Le 29 janvier s’est déroulée la cérémonie de remise des Trophées 2024 des Français de l’ASEAN organisée par Lepetitjournal.com à la Résidence de l’Ambassadrice de France à Singapour. Guillaume Levy-Lambert, co-fondateur de la galerie Art Porters, qui promeut des jeunes artistes de la région, a reçu le Trophée des Arts, remis par l’Ambassade de France à Singapour.


Après 10 ans de “labour of love”, ce prix m’offre une jolie occasion de dire merci à tous, d’exprimer ma gratitude, et celle du co-fondateur de Art Porters Sean Soh, que je veux saluer aussi. Depuis 2014, nous avons eu le privilège de travailler avec de nombreux artistes, pour la plupart issus d’Asie du Sud-Est, pour d’innombrables expositions et événements, qui ont souvent laissé une trace mémorable dans les cœurs de la communauté artistique de Singapour et de la région. Que tous ces artistes soient remerciés de leur confiance et que leurs pratiques continuent à se développer ! Saluons aussi nos clients, les collectionneurs qui ont avalisé nos choix, et qui ont ainsi encouragé la galerie et ses artistes dans leur cheminement. Enfin, que tous ceux qui ont su amplifier notre message “sharing happiness with art”, parfois d’un simple like sur Instagram, parfois comme “Le Petit Journal” par des revues régulières, sachent que nous les apprécions.
Le timing du prix est opportun, nous sommes à un point d’inflexion. Pendant la pandémie, j’ai développé avec mon cousin et associé Olivier Varenne une activité importante de courtage en œuvres d’art. Cette activité implique désormais de nombreux voyages qui rendent compliquée la programmation soutenue que nous nous imposons depuis 10 ans. Sean et moi avons donc décidé de profiter des rénovations de notre espace qui commencent le 1er mars pour annoncer que nous concentrons désormais l’activité de Art Porters sur notre site internet et des expositions “pop up”.
La vie de Guillaume, passée pour l’essentiel à l’étranger, est pleine de rebondissements.
De la banque a la publicité
Originaire de la région parisienne et ayant grandi au sein d’une famille juive non pratiquante, Guillaume obtient son bac à seize ans. Après une prépa au lycée Louis-le-Grand, il sort diplômé d’H.E.C. à vingt ans. Des échanges durant ses études et la réalisation de son service national en coopération lui font découvrir New York, Barcelone, Singapour et Montréal. En 1984, il commence à travailler pour BNP Paribas. Très vite, il est expatrié au Japon. C’est la « bulle financière » à l’époque : il a 24 ans et vit au rythme de ce miracle économique japonais pendant quatre ans. Les efforts marketing réalisés par Guillaume sont plus que concluants. Après un retour à Paris où il s’occupe pendant 18 mois des filiales américaine et britannique de Paribas Asset Management, il est envoyé à Hong Kong pour réaliser les mêmes performances.
Quatre années plus tard, il s’installe à Singapour. Il est au sommet de la hiérarchie de la division asset management de la banque en Asie, il se voit finir sa carrière au poste le plus haut. Cependant, un rendez-vous avec un client va le faire changer d’idée : il réalise qu’il est doué pour les relations commerciales mais n’est pas aussi enflammé qu’il le pensait pour la finance. Passionné de publicité des années 70-80, il décide de se reconvertir dans ce domaine. C’est le début de son aventure Publicis. L’agence, encore essentiellement européenne, doit se mondialiser à marche forcée. Après plusieurs rencontres avec la direction à Paris, Guillaume se voit en charge de développer le réseau Publicis en Asie. Il a une intuition fulgurante pour ce milieu. La période qu’il vit est très intense, les acquisitions d’agences sont nombreuses, l’intégration du groupe se fait à la vitesse de l’éclair.

La révélation
Depuis sa coopération à Montréal où il acquiert son premier tableau et durant ses années dans la banque et la publicité, Guillaume a toujours organisé des expositions et collectionné l’art. L’été 1999 est une saison qui va changer sa vie. En juillet 1999, il rencontre la personne qui partage sa vie aujourd’hui : Mark Goh. En août, ils décident de se retrouver à Los Angeles pour des vacances et visitent le Museum of Contemporary Art (MOCA). Ils découvrent un tableau de Roy Lichtenstein (artiste préféré de Guillaume) : Desk Calendar. Le calendrier dépeint est ouvert à la date de naissance de Guillaume et sur la page de gauche est entourée l’anniversaire de son nouvel amour. En septembre, ils s’installent ensemble, et prennent la décision de créer une collection d’œuvres d’art qui racontera leur histoire, qu’ils nomment plus tard la Collection MaGMA. Guillaume commence une enquête sur la genèse de ce tableau, il veut comprendre — et conclut qu’il n’y a pas de hasard. Il se lie avec l’ancien propriétaire. Il étudie de manière détaillée la vie de l’artiste. Il rencontre le plus jeune fils de Roy : Mitchell Lichtenstein. Acteur, il a joué dans le film Garçon d’honneur d’Ang Lee. Ce film racontant l’histoire d’amour entre un asiatique et un occidental, a eu un impact très positif sur la communauté gay en Asie. Pour Guillaume, c’est encore un signe et non une coïncidence. Coincé le 26 décembre 2004 sur un îlot à Phuket lors du Tsunami, avec Mark, Guillaume décide qu’il doit partager l’histoire du calendrier, ce qui débouche sur une première exposition en 2010 à Singapour, qui voyage à Paris en 2014, et décrit d’autres épisodes troublants.

Après quelques années encore chez Publicis, il prend à nouveau la décision extraordinaire de changer de métier. Il décide de se consacrer à l’art en le pratiquant (il conçoit une vidéo : Evidence, puis une exposition : Le Secret Sacré), en le collectionnant et en le vendant. En 2014, la galerie Art Porters est fondée.
La galerie Art Porters
Les motivations de Guillaume sont les suivantes : partager la magie de l’art (on peut lire en lettres lumineuses dans la galerie : Sharing happiness with art), permettre à de jeunes artistes de travailler et changer de vie.
La galerie, détenue par deux associés, Guillaume et Sean Soh, est installée dans une shophouse. L’intérieur se compose de deux salles d’exposition : une grande et une plus petite. La brique est apparente à certains endroits pour rappeler le passé et en même temps pour donner une touche de modernité. Des systèmes de panneaux permettent différentes mises en scènes des tableaux. Les expositions de la grande salle changent tous les deux mois, dans la deuxième salle un peu plus petite, les expositions tournent plus souvent. Le tout donne une impression de grande luminosité et de gaité. Les œuvres superbement choisies sont présentées de manière parfaite. On a envie de tout acheter…

Le choix des artistes se fait selon leur originalité et leur personnalité. Les artistes d’Asie du Sud-Est sont privilégiés. Ils sont généralement en début de carrière. Une acquisition chez Art Porters est souvent un pari gagné sur la notoriété future des artistes exposés.
La galerie participe à de nombreux salons en Asie. Guillaume explique qu’il y avait peu d’art à Singapour, à son arrivée. Si Hong Kong reste une place importante pour le marché de l’art en Asie, Singapour compte aujourd’hui de nombreuses galeries et plusieurs salons, comme SEA Focus, qui a eu lieu ces derniers jours dans le cadre de la Singapore Art Week et où la galerie Art Porters a présenté un artiste singapourien, Aiman.

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