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Un certain regard sur Singapour: Marie Dailey, enseignante,photographe

Marie_Dailey expatriée Singapour Expatriation MaVied'Expat SingaporeMarie_Dailey expatriée Singapour Expatriation MaVied'Expat Singapore
Écrit par Cécile Brosolo
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 11 avril 2018

Enseignante et passionnée de photographie, Marie Dailey vit en expatriation depuis une vingtaine d’années, entre l’Asie et les Etats-Unis. Ses clichés de Singapour témoignent de la culture locale, des traditions ou simplement de la vie des gens dans les anciens quartiers, qui tendent à disparaître dans une Singapour toujours tournée vers l’avenir.

 

 

Vous êtes aujourd’hui enseignante au Lycée Français de Singapour. Quel est votre parcours ?

Marie Dailey – J’ai commencé ma carrière d’enseignante en région parisienne, en tant que remplaçante. Mais au bout de 2 ans, cette sensation d’arriver et repartir sans cesse et de n’être nulle part, de ne pas pouvoir m’investir, m’a poussée à faire une pause, pour réfléchir à ce que j’avais vraiment envie de faire. Je suis partie aux Etats-Unis un an, et j’ai fait énormément de photos.

A mon retour en France, poussée par l’idée du voyage et de la photographie, je me suis inscrite à l’école de journalisme de Paris, tout en étant enseignante à mi temps. Finalement, le photoreportage ne correspondait pas non plus tout à fait à ce que je voulais faire et, à l’inverse, en étant institutrice dans un poste fixe dans une école où j’ai pu rester, j’ai retrouvé le goût d’enseigner.

Puis, par un heureux hasard qui a vraiment été l’élément déclencheur, j’ai rencontré à Paris une danseuse qui revenait d’un tour du monde et avait passé quelques mois à l’école européenne de Taipei. Elle m’a donné envie de découvrir l’Asie et d’enseigner dans un autre environnement, à l’international. J’ai envoyé une lettre ... et j’ai été prise. C’est comme ça que tout a commencé ... c’est assez incroyable quand j’y pense !

Masques (c) Marie Dailey
Masque (c) Marie Dailey

 

Et depuis, vous avez toujours vécu enseigné à l’étranger ?

- Je suis donc partie à Taïwan en 1992, pour une première expérience dans une école à l’étranger. Je n’ai pas eu le coup de foudre tout suite, mais j’ai découvert petit à petit un pays magnifique et j’ai adoré. Et puis j’y ai rencontré celui qui allait devenir mon mari, Colin.

Après 3 ans, j’ai eu envie de découvrir un autre pays, une autre école, et je suis partie un à Jakarta, tandis que mon mari, qui est américain, voulait rentrer aux Etats-Unis. Je l’ai alors suivi, d’abord 3 ans à Minneapolis puis 6 ans à Boston.

Il n’y avait pas d’école française à Minneapolis, mais j’ai eu une expérience différente et enrichissante. J’ai donné des cours de français à l’Alliance française ou aux étudiants de l’université, travaillé dans une école Montessori et suivi une formation de guide au Walker Art Center. A Boston, j’ai travaillé à l’école franco-américaine, en classe bilingue. J’ai adoré Boston ; une période très riche, très intéressante au niveau culturel, et des rencontres avec des gens formidables, qui ont marqué notre vie.

Après les US, nous voulions revenir en Asie et, parmi plusieurs destinations, nous avons retenu Singapour et le LFS, qui ouvrait à ce moment là les classes bilingues. Depuis 2006, j’ai enseigné en ce1, ce2 et grande section de maternelle, d’abord bilingue et maintenant en français.

 

Comment est né ce projet photographique à Singapour ?

- La photographie a toujours été présente dans ma vie et pendant toutes ces années d’expatriation, mais ça restait quelque chose de très personnel. A Singapour, il y a eu comme un déclic il y a 3 ou 4 ans. Je marche beaucoup et j’ai toujours mon appareil photo sur moi, et en me baladant dans le quartier, ici à Serangoon, j’ai commencé à prendre des photos des maisons. A l’époque, le quartier était très différent, il y a avait peu d’expats et les gens habitaient ces petites maisonnettes avec un jardin, construites à l’origine pour les militaires anglais sous la colonisation. J’ai vu le quartier changer petit à petit et ces maisons disparaître du jour au lendemain, remplacées les unes après les autres. Je ne juge pas, les nouvelles constructions apportent autre chose, c’est une autre dynamique, une nouvelle époque. Mais j’avais un peu la nostalgie du passé, et ça a été le point de départ.

Serangoon House
Serangoon House (c) Marie Dailey

 

Une volonté de témoigner du passé, de laisser une trace ?

- Oui, une sorte de témoignage de toutes ces choses qui marquent l’aspect traditionnel et culturel de Singapour, et qui disparaissent peu à peu.

Le fait de me balader pour prendre ces maisons en photo m’a amené à discuter avec les gens et à découvrir plus encore le quartier, sa vie et ses coutumes. Je suis allée à la rencontre des habitants, des commerçants, puis j’ai commencé à entrer dans les temples taoïstes, et à discuter avec les responsables. Ils m’ont invité à différents évènements et cérémonies ; et j’ai découvert une culture et des rituels que je n’aurais jamais soupçonnés.

Ce sont les « petites gens » qui m’intéressent, la vie ordinaire de la population singapourienne qui habite dans les HDB, qui va au wet market et au food court.

Il y a une vraie culture singapourienne, et des traditions importantes. Cette image est quelque part gommée au fur et à mesure pour une image plus superficielle, une vitrine économique et touristique, mais il me paraît important de conserver la mémoire et, par là, l’identité de Singapour.

 

HDB (c) Marie Dailey
HDB (c) Marie Dailey

 

Un exemple de cette culture qui disparaît peu à peu et qui vous émeut ?

- Je fais beaucoup de photos d’opéra chinois. Ce n’est pas le spectacle en lui même qui m’intéresse mais toute la préparation, les séances de maquillage, d’habillage, les couleurs, ... les gens sont adorables et c’est assez fabuleux comme ambiance ! Ça se passe un peu partout, dans les HDB, dans les temples, à China Town ou encore à Little India, ... Mais c’est vraiment une culture qui se perd et quelque chose qui va disparaître, même s’il certains acteurs sont encore jeunes.

Opera Chinois
Opéra Chinois (c) Marie Dailey

 

Cette passion vous amène à découvrir des endroits peu connus, voire insolites. Quels sont vos lieux préférés ?

- Difficile de répondre ... Les sources chaudes de Sembawang, par exemple, vont être fermées à la fin de l’année, alors j’essaye d’y aller au maximum pour témoigner de la vie dans ce lieu, avant. C’est un tout petit espace à peine aménagé au milieu des camps militaires et des HDB de Sembawang, et les gens y viennent tremper les pieds ou se baigner dans l’eau sulfureuse chaude, se flageller pour faire circuler le sang, ou même cuire leurs œufs, ... Ça va être réhabilité, ce sera beau, propre, bien aménagé mais ce ne sera plus authentique et je sais que je n’y retournerai pas, parce que ce n’est pas ce qui m’intéresse.

Sembawang Hot Springs (c) Marie Dailey
Sembawang Hot Springs (c) Marie Dailey

 

Un autre endroit que j’aime beaucoup c'est le "marché" aux oiseaux. Ça se passe en général le dimanche, dans les HDB, à Bishan ou à Sembawang par exemple. Les Singapouriens viennent se retrouver avec leur oiseau en cage pour leur faire écouter le chant des autres oiseaux. C'est aussi un moment convivial, très riche d’échanges. Les hommes viennent boire un café et discutent entre eux, ils parlent de leur passion, des oiseaux -dont certains valent des fortunes!- de la fabrication des cages à partir de bois précieux bien spécifiques, ... et de la pluie et du beau temps.

Oiseaux (c) Marie Dailey
(c) Marie Dailey

 

 

Vous faites beaucoup de portraits. Comment les gens réagissent-ils ?

- Je vais toujours vers les gens, et je discute beaucoup, avant ou après avoir pris des photos. Il n'est pas toujours facile de discuter avec les anciens qui ne parlent pas forcément anglais, mais ici les gens sont très accueillants et ont envie de partager. Je pense qu'ils ont envie qu’il y ait des témoignages de ce qu’ils font et qu'ils sont en fait finalement très heureux qu’on prenne leur photo et qu’on témoigne de leur vie.

Chinese Man
Chinese Man (c) Marie Dailey

 

Suivez Marie Dailey sur instagram mariesinga

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