Vous avez probablement acheté une boîte de thon ou de sardines de cette marque à Singapour. Mais avez-vous noté son logo ? Son coq gaulois trahit son origine. Il s’agit en effet d’une marque française présente à Singapour depuis 1892. Lepetitjournal.com a rencontré Norman Delouis, le directeur général de la société A. Clouet Singapour, qui distribue cette marque dans la cité-État, pour en savoir plus sur son histoire étonnante et sur ce qu’elle représente aujourd’hui.


Monsieur Delouis, racontez-nous l’histoire de cette marque ?
Alfred Clouët, le Français à l’origine de cette marque, arrive à Singapour en 1891 pour y importer des produits de luxe à destination de la communauté occidentale de Singapour. Au début, il s’agit de vins et de parfums. Pour ne laisser aucun doute sur leur origine, ces derniers sont marqués par un coq bien gaulois. Cette marque est rapidement connue sous le nom de Ayam, qui signifie « poulet » en malais.
Raconte-moi Singapour en un objet… Un coq dans la ville
Puis Alfred Clouët étend son commerce à d’autres produits, dont les conserves, qui étaient alors considérées comme des produits de luxe. Elles ont été introduites à Singapour en 1875 par des Français pour conditionner des ananas, qui y étaient alors abondamment cultivés. N’oublions pas que la boite de conserve a été inventé par un Français, Nicolas Appert ! Alfred Clouët commence avec les sardines, puis poursuit avec les champignons et les petits pois. Les conserves Ayam reçoivent une médaille à l’exposition universelle de Paris de 1900 pour leur caractère innovant ! Alfred Clouët devient une notoriété à Singapour : il est même nommé conseiller du commerce extérieur de la France en 1899.
La marque Ayam n’a cessé de se développer et de se diversifier, tant en termes de produits que de marchés.
En 1954, la société Clouët est rachetée par la société Denis Frères, devenue depuis Maison Denis. Cette société familiale faisait du commerce depuis le Vietnam depuis 1862. Dans ce cadre, la marque Ayam n’a cessé de se développer et de se diversifier, tant en termes de produits que de marchés, au point de devenir l’activité majoritaire de Maison Denis, qui a d’ailleurs déplacé son siège à Singapour en 1975.
À Singapour, Ayam est une des marques les plus populaires, comme l’a rappelé le Straits Times en juillet 2025. Elle était déjà dans les rayons du premier supermarché Fairprice, appelé alors NTUC welcome, qui a ouvert en 1973 à Toa Payoh. Fairprice reste un de nos plus proches partenaires à Singapour. Il nous a récompensé en 2024 pour notre démarche en matière de développement durable.

Ayam, c’est aujourd’hui 60 millions de boîtes de conserve vendues chaque année dans le monde.
Que représente la marque Ayam aujourd’hui ?
Ayam, c’est aujourd’hui 60 millions de boîtes de conserve vendues chaque année dans le monde et un effectif de 2.000 personnes. Nos produits sont distribués dans une trentaine de pays, essentiellement en Asie, mais vous les trouverez aussi dans les grandes chaînes de supermarchés français. Nos produits vont de conserves de poissons classiques et de légumes, à des sauces asiatiques, en passant par des nouilles, des plats préparés, ou des ingrédients des plats asiatiques, comme le lait de coco ou de la pâte à curry. Chaque type de produits est souvent décliné suivant plusieurs conditionnements et accompagnements : nous avons par exemple 20 versions différentes pour les seules sardines. Ainsi, nous gérons près de 1.000 références au niveau mondial. Nous lançons actuellement une gamme de chair de poulet avec 7 différentes sauces pour faire des sandwichs, un clin d’œil au nom de notre marque.
Nous ne distribuons pas les mêmes produits dans les mêmes proportions suivant les pays. À Singapour, la sardine et le thon représentent 70% de notre chiffre d’affaires. Derrière, arrivent à égalité les maquereaux, les haricots en sauce tomate, et le lait de coco. Mais en Australie ou en France, nous commercialisons surtout des sauces asiatiques.
Pour certains produits, nous avons nos propres usines de production, comme pour les sardines en Malaisie ou pour les haricots au Vietnam. Pour les autres, nous faisons aussi appel à des sous-traitants dans le cadre de cahier des charges très précis préparés par nos équipes de recherche et de développement.

Qu’est ce qui fait la spécificité de la marque Ayam ?
La société Maison Denis reste une entreprise familiale comme l’était la société Clouët. Ses dirigeants sont toujours des descendants de son fondateur, Etienne Denis, et son capital est toujours détenu par la famille. La pérennité de la marque est donc recherchée à travers deux grands engagements.
Nous choisissons des ingrédients de qualité et nous assurons que la chaîne du froid est maintenue.
D’une part, les produits doivent être sains, abordables pour la majorité de la population locale, et faciles à utiliser. Nous choisissons des ingrédients de qualité et nous assurons que la chaîne du froid est maintenue dans leur transport grâce à des sondes qui enregistrent la température en continu. Les poissons de petite taille que nous visons sont peu enclins à concentrer du mercure : cependant nous vérifions systématiquement que sa proportion reste bien au-dessous des normes sanitaires. Nous n’utilisons pas de conservateurs, usons du sel et du sucre avec beaucoup de modération, et n’ajoutons pas de glutamate monosodique (MSG) ou d’acide gras trans (ACT). Les produits sont préparés dans des usines modernes, certifiées halal, et selon des cahiers des charges rigoureux. Nous procédons nous-mêmes à leur contrôle qualité, que les produits soient préparés chez nous ou chez des sous-traitants. Rappelons que la mise en conserve garantit la longévité des produits. La date limite figurant sur les boîtes garantit le bon goût des produits avant cette date (« best before »), mais ils peuvent être consommés bien plus tard sans danger. L’analyse de conserves retrouvées dans des épaves de bateaux, des décennies après leur naufrage, ont montré que les produits étaient toujours consommables.

D’autre part, nous avons une grande conscience environnementale. Nous choisissons des espèces de thons qui ne sont pas en voie de disparition et nous nous assurons qu’ils sont pêchés dans des mers où ils sont encore en nombre suffisant pour se reproduire, et selon des méthodes de pêche durable, comme la senne coulissante. Les panneaux solaires équipant nos usines leur permettent de fonctionner avec jusqu’à 50% d’énergie renouvelable. Nos emballages sont en carton recyclé. Nous nous assurons que nos sous-traitants font aussi preuve de responsabilité environnementale. Nous visons la neutralité carbone à l’horizon 2040.
Par ailleurs, nous nous assurons que, tout au long de notre chaine d’approvisionnement, les entreprises qui travaillent pour nous respectent les cadres légaux nationaux et internationaux, notamment en termes de droits humains, d’intégrité, de travail des enfants, ou de discrimination.
Enfin, nous participons à des actions caritatives locales. À Singapour, par exemple, nous aidons l’association Food From the Heart, qui fournit de la nourriture à des personnes dans le besoin : nous leur donnons des produits et nos employés participent à certains de leurs événements.
Sur le même sujet























