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Henri Pottier, ou la RATP à Singapour

Henri Pottier et sa famille1Henri Pottier et sa famille1
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 24 août 2022, mis à jour le 25 août 2022

Que ceux qui pensaient que la RATP (il s’agit bien de la Régie Autonome des Transports Parisiens) se limitait à transporter la franciliens se détrompent. En effet, le Groupe RATP opère dans de nombreux pays, parfois discrètement. Pour en savoir plus, Le Petit Journal a rencontré Henri Pottier, vice-président de RATP développement pour l’Asie-Pacifique, qui réside à Singapour depuis 3 ans.

 

Lepetitjournal.com : Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a amené à Singapour ?

Henri Pottier : J’ai toujours été attiré par les services publics comme le transport, l’énergie ou l’eau et leur impact sur la vie quotidienne. Le transport public est très transverse, permettant d’influer sur les aspects socio-économiques de nos villes, d’être au contact direct de nos clients mais également permet de se frotter aux aspects fondamentaux des projets d’infrastructure (financement, conception-réalisation et exploitation maintenance d’outils industriels). A ma sortie de l’École Polytechnique, j’ai complété ma formation avec un master en ingénierie civile et développement durable à Londres où je travaillais en parallèle à Birmingham pour Veolia transport, devenu depuis Transdev, pour développer un logiciel d’optimisation de l’utilisation de la flotte de bus.

Cette expérience internationale m’a convaincu de poursuivre dans cette voie et c’est ainsi que je suis parti pour Hong Kong en 2009, où j’ai rejoint la compagnie locale de tramways afin d’en moderniser les modes de fonctionnement suite à son acquisition. C’était une expérience incroyable, où je pouvais sentir le poids de 115 ans d’exploitation de l’un des plus vieux réseaux au monde (ouverture en 1904) qui compte 161 véhicules et 118 arrêts mais aussi le sens du service des employés. Parmi les améliorations, nous avons ainsi pu mettre en place un système d’information aux voyageurs leur permettant de connaitre à quelques secondes près le temps d’attente de leur tramway.

En 2012, j’ai traversé le détroit pour rejoindre Macao, non pas pour aller au casino comme la plupart des touristes mais pour prendre la responsabilité des opérations de la compagnie locale de bus nouvellement créée, Reolian. Des enjeux très différents avec une feuille blanche et surtout la gestion directe des 400 chauffeurs et staff opérationnels. Mon cantonais rudimentaire a été mis à rude épreuve et l’expérience a été extrêmement enrichissante.

En 2014, nouveau changement de direction avec un passage à Paris par le siège de RATP Développement comme adjoint au responsable de la zone Asie, Moyen-Orient, et Afrique du nord. Une autre dimension de mon métier, plus accès sur la stratégie commerciale, la gestion de filiales et surtout le développement international avec plusieurs appels d’offres réussis, comme les métros de Doha et Riyad.

L’appel du terrain s’est fait ressentir quelques années après et surtout l’envie de revenir en Asie. En 2017, je suis parti à Séoul, pour prendre la responsabilité de la ligne de métro n° 9, dont l’exploitation avait été sous-traitée à RATP Développement depuis 2009. Avec 30 stations et 500.000 passagers par jour, c’est l’une des lignes les plus fréquentées de cette capitale. A l’expiration du contrat de sous-traitance en 2019, la ville a voulu reprendre l’exploitation de la ligne. Mes pas se sont alors dirigés vers Singapour, pour prendre la direction de la région Asie-Pacifique et relancer un cycle de développement dans la région.

 

Tous les gens ayant vécu à Paris connaissent bien la RATP, qui fait partie de leur environnement quotidien. Mais je pense que bien peu savent que cette compagnie rayonne à l’international. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet aspect de la RATP ?

Pour ses activités extra franciliennes, la RATP a créé une filiale, RATP Développement, il y a 20 ans. Cette création s’est faite dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des marchés des transports publics européens. En contrepartie de la possibilité pour la RATP de concourir sur des projets hors de son périmètre historique, elle devait aussi ouvrir son propre réseau à la concurrence. Ainsi, toutes les nouvelles lignes de transport public franciliennes sont ouvertes à la concurrence depuis plusieurs années tandis que le réseau de bus historique sera mis en appel d’offres dès l’an prochain.

Nous avons naturellement commencé par l’Europe, avec, par exemple, la gestion d’un millier de bus à étage à Londres, la gestion des bus et tramways de Toscane, et la gestion de bus à Genève. Puis nous nous sommes progressivement attaqués à d’autres continents à la faveur d’appels d’offres.

Nous sommes aussi présents dans de nombreuses villes ou régions françaises de province, comme Angers, Brest, ou Vienne.

Nous avons aujourd’hui 27000 employés dans 14 pays sur tous les continents, où nous exploitons tous les types de transports urbains (bus, métros, tramways, trolleys, trains). Le Groupe RATP transporte 16 millions de passagers quotidiennement dont 4 millions via la filiale RATP Développement.

 

Quel est donc le projet de RATP Développement à Singapour ?

RATP Développement a l’ambition d’exploiter les futures lignes de métro de Singapour et a pour cela signé un partenariat avec SBS Transit. Nous avons mis à profit les années de pandémie pour nous préparer et attendons à présent les appels d’offres.

 

signature de contrat
Signature de l’accord de partenariat en décembre 2020 (copyright SBS Transit)

 

Réciproquement, RATP Développement s’est associée avec ComfortDelGro, groupe d’origine singapourienne, et Alstom, pour concourir pour l’exploitation des futures lignes 15, 16 et 17 du réseau de métro parisien. Le processus de sélection par l’autorité des transports d’Ile-de-France a démarré l’an dernier et nous en attendons les résultats.

Au-delà du développement à Singapour, je supervise d’autres activités dans la région Asie-Pacifique, notamment notre filiale Hong Kong Tramways, nos activités sur la ligne 1 du métro de Manille ainsi que le développement en Australie qui est un marché très porté sur le développement de nouvelles infrastructures. La réouverture des frontières est un vrai bol d’air pour revoir les équipes et nos clients.

 

Quelle est votre impression de Singapour après trois ans de séjour ?

Je ne suis pas venu ici au meilleur moment, car le Covid a frappé quelques mois après mon arrivée et j’ai donc vécu l’essentiel de mon séjour ici dans ce contexte. Cela a eu un fort impact sur mes activités professionnelles, qui ont pris pratiquement deux ans de retard.

Sur le plan personnel, mes trois enfants sont encore suffisamment jeunes pour être ravis de rester à la maison avec leurs parents à disposition. Mon épouse a également réussi à trouver un emploi dans ce contexte difficile il y a un an et demi. Finalement, nous avons tous réussi à trouver un équilibre et avons profité des deux dernières années pour visiter Singapour de fond en comble.

Nous passons le plus clair de notre temps libre avec les enfants. Quand je peux, je joue au tennis et au football. Je suis aussi un adepte de la randonnée et nous sommes heureux de pouvoir explorer la région prochainement. La prochaine cible est le Mont Kinabalu.

Il est très difficile de rentrer dans le cercle des locaux, c’est assez similaire avec Hong Kong où ils voient beaucoup de personnes de « passage ». Il est plus simple de rencontrer d’autres étrangers dans la communauté mais le retrait des mesures sanitaires va permettre de pouvoir rencontrer plus de monde et possiblement créer de nouveaux liens prochainement.

 

 

polytechnique
Singapour représente moins de 0,2 % de la population de l’Asie. Ce pays n’en regroupe cependant pas moins de 25% de la population polytechnicienne résidant sur ce continent, soit plus d’une centaine d’entre eux. Beaucoup sont de jeunes entrepreneur(se)s attiré(e)s par le dynamisme et la qualité de vie de la cité-Etat.

 

 

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