Denis Branthonne s’est lancé en 2013 dans l’entreprenariat en créant la société Novade, un éditeur de logiciel qui fournit aux entreprises du BTP une plateforme digitale pour la gestion du suivi des chantiers de construction. La société compte aujourd’hui 120 employés, opère dans 20 pays et est devenue leader du secteur en Asie. Il y a trois ans, lors de la création d’une filiale en France et l’établissement d’un centre de R&D, il s’est retrouvé sur la liste des investisseurs étrangers en France, dix-sept ans après son arrivée à Singapour avec son épouse singapourienne rencontrée en Europe !
Denis, pouvez-vous nous raconter quand et comment êtes-vous arrivé à Singapour ?
Après des études d’ingénieur en France et aux États Unis, j’ai commencé ma carrière dans le secteur de la défense. J’ai notamment travaillé sur la conception et l’industrialisation de sous-marins. J’ai ensuite rejoint le secteur de la Tech en fin des années 90 pour ne plus le quitter. Ma femme est Singapourienne, nous nous sommes mariés en 1999, elle travaillait à l’époque pour EDB en Europe. Après une année à l’INSEAD, elle s’est vu offrir un très beau poste à Singapour. Je l’ai donc suivie et nous sommes arrivés en 2000.
Quels souvenirs gardez-vous de Singapour dans les années 2000 ? Quels sont les évènements qui vous ont le plus marqué ?
Au début des années 2000, l’ambiance était très différente : après quatre décennies de forte croissance en Asie du Sud Est, la Chine commençait à rebattre les cartes. Quasiment chaque mois, on annonçait des délocalisations d’usines vers la Chine, et de nombreux expats prenaient la direction de Shanghai. Cela a d’ailleurs engendré une remise en cause profonde du modèle de développement singapourien et la création de nouveaux « hubs » qui sont des moteurs de l’activité aujourd’hui.
Professionnellement les débuts sur Singapour ont été un peu compliqués, il m’a fallu neuf mois pour trouver un job. En 2001 j’ai finalement rejoint la société de logiciel Autodesk comme simple commercial. Tout était nouveau pour moi : l’Asie, le rôle de vendeur, le secteur. Je me suis finalement adapté et j’ai passé 11 ans chez Autodesk, gravissant les échelons pour finalement occuper le poste de vice-président Asie. Je garde de cette décennie un souvenir formidable. Une des périodes qui m’a le plus marqué, c’est la crise de 2008/2009. J’ai encore en tête cette image de bateaux à perte de vue au large de Singapour. Plus les indices boursiers s’effondraient, plus le nombre de bateaux en attente de cargo augmentait.
Cette crise a profondément affecté le monde occidental et marqué une nouvelle montée en puissance de la chine. A Singapour nous étions aux premières loges pour assister à ce basculement historique. Après une récession très courte, l’économie a rebondi en 2010 de 14% ! Cette croissance a été soutenue en autre par un afflux important d’étrangers. En particulier des jeunes diplômés qui ne trouvaient pas de travail en Europe et qui venaient tenter leur chance. Il me semble que l’image de Singapour a beaucoup changé à cette époque, la ville est vraiment devenue une « capitale monde ». La surchauffe de l’économie a aussi créé un certain rejet pour une partie de la population, qui a dû faire face à une forte augmentation des prix de l’immobilier combinée avec à une stagnation des salaires due en partie à la concurrence des travailleurs étrangers. La popularité du gouvernement en place a fortement baissé et en réaction des mesures ont été mises en place pour que la croissance économique profite davantage à tous les Singapouriens. Le personnel au pouvoir aujourd’hui a vécu cette période, je pense que ce souvenir explique en partie les mesures restrictives appliquées aux étrangers depuis quelques mois.
Quels ont été les challenges professionnels et personnels auxquels vous avez dû faire face ?
En 2013, après avoir « survécu » 23 trimestres sous la pression du Nasdaq chez Autodesk, j’ai quitté la société et décidé de me lancer dans l’entreprenariat en créant la société Novade, un éditeur de logiciel qui fournit aux entreprises du BTP une plateforme digitale pour la gestion du suivi des chantiers de construction. L'activité a démarré très modestement dans un bureau au 9ème étage d'un bâtiment industriel dans le centre de Singapour. La société compte aujourd’hui 120 employés et opère dans 20 pays.
Nous sommes devenus le leader du secteur en Asie. Il y a trois ans nous avons créé une filiale en France et établi un centre de R&D – je me suis retrouvé sur la liste des investisseurs étrangers en France, dix-sept ans après mon arrivée à Singapour !
Etes-vous impliqué au sein des différentes institutions françaises ? A la Chambre de commerce française notamment ?
Je co-anime en effet depuis quelques années un groupe sous la tutelle de la FCCS, le CEO Tech Club. Il s'agit d'un groupe qui rassemble des entrepreneurs français basés à Singapour. Pour être membre il faut être fondateur ou patron d’une société de Tech et parler français. C'est un lieu de discussion passionnant où nous abordons des sujets propres aux entrepreneurs. Nous sommes plus d’une cinquantaine, le niveau de créativité et d’esprit d’entreprise des Français dans la zone est vraiment fascinant !
Comment voyez-vous la situation actuelle à Singapour dans le contexte de la pandémie ?
Ne pas pouvoir partir pendant les vacances est un peu frustrant, notamment l’été dernier, mais au vu de ce qui se passe dans le reste du monde, le fait de ne pas vivre dans le stress permanent d’attraper ce virus me semble être une situation très enviable.
En ce qui concerne Novade, nous avons eu beaucoup de chance : nous avons fait entrer au capital de la société des investisseurs institutionnels en mars 2020, ce qui nous a permis de continuer à investir et à croitre très fortement. Et nous avons été sélectionnés pas les autorités singapouriennes pour faire partie du programme « SCALE UP » dont le but est de permettre à quelques startup d’accélérer leur expansion mondiale.
En revanche le COVID ne nous a pas épargnés : un employé de 34 ans basé à Jakarta a récemment perdu la vie. Tout s’est passé très vite, en une semaine, un véritable traumatisme pour les équipes. C’est un rappel poignant que cette maladie ne touche pas que les personnes âgées, et que nous devons tous faire le maximum pour éviter la propagation de ce virus.
Et pour conclure, comment envisagez-vous votre avenir ?
J’évite de faire « des plans sur la comète ». Il y a vingt ans si on m’avait posé la question, j’aurais répondu que je souhaitais passer trois ans sur Singapour puis découvrir d’autres pays… Je suis toujours là !
Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de lepetitjournal.com, l’édition de Singapour a souhaité donner la parole et mettre en lumière des Français et francophones résidant à Singapour depuis une vingtaine d’années.
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