Ils ont passé 7 ans, 5 ans, un an à Shanghai, à Suzhou et à Nanjing. Comment ont-ils vécu cette expérience : une parenthèse, une ouverture ? Quelle est leur relation à la Chine et aux Chinois ? Parole d'expatriés shanghaiens
Corinne et Sylvain, 5 ans en Chine ? "Tu te rends compte, on est à Shanghai !"
lepetitjournal.com - Qu'est-ce qui vous a amenés à vivre en Chine ?
Corinne - C'est grâce à toi ! (Le décor est tout de suite planté, ces deux-là ne sont pas venus par hasard en Chine !)
Sylvain : Depuis 2005, mon employeur me parlait souvent de la Chine, entre 2007 et 2008, j'y suis allé 20 fois, surtout à Wuhan mais aussi à Shanghai, nous n'attendions plus que ça !
Vos grands moments ?
Corinne : Tous les jours, il y a eu une rencontre, un sourire, un moment de connivence avec les gens de la rue?
Sylvain : Avec mon side-car (il se déplace tous les jours en son bureau avec son engin de cinéma !), j'attirais tout de suite la sympathie ! Un de nos plus grands moments, c'est certainement un Noël dans les minorités Dong où nous avons partagé un repas avec la famille à même le sol, sur de la terre battue... On était presque dans l'étable de Jésus...
Qu'avez-vous préféré en Chine ? Bien sûr Shanghai, des liens d'attachement très forts se sont créés avec cette ville, notre ville. A tel point que Sylvain, qui s'y sent complétement chez lui, n'envisage pas d'y revenir en tant que touriste de passage... Pendant deux ans, on n'est pas sorti de la Chine, on l'a sillonné dans tous les points cardinaux. On a eu un coup de coeur pour les maisons Hakkas, ces maisons circulaires où règne une vie communautaire, c'est assez bluffant ! De 3 à 4 familles à un hameau complet vivent ensemble autour d'une cour commune où ils partagent les animaux et un puit : une vie en autarcie en quelque. sorte.
Ce qui va vous manquer ?
D'une seule voix, les Chinois ! Ici, les gens ne sont pas agressifs, on se sent bien, c'est un pays très facile à vivre en tant qu'étranger. Les Chinois sont drôles, affectifs et très accueillants.
Corinne, un trémolo dans la voix : J'aime leur humour, ils sont "easy going" (faciles d'accès). Ils vont me manquer !
Pour nous, c'était une expérience formidable. On essaie de se dire "Don't be sad, it's over. Be happy, it was" : (ne sois pas triste, c'est passé) mais on a eu la chance de le vivre. Et puis, ça restera en nous, ce n'est pas comme une parenthèse qu'on referme pour passer à autre chose, c'est une continuité. On a l'impression d'avoir fait une immense boucle, alors que quand on reste en France, la vie est linéaire. De ce fait, on n'avait pas envie de tourner la page en 12 heures d'avion, c'était trop un choc, trop virtuel. On voulait sentir le retour progressivement, alors on va prendre le Transsibérien de Pékin à Moscou : 12 jours de voyages au lieu de 12h de vol...
Un conseil à ceux qui arrivent ?
"Keep fresh eyes", restez émerveillé ! Essayez de vivre le maximum simplement : chauffeur et ayi service minimum, voyage dans les conditions locales, ça permet de ne pas vivre dans une bulle, car l'important, c'est de rencontrer les gens. Et faites de cette expérience un projet familial.
Anne, 7 ans en Chine - « C'est quand nous n'y serons plus, que nous découvrirons ce qui va nous manquer de la Chine »
lepetitjournal.com - Qu'est-ce qui vous a amenés à vivre en Chine ?
Anne : Nous n'étions pas spécialement attirés par l'Asie, et n'y étions jamais venus. Comme pour beaucoup, c'est le travail de mon mari qui nous a amenés ici alors que nous étions depuis 4 ans à New York. Nous avons habité d'abord 2 ans à Suzhou, puis avons emménagé à Shanghai pour être dans une ville plus grande et moins isolée.
Vos grands moments ?
Il n'y a pas eu de grands évènements particuliers, mais une succession de petits moments dont nous nous souviendrons longtemps, et qui souvent nous ont surpris sur la modernité de la Chine, alors que nous venions des USA ! En voici quelques-uns : au début, nous étions très peu d'étrangers à Suzhou, les habitants chinois nous regardaient ou touchaient même les enfants même en conduisant leur vélo et à chaque fois manquaient de tomber ; l'arrivée à l'école Dulwich de Suzhou, où les locaux ressemblaient plus à ceux d'une multinationale qu'à ceux d'une école ; la construction de Suzhou faite en un temps record où l'on place une route, des arbres, des feux rouges, des immeubles et des lumières comme dans un jeu d'enfant.
Un moment drôle tout de même : notre Ayi qui a vidé toutes les capsules de Nespresso et qui les a nettoyées et séchées ! Et le jour où elle a briqué mon argenterie au Scotch-brite, là j'ai moins ri !
Qu'avez-vous préféré en Chine ?
Nous avons eu la chance de faire plusieurs voyages, dont Pékin en chantier avant les JO, une croisière sur le Yangtze, qui nous ont plus particulièrement marqués. Nous avons aussi voyagé hors de Chine et avons eu un coup de c?ur pour la Birmanie.
J'ai aussi beaucoup apprécié de découvrir la Chine à travers mon activité professionnelle même si j'ai surtout été en contact avec des personnes de Hong Kong. Et avec le recul, je suis admiratrice des jeunes qui créent des business en Chine car c'est loin d'être facile !
Ce qui va vous manquer ?
La sympathie et la bienveillance des Chinois, le côté flexible, facile de la vie. En Suisse, là où je vais, je crains déjà la rigidité et m'imagine pester car le supermarché sera fermé le dimanche, ou car le réparateur télé ne viendra qu'au bout de 2 semaines !
Un conseil à ceux qui arrivent ?
Même s'il faut être vigilant, ne stressez pas trop sur la pollution et la sécurité alimentaire, avant on ne savait pas et on vivait plus sereinement. Notez toutes les petites anecdotes de la vie, surtout au début car on oublie trop vite ! Et surtout... profitez !
Louisa, 1 an en Chine : « La Chine, un pays d'opportunités pour les jeunes »
lepetitjournal.com - Qu'est-ce qui vous a amenée à vivre en Chine ?
Louisa - Je suis étudiante à l'ESSCA (Ecole de commerce à Angers) et dans le cadre de notre cursus, nous devons passer notre 4ème année à l'étranger. Déjà citoyenne européenne car je suis moitié Irlandaise, j'avais envie de me frotter à une culture complétement différente, j'ai choisi la Chine.
Vos grands moments ?
J'ai d'abord été étudiante pendant 6 mois à Nanjing, une "petite ville chinoise" de 9 millions d'habitants. Mon entrée en matière avec la Chine a été marquante : au début, archétype de l'Occidentale, je me sentais vraiment dévisagée et pas très à l'aise. Puis ça a laissé place à un sentiment contraire, celui d'être très accueillie car à Nanjing, c'est un honneur de manger avec les laowai, les étrangers. Pendant cette période, j'ai eu beaucoup de contacts avec les Chinois, j'ai même été invitée par un étudiant dans sa famille à Chengdu : on a vécu à la chinoise pendant 5 jours : oeufs brouillés et espèce de crêpes frites au petit déjeuner, thé noir toute la journée et photos toutes les 5 minutes !
A Shanghai, j'ai passé beaucoup de très bons moments, mais la communauté française est si importante que naturellement, on reste plus "entre nous" et on a moins de contacts avec les Chinois. J'ai beaucoup apprécié de pouvoir m'investir dans une association comme la JCEF, où j'étais en charge de la commission Biznest, de mise en relation d'entrepreneurs.
Qu'avez-vous préféré en Chine ?
Voyager et découvrir les différents visages de la Chine. Par exemple, à Yangshuo, près de Guilin, qui est une zone très touristique, dès qu'on s'éloigne un peu dans la montagne, on découvre le silence (devenu rare en Chine) ! On est parti découvrir à moto les montagnes, on traversait de petits villages où les enfants venaient nous accueillir. Personne ne parlant l'anglais, on se servait de nos mains pour essayer de se faire comprendre avec les quelques personnes que l'on rencontrait. J'ai aussi beaucoup aimé Pékin, même si c'est plus "classique".
Qu'est ce qui va vous manquer ?
La douceur de vivre à la chinoise, la qualité de vie et les opportunités qui se présentent à des jeunes comme nous. A notre échelle, on peut aussi s'engager dans des associations comme la JCEF et c'est très gratifiant. Finalement, c'est plus facile pour nous ici, surtout en tant qu'étudiants ou stagiaires...
Un conseil à ceux qui arrivent ?
Si vous devez vivre dans plusieurs villes, terminez par Shanghai, certes moins dépaysante, mais pleine de charme, c'est la cerise sur le gâteau !
Propos recueillis par Carole Colomb et Marie-Eve Richet (www.lepetitjournal.com). Vendredi 14 juin 2013