Nous connaissons tous le dicton « Il faut souffrir pour être belle », il semblerait qu’en Italie l’expression ait pris une toute autre envergure. Chaque année près de 850 000 interventions esthétiques sont exécutées, un chiffre impressionnant puisque la péninsule italienne est l’un des pays où les opérations sont les plus fréquentes proportionnellement à sa population. Un phénomène grandissant, notamment grâce aux nombreuses influences à travers les médias et les réseaux sociaux, et un marché juteux pour un grand nombre de médecins. Pourtant, les conséquences physiques et psychologiques d’une opération ne sont pas moindre : la chirurgie esthétique est-elle un effet de mode ou bien l’un des symptômes d’un mal-être général ?
Un idéal de perfection
Les pratiques sont nombreuses et variées, qu’il s’agisse du botox pour donner un effet rajeunissant à la peau, la retouche du nez dans le but de faire disparaître une bosse et de le rendre davantage symétrique, le gonflement des lèvres afin qu’elles soient plus pulpeuses ou encore l’augmentation du tour de poitrine, la liste est longue et l’idée de perfection toujours plus inatteignable. Ceux et celles qui ont eu recours à la chirurgie reconnaissent la dépendance dans laquelle il est facile de tomber et bien souvent une intervention en entraîne une autre. Une addiction loin d’être anodine et qui a tendance à être de plus en plus banalisée en Italie.
Des journalistes et spécialistes se sont intéressés à ce phénomène, c’est entre autres le cas de Lorella Zanardo, activiste et spécialiste des médias, qui questionne le lien entre les médias et la chirurgie esthétique. Selon elle, la relation entre les deux est apparue avec la naissance des chaînes de télévision privées au cours des années soixante-dix où, les femmes sont représentées telles des objets. Des émissions ayant plus ou moins le même déroulement : un ou des présentateurs accompagnés à leur côté de jeunes femmes totalement silencieuses et souvent dénudées. En résumé des hommes acteurs et animateurs du programme et des femmes disposées comme des éléments décoratifs du plateau et donc réduites à leur beauté juvénile. C’est la théorie soutenue et développée par la documentariste : « Les femmes sont donc mises au second plan et ces images dégradantes influencent ceux qui les regardent ». De nos jours, les femmes présentes sur les plateaux sont de plus en plus refaites et l’influence est par conséquent omniprésente qu’importe le support de diffusion.
La jeunesse de plus en plus touchée
Parmi ceux qui passent à l’action on compte de plus en plus de jeunes, par ailleurs les études démontrent que les jeunes femmes y ont davantage recours. Effectivement, près de 15% des Italiennes de moins de 18 ans ont déjà fait appel à une intervention esthétique, alors qu’environ 50% songe à en avoir dans le futur. Une pratique qui s’infiltre et prospère auprès des adolescentes et a des conséquences lourdes sur leurs santés mentales. D’après une étude de la SICPRE, la Société Italienne de la Chirurgie Plastique, l’augmentation des interventions sur les jeunes italiens est directement liée à leur représentation sur les réseaux sociaux puisque ces derniers souhaitent apparaître à leur avantage, voire parfaits. La quête du selfie sans défaut est également accessible par le biais d’applications proposant des filtres qui modifient la forme et les traits du visage. Des effets invitant les jeunes utilisateurs à refuser leur image véritable et naturelle. Des spécialistes et psychologues invitent à une mobilisation et à la création de campagnes de sensibilisation plus efficaces, en effet les jeunes ne connaissent pas forcément les risques liés à une opération : hématome, œdème ou déformation. Outre les marques physiques, l’impact psychologique est également noté chez des patients, une opération peut être la pointe de l’iceberg d’une mauvaise acceptation du corps.
Afin de mieux encadrer certaines pratiques, une loi a été mise en place en 2012 concernant la pose d’implant mammaire, il est désormais interdit d’opérer les mineurs. Ce choix s’explique de par l’importance de ne pas perturber le développement naturel du corps en pleine croissance et également d’éviter de lui imposer une intervention lourde. Paradoxalement, les autres opérations sont encore tout à fait réalisables et la décision relève seulement d’un médecin. Une approche qui se révèle parfois dangereuse puisque la pratique en Italie de la chirurgie plastique ne nécessite pas nécessairement d’une spécialisation, dès lors n’importe quel praticien diplômé peut l’exercer. Malgré les nombreux risques, les prises de rendez-vous ne fléchissent pas et les membres de la famille de ces adolescents jouent même un rôle important dans cette démarche. D’après une étude datant de 2015, près de 15% des jeunes attestent qu’un membre de leur famille leur a conseillé d’y avoir recours.