Édition internationale

ROMAN – "Tom est mort" : l’écrire, le répéter

En écrivain, Marie Darrieussecq s'approprie l'espace creux du deuil et de l'absence. Au-delà des polémiques, Tom est mort est un roman austère et tenace sur la perte d'un enfant, une reconstitution intérieure obsédante et méticuleuse (Rediff)

Marie Darrieussecq dissèque le réel avec une grande force de conviction (photo AFP)

Si on parle beaucoup du dernier roman de Marie Darrieussecq, ce n'est pas forcément pour de bonnes raisons. Passons donc sur la polémique douloureuse lancée par Camille Laurens et notons que, effet collatéral favorable, Tom est mort est bien placé dans les listes des ventes et figure dans la première sélection du Goncourt.
/>Son sujet est difficile, quasi unanimement reconnu comme le malheur suprême : la perte d'un enfant. Il avait 4 ans ½ et vivait, entre un frère et une petite s?ur, dans une famille française récemment installée en Australie. Dix ans après, sa mère raconte, à la première personne.
Sonder l'insondable
De cette matière dérangeante, Marie Darrieussecq fait de la littérature. C'est ce qui semble poser problème à certains et touche d'autres si profondément. Ici, pas d'ambiguïté autofictionelle. Il s'agit d'un roman, d'une tentative hardie d'exploration par les mots d'un insondable de l'âme humaine.
Pour ce faire, Marie Darrieussecq dissèque le réel avec une grande force de conviction. Précise, clinique parfois, elle énumère avec ténacité les aspects concrets de l'après : les vêtements, le temps de l'annonce, l'incinération,
les groupes de paroles.

Dire l'indicible
La parole, justement, la faillite des mots, l'impuissance à le dire sont au centre du livre;sa matière même. Il y a chez Darrieussecq une obsession de l'entre deux, de l'immatériel et du géographique. La nouvelle de la mort de Tom transite au téléphone entre les continents. La langue de l'enfant, le français, n'est pas celle de son frère et cette langue là n'est pas sur ces terres. Le mutisme s'installe chez la mère. Le vocabulaire fait défaut à lui offrir un statut. Il y a pour elle une différence de taille entre "Tom is dead"et "Tom est mort". Tout est pourtant contenu dans ces trois mots, dans ce titre, répété jusqu'à un épuisement qui guette parfois aussi le lecteur.
Darrieussecq déchiquette, ressasse, remâche au risque d'un ennui qui fait partie intégrante du projet. L'émotion est au prix d'une certaine froideur. Tom est mort n'est pas un livre aimable mais un objet tranchant, admirable parce que véritablement risqué.
Jean-Marc JACOB. (www.lepetitjournal.com) vendredi 19 octobre 2007

Tom est mort, de Marie Darrieussecq (P.O.L) 247 pages, 17 ?.

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.