Plus de 300 Français et Françaises font face à des difficultés dans leur demande, ou leur renouvellement, de titre de séjour auprès des services migratoires chiliens. Un chiffre qui n’est que "la pointe de l’iceberg" selon les conseillers consulaires Français au Chili.
"Ça fait plus de sept mois que j’attends une réponse pour mon visa". "Ma demande de visa m’a été refusée sans explications". "Je n’arrive pas à contacter le service des migrations". Des dizaines et des dizaines de messages de ce genre sont régulièrement publiés sur les groupes Facebook de Français au Chili.
Julien* fait partie de ces personnes qui font actuellement face à des difficultés dans leur demande, ou leur renouvellement, de titre de séjour. Il s’est installé à Santiago il y a deux ans et demi. La première demande de visa que Julien a réalisé, c’était pour un visa de travail. Il y a cinq mois, il a fait une demande de renouvellement de son titre de séjour. Elle lui a été refusée : "J’ai envoyé mon dossier par la poste, alors qu’il fallait faire la démarche sur Internet. Le système venait de changer et je n’en savais rien", explique-t-il. Julien a donc renvoyé sa demande, en ligne cette fois-ci. Il a reçu un deuxième refus : "Le motif c’était 'délai dépassé'. Car le service des migrations a tardé quatre mois avant de répondre à ma première demande." Et d’ajouter : "On m’a donné très peu d’informations et c’est très compliqué d’entrer en contact avec le service des migrations." Julien a fait appel à un avocat pour défendre son dossier. "Je ne peux rien prévoir puisque je ne sais pas ce qu’il va se passer dans les semaines ou les mois à venir, s'inquiète-t-il. Le risque d’un troisième refus existe et dans ce cas, je devrais probablement quitter le pays. C’est une situation très stressante."
Je ne peux pas partir, j’ai toute ma vie au Chili !
Être dans l’attente sans savoir ce qu’il va se passer et vivre avec l’angoisse de devoir quitter le pays, c’est également la situation dans laquelle se trouve Eva Delmas. Installée au Chili depuis 2016, avec ses deux enfants, Eva essaye d’obtenir la "permanence définitive". "Ma résidence principale est au Chili, mon entreprise est au Chili, mes enfants sont scolarisés au Chili... Je n’ai pas l’intention de quitter le pays", insiste-t-elle. Lorsqu’Eva et ses enfants sont arrivés à Santiago, ils ont obtenu un visa temporaire titulaire. En 2019, elle a envoyé une demande de renouvellement de leurs visas, mais elle lui a été refusée. Elle a alors monté un dossier afin d’obtenir la "permanence définitive". Mais de nouveau, c’est un refus "sans aucune explication, souligne-t-elle. Je n’ai pas d’information sur les raisons de ce refus. Et c’est impossible de joindre quelqu’un au département des migrations." Eva a récemment reçu un avertissement expliquant qu'après une certaine date, si sa situation n’est pas régularisée, elle devrait quitter le pays : "Mais je ne peux pas partir, toute ma vie est ici !" Tout comme Julien, Eva a engagé un avocat pour essayer de trouver une solution à son problème.
Selon un premier recensement réalisé par les conseillers consulaires français du Chili, environ 300 ressortissants feraient face à des difficultés en ce qui concerne leur demande ou leur renouvellement de visa. Mais ce chiffre n’est que "la pointe de l’iceberg", estime Laure Hélène Filhol, conseillère consulaire. "On ne sait pas combien de personnes exactement se trouvent dans ces situations, mais il y en a bien plus que 300, ça c’est sûr !", s'inquiète-t-elle.
Le Chili face à une forte vague migratoire depuis 4 ans
Ce problème ne touche pas uniquement les Français et Françaises qui vivent au Chili. Depuis quelques années, le pays fait face à une forte vague migratoire venue des pays voisins. Selon le Département Étranger et Migration du Chili, le pourcentage de migrants dans la population globale du pays était de 4,4 % en 2017, contre 7,8 % en 2019. Alors que de 2005 à 2014, ce chiffre tournait autour de 1,5 - 2 %. Et, toujours selon les données du Département Étranger et Migration, les migrants les plus présents sur le territoire andin sont les Vénézuéliens, suivis des Péruviens et des Haïtiens. Le Venezuela qui voit sa population s’exiler massivement depuis quelques années, a de nouveau été au centre de l'attention lorsque, dernièrement, la tension est montée dans le nord du Chili. Des centaines de migrants vénézuéliens sont entrés sur le territoire en passant par la localité de Colchane, à la frontière avec la Bolivie.
Du stress, beaucoup de temps et de l'argent
Les services migratoires chiliens sont "sous tension", a expliqué l’Ambassade de France à lepetitjournal.com Santiago. L'Ambassade qui, par ailleurs, "est pleinement consciente de ces difficultés." Mais qui précise également que : "La gestion des demandes de visas de résidence auprès des autorités chiliennes ne relève pas de [sa] compétence." Elle n’est donc pas non plus en capacité de "traiter des cas particuliers." Toutefois, l’Ambassade de France a "déjà évoqué la problématique avec les différentes autorités chiliennes compétentes", sans avoir, pour l'instant, de retour de leur part.
L'absence de réponse des services migratoires chiliens, ainsi que les difficultés liées aux demandes de visas, compliquent la vie quotidienne d'Ema. N'ayant plus son titre de séjour valide, elle ne possède pas non plus d’autorisation de travail, et se demande ce qu’elle doit faire : "Dois-je continuer de travailler pour conserver ma clientèle, mais prendre le risque d’accumuler des amendes ? Ou, dois-je arrêter de travailler ? Mais dans ce cas, je perds ma clientèle... Toutes ces questions, c'est une source de stress, ça demande beaucoup de temps et de l’argent aussi puisque je dois payer mon avocat." Julien de son côté, a pensé se marier avec sa copine qui est Chilienne. "Cela pourrait m’aider à résoudre mon problème, souligne-t-il. Mais d’un autre côté, on se dit qu’on ne devrait pas se marier pour cette raison. Et puis ce serait trop précipité ! Pour nous, le mariage ça représente un engagement, ce n’est pas seulement pour obtenir un visa."
*Le prénom a été changé à la demande de l’interviewé.