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Féminisme italien : retour sur des années de lutte

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16 mai 1961 – Manifestation pour la retraite des femmes au foyer, Roma, photo du fond Noi Donne
Écrit par Aurore Pageaud
Publié le 6 janvier 2021, mis à jour le 6 janvier 2021

L’Italie et la France sont deux pays voisins, et pourtant, ont deux cultures féministes profondément différentes. Alors comment, deux pays si proches, ayant mené les mêmes combats féministes, aux mêmes périodes, peuvent-ils avoir deux approches théoriques si différentes ? Malgré leurs diversités, les influences entre les deux féminismes sont flagrantes : des figures françaises comme Gisèle Halimi, Antoinette Fouque ou Monique Wittig, pour n’en citer que quelques-unes, sont au cœur du féminisme italien.

 

Dans une série de trois articles, retour sur l’histoire du féminisme italien.

 

La politisation des premiers mouvements féministes

Le militantisme féminisme italien se caractérise par sa politisation, les premiers mouvements sont indissociables des partis politiques au pouvoir. C’est une particularité italienne que l’on ne retrouve pas en France.

Le Parti Communiste italien était le parti communiste le plus puissant de toute l’Europe. Il a organisé et planifié la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale. Au sortir de la guerre, les femmes résistances, se constituent dans un mouvement : l’Unione delle Donne Italiane. En 1947, la communiste Maria Maddalena Rossi prend la tête du mouvement. L’UDI est le premier mouvement féministe de masse. Il suit les directives du PCI et est, à ce titre, beaucoup critiqué. Si certaines féministes italiennes actuelles remettent en cause la théorie féministe du mouvement, l’UDI a quand même réussi à faire déplacer des foules. Il a modifié le sens du collectif. Des années 1950 aux années 1970, les femmes italiennes prennent conscience des inégalités et revendiquent leurs droits. Rome et Naples voient des milliers de femmes défiler dans leurs rues.

Les premières scissions avec les partis politiques arrivent dans les années 1970, lors des campagnes en faveur du divorce et de l’avortement. Sur cette dernière question, le positionnement du PCI est peu clair. En 1975, lors d’une manifestation historique en faveur de l’avortement, ayant réuni plus de 50 000 femmes dans les rues de Rome, des pancartes affichent « Je suis du PCI et je suis pourtant là ».

Ces campagnes ne se tiennent cependant pas totalement à l’écart de la politique italienne. Le Parti Radical notamment, les mène ardemment. A sa tête, Marco Pannella, homme politique chevronné veut adapter les lois à la réalité de la société italienne. Il mène à bien ces campagnes et réussi à positionner son parti en tête des questions féministes. Une branche du Parti Radical est même créée, il Movimento di liberazione della Donna.

En 1970 est approuvée la loi sur le divorce et en 1978, celle permettant l’avortement. Deux référendums abrogatifs d’origine populaire sont réclamés mais le « non » l’emporte chaque fois.

Le débat sur l’avortement se déroule dans la même période en Italie et en France. Ils ont eu les mêmes grandes lignes. En France, en 1972, l’avocate Gisèle Halimi fait éclater le débat lors du procès de Bobigny dans lequel est jugée pour avortement, Marie-Claire Chevalier, jeune fille de 17 ans. En Italie a lieu un procès similaire, celui de Gigliola Pierobon à Padoue, en 1973. Les médias italiens de l’époque attendent que ce procès lance un débat public national et le compare avec celui de Bobigny, ils évoquent même l’association Choisir et le débat français. Grâce aux archives de la Casa delle Donne, j’ai pu avoir accès aux coupures de presse de l’époque : les journaux italiens, dès 1973, comparaient systématiquement les deux procès. Encore plus important : Gisèle Halimi et Michèle Chevalier - mère de Marie-Claire - sont venues donner une série de conférences à Venise, à Bologne et à Rome, à propos de l’influence du procès dans le débat législatif.

Aurore Pageaud
Publié le 6 janvier 2021, mis à jour le 6 janvier 2021

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