Le village de Colchane, situé entre la région de Tarapacá et la frontière bolivienne, voit arriver depuis plusieurs jours une forte vague de migrants. Les autorités estiment que 2 000 personnes ont passé la frontière de manière illégale.
Des familles, des enfants, des adultes, munis de sacs en bandoulière ou de valises, marchent sur le bord de la route où passent de gros camions en provenance des pays voisins. C’est l’image que décrivent de nombreux journaux chiliens. Depuis plusieurs jours, la localité de Colchane dans le nord du pays, située à quelques kilomètres de la frontière bolivienne, voit arriver de nombreux migrants vénézuéliens, surtout. Le maire de Colchane a calculé qu’environ de 2 000 personnes sont arrivées dans sa commune qui compte environ 1 600 habitants.
Hier, jeudi 4 février, le gouvernement a donné son feu vert pour que les militaires se rendent sur la zone afin d’apporter "davantage de sécurité et d’améliorer la qualité de vie des personnes dans la région, qu’elles soient chiliennes ou étrangères", a précisé le président Sebastián Piñera. Deux migrants, de nationalités vénézuéliennes et colombiennes, sont déjà morts en essayant de traverser la frontière. Dans ce secteur, à 3 600 mètres d'altitude, l'environnement est désertique et la nuit, la température peut descendre jusqu'à 0 degré en ce moment. Des associations d’aide aux migrants parlent d’ores et déjà de "crise humanitaire" et demandent au gouvernement de ne pas aborder ce problème uniquement du point de vue du "contrôle des frontières".
"Creuser des fossés" pour empêcher l'arrivée de migrants
Cette vague migratoire, composée en grande partie de Vénézuéliens, n’est pas nouvelle. C’est ce qu’explique Waleska Ureta, la directrice nationale de l’organisme Service jésuite des réfugiés, au Chili : "Cette situation existe déjà depuis un bon moment. Et elle s’est renforcée avec la première vague de la pandémie de coronavirus qui a entraîné la fermeture des frontières. Il faut prendre en compte que le Vénézuela vit une importante crise humanitaire, socio-politique et économique, et que les Vénézuéliens meurent de faim et souffrent de persécution. Il faut donc comprendre qu’il s’agit d’une vague migratoire forcée, obligée, car les Vénézuéliens sont dans l'incapacité de subvenir à leurs besoins dans leur pays d’origine."
En parallèle, José Antonio Kast, leader du parti d’extrême droite le Parti Républicain, a soumis l’idée de "creuser des fossés" aux frontières pour empêcher l’arrivée de migrants illégaux. La députée Marcela Hernando, représentante de la région d’Antofagasta au nord, critique quant à elle, la lenteur du gouvernement face à la gestion de cette crise, et assure que : "Les frontières au nord sont abandonnées. Je suis sûre que si cela se passait près de Santiago, ce serait un scandale."
Le Chili a connu une forte période d’exil dans les années 1970, où des milliers de Chiliens ont été accueillis, entre autres, par le Vénézuela
Dans un entretien accordé à la radio Biobio, Luis Eduardo Thayer, professeur du cours Racisme et Migrations à l’Université du Chili, explique que : "Nous sommes face à une crise humanitaire qui nécessite une réponse humanitaire. On ne peut pas traiter les migrants comme s’ils étaient un vulgaire bagage que l’on envoie d’un pays à l’autre. Le Chili a connu une forte période d’exil dans les années 1970, où des milliers de Chiliens ont été accueillis, entre autres, par le Vénézuela."
Ces deux derniers jours, la quantité de policiers et de militaires a fortement augmenté dans le secteur de Colchane. La zone est surveillée par des drones. L’option d’installer un camp pour les réfugiés a d’ores et déjà été écartée. Depuis le début de la crise sanitaire provoquée par le coronavirus, le Chili a fermé ses frontières terrestres et maritimes. Pour un étranger, il n’est possible d’entrer dans le pays que via l’aéroport de Santiago.