Quelques jours avant le déroulement de la COP 28 à Dubaï, le 30 novembre dernier, l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation Jean Jaurès dévoile une enquête sur les préoccupations environnementales du continent. Jean-Jacques Kourliandsky, directeur de l’Observatoire, nous éclaire sur la priorité accordée aux questions sociales par les habitants, reléguant ainsi les considérations environnementales à un rang secondaire.
La COP28, qui s'est déroulée le 30 novembre dernier à Dubaï, a réuni des représentants de nombreux pays du monde pour discuter de questions environnementales cruciales. Dans ce contexte, l'Observatoire de l'Amérique latine de la Fondation Jean-Jaurès a publié une enquête sur la manière dont la transition écologique est perçue et abordée dans les pays d'Amérique latine. Jean-Jacques Kourliandsky explique pourquoi, au milieu d'une crise sociale et économique, les préoccupations environnementales ont tendance à être reléguées au second plan.
Comment évaluez-vous l’importance des préoccupations environnementales en Amérique latine, telles que révélées à travers cette enquête ?
Selon notre enquête, les préoccupations environnementales ne viennent qu’en quatrième position dans les priorités des personnes interrogées. Lors des dernières élections en Argentine, par exemple, le thème de l’environnement n’était pas considéré comme prioritaire par le nouveau président Javier Milei. Mais ce qui prime avant tout chez les habitants reste la survie immédiate : manger, boire, avoir un toit et une sécurité minimale. Les questions environnementales ne deviennent prédominantes que lorsque des évènements, tels que l’explosion du barrage de Kakhovka au Pérou en juin dernier, affectent directement les communautés, provoquant des crises brutales et localisées.
Quand l’assiette est vide, on pense avant tout à la remplir, plutôt que de se préoccuper de l’écologie.
Vous évoquez le concept de « colonialisme vert » dans cette enquête : comment les pays latino-américains perçoivent-ils la transition écologique ?
Le concept de « colonialisme vert » a été employé par le président brésilien, Lula Da Silva. Il provient de l’idée que l’environnement est perçu comme un instrument diplomatique, imposé par les pays riches. Un exemple actuel à ce sujet est la protection de la forêt amazonienne, utilisée par le président brésilien comme moyen de défendre ses intérêts. On retrouve également ce concept dans certains pays d’Afrique.
Quelles sont les attentes et les contributions que l’Amérique latine pourrait apporter à la COP 28 ?
Nous constatons que de nombreux gouvernements d’Amérique latine présentent des propositions similaires, même parmi les trois pays les plus intégrés, qui sont l’Argentine, le Brésil et le Mexique. Mais sur certains sujets, tels que le conflit opposant la Russie à l’Ukraine, ils ne parviennent pas à se mettre d’accord. En ce qui concerne les questions environnementales, c’est un peu la même chose, rien n’a encore abouti à des résultats concrets.
L’insécurité, la pauvreté et le chômage sont les préoccupations immédiates des personnes interrogées : comment ces préoccupations influent-elles sur la capacité des gouvernements à mettre en place des politiques environnementales et comment les gouvernements peuvent concilier ces priorités avec les objectifs de la COP 28 ?
Bien que ces préoccupations ne soient pas explicitement à l’ordre du jour de la COP 28, elles sont inévitablement liées. Les gouvernements latino-américains soulignent qu’ils ne sont pas les principaux pollueurs, mais plutôt les premières victimes de cette pollution. Le désastre de la forêt amazonienne est, par exemple, majoritairement engendré par la production des pays occidentaux. Les résultats de cette enquête prouvent également que ces désastres écologiques entraînent nécessairement des conséquences sociales sur ces populations. La capacité des différents gouvernements à mettre en place des politiques environnementales est donc influencée par la nécessité de résoudre ces défis immédiats. Il reste donc à voir si des avancées concrètes seront réalisées d’ici la COP 29, qui se tiendra justement au Brésil.