Plusieurs spécialistes avaient annoncé le dépassement de ce seuil en avril, et l’accalmie ne semble pas pour tout de suite. De quoi relancer encore le débat sur la nécessité d’un confinement plus strict.
Il l’avait dit, il y a 2 jours. Dans une interview au journal Valor, Dimas Covas, directeur de l’institut Butantan de São Paulo, avait prophétisé un “mois d’avril très dramatique“ avec un dépassement des 5000 morts par jour. Pour l’heure le record reste américain, avec une journée à 4476 morts le 12 janvier dernier. Mais le Brésil s’en rapproche, inexorablement.
Car depuis quelques semaines, les records macabres ne cessent de tomber. Seuil des 2000 morts en 24h dépassé le 11 mars dernier, celui des 3000 morts le 23. Et aujourd’hui, 4211 morts comptabilisés*. La progression s’accélère, le début de l'année 2021 est déjà plus meurtrier que toute l'année 2020. Le Brésil totalise désormais plus de 13 millions de personnes contaminées depuis un an, dont plus de 337.000 sont décédées.Comme l’écrit Atila Iamarino, chroniqueur scientifique de la Folha de São Paulo, “le Brésil est devenu le cimetière du monde.“
Araquara: 0 décès depuis 2 jours
Et sur la fameuse ligne de front, cela craque aussi à plusieurs endroits, faute de place, de personnels ou d’équipement pour accueillir tous les malades. Dans l’État de São Paulo, qui a connu aussi sa pire journée avec 1389 morts, les urgences sont largement saturées avec plus de 13.000 lits occupés tandis que plus de 1000 personnes se trouvent dans la file d’attente. Même débordement à Rio de Janeiro, où l’on déplore depuis le début de l’année 300 décès aux urgences par faute de soins.
Cependant une ville de l’État de São Paulo attire le regard : Araquara, 240.000 habitants, qui ne compte plus de nouveau décès depuis deux jours, conséquence d’un lockdown strict observé pendant 10 jours de fin février à début mars. De quoi relancer le débat sur la nécessité d’un confinement à la fois plus strict et plus étendu, comme le réclament les médecins et les scientifiques, à l’instar de la directrice de la plateforme USP-Pasteur, Paola Minoprio.
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Une telle hypothèse reste encore peu probable, bien que le Brésil file droit vers le demi-million de morts à brève échéance. La dernière querelle du week-end entre les magistrats de la Cour Suprême, sur le fait d’interdire ou non les cultes, révèle une fois de plus l’absence de consensus national quant aux réponses à apporter à cette crise sanitaire.
Inflexion des contaminations
Au moins sur la vaccination, la volonté semble aujourd’hui partagée, depuis que le président Jair Bolsonaro a fait un virage à 180 degrés sur le sujet. Mais les commandes non passées voire refusées fin 2020 par le précédent ministre de la santé se ressentent sur la campagne de vaccination en cours, qui continue de patiner, faute de vaccins. Aujourd’hui, près de 21 millions de personnes (soit moins de 10% de la population brésilienne) ont reçu la première dose ; mais seulement 5,8 millions ont reçu les 2 doses, soit 2,8% de la population seulement.
Contrairement aux annonces du ministre de l’économie, Paulo Guedes, et malgré une accélération progressive de la production de vaccins par les 2 principaux laboratoires brésiliens (Butantan et Fiocruz), il est peu probable que le Brésil aura atteint l’immunité collective d’ici 4 mois. Or pendant ce temps, la circulation non maîtrisée du virus augmente le risque de voir apparaître de nouveaux variants à la fois plus contagieux et déjà résistants aux vaccins actuels.
Un espoir malgré tout, au milieu de ce tableau sombre, avec un début d’inflexion des contaminations, qui ont reculé de 16% sur les 2 dernières semaines. Chiffre à considérer toutefois avec prudence: les décès quotidiens avaient, eux aussi, connu une légère diminution la semaine dernière.
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* Tous les chiffres publiés ici sont ceux du consortium de médias qui lui-même se base sur les statistiques fournies au niveau de chaque État par son secrétariat régional à la santé. Ce consortium inédit, qui regroupe tous les principaux médias brésiliens, a été créé en juillet 2020 pour contrer la tentative du gouvernement fédéral de masquer ou modifier les chiffres de la pandémie.