charnvirakul s’est dit prêt à travailler avec n'importe quel parti et il est même prêt à devenir Premier ministre si l'occasion se présentait.
"Je suis plus jeune, plus frais et je comprends la politique dans un système démocratique", a-t-il déclaré.
Pas de compromis sur la loi de lèse-majesté
Mais ce fervent royaliste pose une limite claire vis-à-vis de toute idée d’amender la loi de lèse-majesté.
Un mouvement de protestation dirigé par des jeunes qui a émergé fin 2020 pour s'opposer à l'implication militaire dans la politique appelle à modifier cette loi sévère de diffamation qui punit toute insulte envers la couronne d'une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison.
Certains petits partis ont proposé de l'amender et le Pheu Thai a évoqué la possibilité d'en discuter au Parlement.
Mais pour Anutin Charnvirakul, la monarchie est sacro-sainte.
"Protéger la monarchie est une source d'inspiration pour le parti", dit-il.