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Le procès en matière de travail : de nouveaux développements pour un rite "spécial"

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Écrit par Lia Meroni
Publié le 21 février 2023, mis à jour le 5 juin 2023

En Italie, les litiges en droit du travail ont toujours été traités par une procédure différente et beaucoup plus rapide que celle existant pour les litiges en droit civil ou commercial. La récente réforme dite Cartabia (décret législatif n° 149 du 10 octobre 2022) a introduit d'autres nouveautés.

 

Les caractéristiques du contentieux de travail en Italie

En France, les litiges relatifs au droit du travail sont toujours traités en première instance par le Conseil des Prud'hommes. Créé sous le règne de Philippe le Bel en 1285, il s'agit aujourd'hui encore d'une juridiction spécialisée pour trancher les litiges entre employeurs et salariés.

En Italie, en revanche, on passe directement devant le Magistrat et précisément devant les Sections spécialisées en droit du travail des Tribunaux civils et on utilise une procédure "spéciale" beaucoup plus rapide.
Cette procédure, introduite par la loi n° 533 de 1973, s'applique :
•    aux litiges relatifs à l'emploi subordonné privé ;
•    aux travaux agricoles ;
•    aux relations d'agence et de représentation commerciale et toute autre relation de travail, y compris les emplois non subordonnés, pour autant qu'ils prennent la forme d'une collaboration continue ;
•    à la relation de travail des employés des entités économiques publiques et à la relation de service civil, si elle n'est pas renvoyée à une autre juridiction.

La compétence territoriale peut être identifiée de trois manières différentes, à savoir :
•    en considérant le district dans lequel la relation a pris naissance, c'est-à-dire le lieu où le contrat a été signé ;
•    en tenant compte de l'emplacement de l'entreprise ;
•    en considérant le lieu où le salarié a effectué son travail.

Avant d'entamer un procès, il est possible de tenter une conciliation, qui n'est plus obligatoire comme par le passé. La conciliation peut être tentée directement entre les avocats qui assistent les parties, en prenant soin ensuite de ratifier l'accord dans le cadre dit protégé*  conformément à l'article 2113 du Code civil italien.

Si aucun accord ne peut être trouvé, la partie qui entend agir doit déposer un recours au greffe du Juge compétent. Le Juge fixe par un décret l'audience, à laquelle les parties doivent comparaître en personne. Le défendeur a jusqu'à 10 jours avant l'audience pour déposer un mémoire pour répondre à ce que l'autre partie a écrit.

Le procès du travail est rapide et concentré. En effet, dans les deux actes introductifs, c'est-à-dire le recours et la mémoire de défense, toutes les cartes doivent être jouées et donc tous les moyens de défense doivent déjà être parfaitement définis, tous les documents utiles doivent être produits, tous les témoins doivent être énumérés et toutes les exceptions doivent être soulevées. Par la suite, les parties ne peuvent pas compléter leurs positions par d'autres plaidoiries, mais uniquement en présentant leurs arguments oralement.

Lors de la première audience, le Juge est tenu de tenter une conciliation entre les parties et celle-ci est souvent couronnée de succès. Si la tentative échoue, l'affaire passe à la phase suivante, c'est-à-dire à une autre audience, qui est utile pour l'admission des preuves et les mesures d'instruction. La phase d'instruction est assez rapide et le Juge dispose de pouvoirs d'investigation plus larges que ceux d'un juge civil normal.
Enfin, les parties sont appelées à participer à la discussion. Le Juge rend une décision, acceptant ou rejetant (même partiellement) le recours, et statue également sur les frais de justice.

 

Quels sont les principaux changements introduits par la réforme dite de Cartabia ?

L'une des innovations les plus importantes est l'introduction, à partir du 28 février 2023, de la négociation dite assistée, comme moyen de dégonfler le contentieux (même si elle n'est pas une condition pour procéder à une demande en justice). Les parties devront être assistées par au moins un avocat ou un consulente del lavoro (payroll). Une fois l'accord conclu, il produira les effets visés à l'article 2113 du Code civil et devra être transmis par l'une des deux parties, dans les dix jours, à l'un des organismes habilités à homologuer les contrats de travail.
Le rite dit Fornero, qui avait été introduit en matière de licenciement pour les salariés embauchés avant le 6 mars 2015, est supprimé et un rite spécifique est introduit lorsque le salarié, contestant le licenciement, demande la réintégration dans le poste de travail. Ce rite prévoit la possibilité pour le Juge de réduire jusqu'à la moitié les termes de la procédure.

A partir du 28 février 2023, il sera alors possible pour le salarié d'introduire une action en nullité pour licenciement discriminatoire, si elle n'a pas déjà été introduite par le recours traditionnel du travail, par le biais des rites spéciaux prévus pour les litiges en matière de discrimination (art. 38 Décret législatif 198/2006 et art. 28 Décret législatif 150/2011).
Là encore, une partie de la réglementation d'urgence issue de l'arrêt Covid.19 est reprise et maintenue. En particulier, le Juge peut continuer à ordonner que l'audience se déroule par connexion à distance (via Teams) ou soit remplacée par le dépôt de notes écrites lorsque la présence des parties ou de personnes autres que les avocats de la défense n'est pas nécessaire.
Une réflexion conclusive
Le procès du travail en Italie est sur le point de fêter son cinquantième anniversaire. Il jouit d'une relative bonne santé, il est fonctionnel à sa fin et ce n'est pas une coïncidence si l'intervention de la Réforme Cartabia a été sur tout en marge par rapport à d'autres domaines du contentieux. Néanmoins, la Réforme introduit des nouveautés d'intérêt avec une claire intention déflationniste et accélératrice. Nous verrons si les acteurs impliqués seront à la hauteur des attentes.

 

*Par lieu protégé, on entend les lieux qui garantissent de manière présumée l'authenticité et la spontanéité du consentement du salarié. Il s'agit du siège syndical, de la commission de conciliation de l'Inspectorat territoriale du travail et du conseil de conciliation et d'arbitrage.

Lia Meroni Avocat francophone Italie
Publié le 21 février 2023, mis à jour le 5 juin 2023

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