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Dominique Pommier - Financier artiste amoureux de voyages et de l’Asie

Dominique PommierDominique Pommier
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 17 mars 2021, mis à jour le 13 octobre 2021

Issu d’une famille modeste d’instituteurs de province très en avance sur leur temps, Dominique Pommier sut tirer parti de leur enseignement, ainsi que de leurs encouragements à développer sa créativité. Ce perfectionniste excelle académiquement, dessine beaucoup, et réussit le concours de l’Ecole Polytechnique, ce qui le propulse hors de sa province et lui donne l’indépendance financière permettant ses premiers voyages lointains.

Son début de carrière dans le dur monde du conseil, lui fait réaliser rapidement qu’il lui faut trouver un équilibre entre sa vie professionnelle et ses besoins de création artistique. Après s’être embarqué dans un long nomadisme qui l’a conduit à découvrir et vivre dans de nombreux pays, il s’est finalement fixé à Singapour en 1999.

 

Dominique, vous habitez à Singapour depuis plus de 20 ans. Comment êtes-vous arrivé ici ?

En 1985, au début de ma vie professionnelle, j’ai découvert l’Asie lors d’un voyage en Thaïlande et j’ai été fasciné par cette région, sa lumière, ses couleurs, ses habitants. Depuis lors, j’ai favorisé l’orient dans mes choix de carrière. Au début des années 90, j’ai été recruté par une banque japonaise, qui m’a envoyé au Japon, à Hong Kong, puis en Malaisie d’où j’ai pu découvrir très brièvement Singapour en 1992.

En 1994, j’ai rejoint un « Family Office » parisien qui m’a mis en charge de leurs investissements au Vietnam et en Birmanie, ce qui m’a donné l’opportunité de démarrer l’activité de la banque Lazard en Asie ; j’ai donc atterri à Singapour début janvier 1995. J’y ai vécu tour à tour la stimulation de créer et d’animer une entreprise régionale, l’euphorie du développement économique alentour, puis la profonde crise structurelle de 1997.

En 1999, alors que je venais de terminer une mission de deux ans au Vietnam (dont l’économie s’était très ralentie), je me suis posé la question d’un retour en France. Mais les états-majors parisiens, le nez dans leur guidon national, voire européen, ne sentaient pas l’émergence de l’Asie, ni l’intérêt de recruter un spécialiste d’une région en laquelle ils ne croyaient pas encore.

L’engouement naissant pour la Tech et les start-ups poussées par le gouvernement singapourien m’a convaincu d’y retourner, et début 2000, j’y ai créé ma propre société d’investissement et de conseil en venture capital, Active Capital Asia. Ce qui m’a permis de poursuivre mes activités sans être dépendant des lourdeurs administratives et politiques des grand groupes. 20 après, j’y suis toujours.

 

dominique pommier
1987, loft, Londres @ Dominique Pommier

 

Avant votre ancrage à Singapour, vous avez changé de résidence à de nombreuses reprises. N’est-ce pas un peu épuisant ?

Ma curiosité est (presque) sans limite et j’ai eu très vite l’envie de voyager, et de vivre en dehors de France. Mes pérégrinations ont commencé dès ma vie d’étudiant : du lycée à Royan, aux classes préparatoires à Bordeaux, Polytechnique à Paris, multiples visites aux USA, y compris stage d’étude à New-York. Dès mon premier emploi dans le conseil, j’ai demandé à travailler à l’étranger. On m’a fait attendre un peu, et ensuite on m’a envoyé à Londres. J’y suis resté 7 ans.

Ce nomadisme est toujours un recommencement et une remise en question : à chaque nouvelle destination, il faut s’installer, découvrir, s’adapter et construire de nouveaux réseaux. Mais cela donne une grande discipline, une agilité d’esprit et de comportement social.

 

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1996, 96 Emerald Hill @ Dominique Pommier et ID Magazine

 

Étant à Singapour depuis si longtemps, vous avez sans doute vu beaucoup de changement ?

Lors de mon arrivée à Singapour en 1992, le paysage urbain était en construction. Raffles Place se terminait. Boat Quay démarrait tout juste et était l’endroit où se retrouver pour déjeuner ou prendre un verre après le travail. Le premier « salad bar » s’ouvrait à Circular Road. Clarke Quay était encore une suite d’entrepôts. Les lieux où l’on pouvait faire de nouvelles connaissances étaient principalement les bars d’hôtels, Emerald Hill, et les quelques boites de nuits dont la clientèle locale aisée était friande. Je croisais régulièrement les mêmes rares célibataires caucasiens. Mes sorties consistaient plutôt en des réceptions chez des amis d’amis, et bien souvent des familles. La population locale traditionnelle ne se mélangeait pas vraiment avec les expats, dont les goûts et modes de vie leur étaient éloignés. Les expats étaient encore regardés comme des privilégiés.

Progressivement la scène singapourienne s’est enrichie avec le développement d’une vie nocturne et artistique plus variée, des musées, des galeries d’art, des festivals, l’Esplanade, des salles de cinéma offrant une programmation internationale. Cela correspondait aussi à une mutation dans la population des expats, les familles faisant place à des célibataires plus jeunes, et bien sûr au développement et à la sophistication grandissante de Singapour. Si bien que jusqu’en 2019, il était parfois difficile de choisir entre les multiples activités proposées chaque soir : vernissage, lancement de produit, ouverture d’un restaurant, d’une boutique de marque etc.

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Piqué dès son plus jeune âge par le virus de la photographie et l'attrait pour la couleur. 1960, Royan, France (photo de famille)

 

Après plus de 20 ans à Singapour, vous êtes-vous forgé un réseau d’amis singapouriens ?

Oui et non. A l’époque les Singapouriens n’étaient pas facile à approcher, certainement moins que les Malaisiens, les Chinois de Hong Kong, Taiwan ou de Chine populaire. Je me rappelle encore de cette mise en garde par un ami alors que nous arrivions dans un bar à la mode lors de mon premier passage en 1992: « Dont talk to people you have not been introduced to ! ». Rares étaient les locaux intéressés par des amitiés en dehors de leurs réseaux sociaux traditionnels, c’est à dire leurs familles, camarades d’études, et collègues de travail. Les “étrangers” étaient considérés à juste titre comme des gens de passage. La plupart des Singapouriens, avec lesquels j’ai pu établir des relations enrichissantes et pérennes, sont ceux qui ont étudié ou travaillé suffisamment longtemps à l’étranger, ou ceux aux profils atypiques qui n’ont pas pu ou voulu partir. Donc au final, l’essentiel de mes relations actuelles sont des étrangers de tous horizons, y compris Singapouriens d’adoption, et ayant abandonné leur statut d’expat pour s’établir durablement ici.

 

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Le dessin est sa première passion artistique pour ce fort en maths. 1977, Royan @ Dominique Pommier

 

A côté de votre activité professionnelle, vous avez aussi investi beaucoup de temps dans les voyages et sa composante créative, la photographie. Vous avez participé à des expositions à Singapour dont l’une en collaboration avec l’Ambassade de France. Comment arrivez-vous à concilier votre travail et votre passion ?

Être son propre patron donne un plus de liberté dans la gestion de son temps. Ça a toujours un coût ; mais pour moi, la vie n’est pas faite uniquement pour générer du profit, mais plutôt pour atteindre son propre équilibre personnel intérieur.

J’ai été exposé très jeune à toutes les formes d’art : arts plastiques, musique, danse, architecture et design, etc.  (Une Encyclopédie de l’art au travers des âges était d’ailleurs ma « bible » de chevet).

Gamin, je dessinais beaucoup et ce jusqu’au Bac. Mais c’est l’appareil photo que j’ai reçu à l’un de mes anniversaires qui a créé une révélation ; je documente ma jeunesse. Lors de mon dernier stage d’études en 1984, je ramène de New York mon premier reflex Nikon. Les contraintes professionnelles étaient néanmoins telles que je n’ai eu vraiment la disponibilité pour m’en servir pleinement que lors de mes voyages futurs principalement en Asie.

Je porte aussi un grand intérêt à l’architecture et la décoration d’intérieur ; à Londres en 1987, je pris le risque de quitter mon premier emploi afin de réaliser un projet qui me tenait à cœur : la transformation d’un triste appartement traditionnel victorien en un loft lumineux ultra minimaliste au look unique, où j’ai habité 6 ans. Mais c’est à mon arrivée dans cette région que je découvre et suis influencé par le « tropical style », en particulier les maisons et hôtels à Bali qui me font rêver. Je prends donc mon temps pour m’installer : j’ai d’abord eu un coup de foudre pour d’énormes pièces de mobiliers anciens et d’éléments de décoration indonésiens, que je déniche à Bali et que j’envoie à Singapour, sans savoir vraiment où je vais les mettre ! Par chance, je déniche in extremis une shophouse à Emerald Hill, sorte de cathédrale où j’emménage finalement après 9 mois en « service-apartment »; je la transforma ensuite avec une touche Corbusier 1929, des plantes et bambous façon jardin, une sonorisation d’ambiance professionnelle, des éclairages discrets, et bien sûr le Bali style, le tout créant une ambiance unique! La cerise sur le gâteau fut la publication en 1996, dans le magazine de décoration ID, d’un article et de photographies sur mon « château », avant que je n’en déménage pour le Vietnam. Cette aventure décorative locale me fit aussi comprendre lors de l’organisation de mes soirées que les Singapouriens traditionnels n’étaient pas vraiment habitués à recevoir chez eux, ni donc à aller prendre un verre chez des étrangers.

Mais revenons à la photographie. A partir de 2002, je décide de planifier tous mes voyages avec la photo en tête. Je parcours un bon nombre de pays en Asie du Sud et Sud-est ainsi que certaines parties de la Chine, jusqu’à la Mongolie. Ma conception des voyages n’était pas d’empiler les visites de sites ni de me reposer sur des plages blanches bordées de cocotiers, mais d’aller patiemment à la recherche de l’image unique qui inspire. Se lever tôt avant le soleil, savoir attendre pour capter la bonne lumière ou une expression sur un visage. Créer une histoire, une émotion. En 2005, je me décide à montrer le résultat de mes pérégrinations créatives et je réalise avec l’aide d’un étudiant de la Lasalle School of the Arts (et de nombreuses petites mains pour scanner mes innombrables diapos) un site web conceptuel ; je fais ensuite tirer certaines de mes photos et commence à exposer d’abord dans mon grand appartement de l’époque, puis dans plusieurs galeries et espaces comme à Lasalle en 2009, avec la participation de l’Ambassadeur de France de l’époque, ou encore à Affordable Art Fair. J’ai eu la satisfaction de vendre mes tirages à des expats amoureux comme moi de l’Asie, et aussi de réaliser la décoration des bureaux singapouriens d’un fonds d’investissement français en 2006. Mes deux principales expositions « Asian Colours » et « Beyond Surface » (photos texturées abstraites tirées sur toile) ont d’ailleurs fait l’objet de plaquettes souvenir.

La photographie a beaucoup changé depuis mes débuts en argentique. Aujourd’hui tout le monde crée des images avec leur smartphone, qui finissent toutes dans un cloud. Mais j’ai encore beaucoup d’images et un projet d’exposition sous le thème du souvenir oublié (Forgotten Memories). J’espère m’y atteler dès que j’aurais un peu de temps et que les galeries rouvriront !

 

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2003, Tibet, Chine, dans l'exposition Asian Colours de 2006 @ Dominique Pommier

 

Avez-vous d’autres activités en dehors de la finance et des arts ?

Début 2007, après ces années à voyager dans des conditions souvent inconfortables, avec beaucoup de matériel lourd, puis à travailler longtemps à ma table lumineuse et à mon ordinateur sur mes images, je me suis réveillé paralysé. Un mois plus tard, je suis terrassé par une hernie discale. Commence alors un long travail de réhabilitation et une prise de conscience que je dois changer mon style de vie. Mon dernier voyage photo sera en 2008. Depuis je me suis mis au sport à fond, principalement le triathlon (y compris de nombreuses compétitions) et le Core yoga/Pilates ; j’ai aussi changé radicalement mon alimentation, et je suis donc devenu un jeune athlète de 61 ans !

Par ailleurs j’ai toujours eu un vif intérêt par le cinéma en tant qu’art, que j’aime partager avec mes amis avec des projections sur mon grand écran chez moi des films de ma collection (j’ai plus de 1000 films d’auteurs et grands classiques) et au travers de mon blog Le Classic Movie Club sur Facebook.

 

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2006, Pondichery, Inde, dans l'exposition Beyond Surface de 2009 @ Dominique Pommier

 

Comment voyez-vous l’avenir ? Rester à Singapour ? Revenir en France ? S’installer ailleurs ?

Tout d’abord je ne suis pas pressé de prendre ma retraite. Étant mon propre patron, je peux continuer mon métier en le modulant en fonction du contexte économique, de mes capacités, et du temps que je souhaite consacrer à d’autres activités.

Rester à Singapour n’est pas facile compte tenu du coût de la vie. J’ai laissé passer l’opportunité d’acheter quand les prix de l’immobilier étaient raisonnables, et je crains qu’il soit maintenant trop tard. Par ailleurs, je n’ai plus vraiment d’attache avec la France maintenant.

Mon caractère vagabond m’amène plutôt à envisager une vie duale en passant quelques mois en Europe à voyager, y faire de vélo (peut être une base en Grèce ?) et le reste du temps en Asie (Thaïlande, Bali ?), loin des voitures, près de la nature, et en continuant une vie guidée par quelques principes forts tels que :

"Mens sana in corpore sano." Juvenal

"Be yourself; everyone else is already taken." Oscar Wilde

"Live as if you were to die tomorrow, Learn as if you were to live forever." Mahatma Gandhi

« Life is a journey to embrace with passion, Sometimes there is so much beauty to be found, The sophistication of simple pleasures, The stimulation of colours, forms, textures, Listen to your senses, Capture the moment. » Dominique Pommier

 

 

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