Le vieillissement accéléré de la population chinoise met à risque son système de retraite. A ce jour, quatre schémas de retraite coexistent, ceux des fonctionnaires (les seigneurs du système), des ruraux, des indépendants et des salariés urbains – la caisse la plus large du pays.
Créée en 1997, cette caisse est financée par les patrons qui y versent 20% des salaires bruts (système par répartition). Les salariés de leur côté mettent 8% de leur paie sur leur compte propre, qui leur revient en fin de carrière (système par capitalisation).
L’Académie chinoise des Sciences Sociales (CASS) sonne l’alarme : 40 ans de planning familial, à un enfant par famille, a tronqué la pyramide des âges, asséchant la cohorte de la population active, celle qui paie pour étoffer sa retraite. Après un pic en 2027 à 1040 milliards de $, les caisses du fonds de retraite des employés urbains s’assécheront progressivement pour être complètement vides en 2035, et déficitaires de 1640 milliards de $ en 2050, avec un 1,3 actif pour un seul retraité au lieu de 2,8 actuellement ! Les aides publiques ne font que retarder l’échéance : sans elles, le déficit aurait débuté dès cette année…
Quelles solutions pour renflouer les caisses ? Les cotisations sont déjà élevées (28% du salaire), ce qui laisse peu de marge pour les augmenter. De plus, le ralentissement de la croissance aggrave les difficultés. Comme panacée, le Conseil d’Etat parie sur la relance, en baissant les charges patronales de 20 à 16% au 1er mai.
Un autre problème est structurel : la complexité et la fragmentation des différentes caisses selon le statut du cotisant, son lieu de vie, son hukou, a permis à la fraude de s’installer. Les employeurs ne contribuent pas et les autorités locales ferment les yeux pour ne pas voir augmenter leur taux de chômage.
De surcroît, existent de fortes disparités intra-provinces : Pékin et le Guangdong contribuent le plus; le Dongbei (Liaoning, Heilongjiang, Jilin), le Sichuan et le Hebei le moins. Des retraités à Shenzhen et Shanghai peuvent donc toucher 4000 yuans par mois, contre à peine 100 yuans au village.
Pour gommer ces écarts, Pékin tente d’imposer, depuis juillet 2018, la mise en commun des recettes et des dépenses. Mais l’initiative suscite la fronde très active des provinces côtières les mieux nanties, au fort afflux de main-d’œuvre, peu soucieuses de partager avec celles du Centre et de l’Ouest…
Une autre option consiste à reculer l’âge de la retraite, qui est relativement précoce (50-55 ans aux femmes, 60 ans aux hommes). En dépit de l’allongement de l’espérance de vie à 76,4 ans, l’âge de la retraite est resté fixe. En effet, par souci de réserver les emplois aux jeunes, le pouvoir tarde à ajuster ce paramètre. Les experts proposent que les actifs de 59 ans (nés en 1960) restent 6 mois de plus, ceux de 60 ans fassent un an encore, et ceux de 61 ans, 18 mois avant la retraite…
Une autre option serait de mettre davantage à contribution les entreprises nationales sous la tutelle SASAC. Fin 2017, l’Etat décide de confier au fonds central de sécurité sociale 10% des parts de 18 consortia publics, soit un capital de 10 milliards de $, dont l’assureur PICC, (4 milliards de $) et China Taiping (frisant le milliard de $). C’est bien sûr trop peu par rapport aux besoins, mais Pékin veut étendre l’effort aux consortia provinciaux et municipaux. « Le fonds a besoin de constantes perfusions en cash, mais doit surtout pouvoir se financer seul en investissant sur les marchés de capitaux », commente le chercheur Zhao Yayun. Actuellement, 15% des actifs du fonds travaille en bourse, le reste en bons d’Etat ou en banque. Sauf que la volatilité des marchés chinois comporte un aléas non négligeable pour le fonds. Mais les experts rassurent : ces risques sont tolérables du fait de la diversification du portefeuille et de l’horizon d’investissement à long terme.
En résumé : afin de s’éviter les difficultés d’une réforme exhaustive, le pouvoir central a préféré jusqu’à ce jour mettre la main au portefeuille. Toutefois cette option devient moins tenable, à mesure qu’augmentent les besoins et que s’essouffle la croissance.
Par Jeanne Gloanec