Depuis le 11 janvier, des affiches « Addio David » fleurissent dans les rues de Rome à la mémoire de David Sassoli, regretté ancien Président du Parlement européen. La classe politique italienne lui a rendu un hommage unanime, saluant les combats de cet européiste convaincu. Toutefois, cette unité affichée ne devrait pas se prolonger alors que l’échéance du premier tour des élections présidentielles italiennes, le 24 janvier, est dans toutes les têtes.
Le Président italien, une fonction représentative majeure en période de crises
L’Italie doit se trouver un successeur à Sergio Mattarella, le très populaire chef d’Etat dont le mandat se terminera le 3 février prochain. L’élection indirecte, avec le vote de 1 009 grands électeurs (630 députés, 321 sénateurs et 58 délégués des régions), revêt une importance majeure. Bien que l’Italie soit une démocratie parlementaire (où les fonctions du Président sont essentiellement représentatives), le Quirinal possède de réels pouvoirs, notamment en situation de crise. Il est ainsi chargé de former les coalitions gouvernementales et peut dissoudre les chambres, une menace régulièrement brandie pour arrêter les blocages parlementaires. En somme, le chef d’Etat est garant de la stabilité politique italienne.
Le favori Mario Draghi
Le principal favori dans cette course présidentielle est Mario Draghi. L’ancien directeur de la Banque Centrale Européenne convoite ce poste depuis plusieurs années. Sa personnalité, fédératrice et populaire, en fait le candidat idéal pour de nombreux italiens. Or, sa nomination à la tête du gouvernement en février 2021 complique ces prévisions. Agé de 74 ans, « Super Mario » aimerait terminer sa carrière politique au Palais du Quirinal, le mandat présidentiel de sept ans lui assurant de la stabilité alors que les prochaines législatives se dérouleront au plus tard au printemps 2023. Toutefois, certains de ses soutiens et les milieux économiques italiens se demandent s’il n’est pas « mieux » au Palais Chigi. Le départ d’un homme appelé au plus fort de la crise, qui partirait après avoir commencé à redresser une économie italienne encore très fragile, sans avoir fini sa mission pourrait lui être reproché. La capacité du prochain chef du gouvernement à rassembler une coalition aussi large que l’actuelle (qui va de la gauche à la Ligue) est également une inconnue pouvant pousser Mario Draghi à rester à son poste.
Des adversaires sans réel danger, l’inconnue Berlusconi
Les potentiels adversaires de Mario Draghi ne semblent pas en mesure de lui contester l’élection. Ni l’ancien Président du Conseil Giuliano Amato, ni l’ancien président de la Chambre des députés Pier Ferdinando Casini, ni la ministre de la justice Marta Cartabia ne présentent une personnalité comparable, capable de faire consensus dans la classe politique italienne. En revanche, l’incertitude de cette élection réside dans le rêve de Silvio Berlusconi d’occuper le palais du Quirinal. Ex-Président du conseil à trois reprises, âgé de plus de quatre-vingts ans, « Il Cavaliere » a fini par annoncer sa candidature. Outre Forza Italia, son parti politique fondé en 1994, il est soutenu par Matteo Salvini, chef de la Ligue, ainsi que Giogia Meloni, la leader de Fratelli d’Italia. Si ses chances de victoire sont très réduites, Silvio Berlusconi menace de quitter la coalition du gouvernement en cas de candidature de Mario Draghi (coalition ou figure également la Ligue), ce qui compliquerait grandement la tâche du futur chef de gouvernement. Son retour aux avant-postes de la politique italienne ainsi son attitude exaspèrent une partie de la classe politique italienne, Giuseppe Provenzano, chef adjoint du Parti démocratique de centre-gauche, qualifiant sa candidature de "blague tragique".
Les élections présidentielles italiennes s’ouvrent donc dans un contexte incertain où aucun candidat ne fait l’unanimité. Des voix se sont même élevées pour appeler à un nouveau mandat de Sergio Mattarella, voix auxquelles l’homme de plus de quatre-vingts ans sera toujours resté inflexible.
Clément Lefebvre