Un projet de loi fédéral sur le changement climatique a été adopté jeudi par le Sénat. Des évaluations des bénéfices sociaux, économiques et en matière d'emploi des politiques relatives au changement climatique en sont les mandats.
Ces évaluations seront incluses dans des déclarations annuelles, préparées par le gouvernement avec la contribution de l'Autorité du changement climatique.
Ce projet de loi doit encore recevoir la sanction royale avant d'avoir officiellement force de loi.
La loi adopté par le Sénat par 37 voix contre 26:
- fixera un objectif national en matière d'émissions pour 2030
- définira un processus pour l'augmenter au fil du temps
tout en inscrivant l'objectif de zéro émission nette d'ici 2050.
Une autorité indépendante chargée du changement climatique recommandera les objectifs futurs.
Chris Bowen a déclaré
L'adoption de cette législation enverrait un message au monde entier, à savoir que l'Australie s'efforce de réduire les émissions et qu'elle est sérieuse dans sa volonté de tirer parti des opportunités économiques offertes par des énergies renouvelables abordables.
Les principaux députés ont déclaré que le projet de loi n'allait pas assez loin en termes de réduction des émissions, mais ils ont accepté de voter pour faire avancer le débat et donner aux entreprises plus de certitude quant aux investissements dans les énergies propres.
Il s'agit d'éléments solides et utiles qui serviront à l'élaboration de la politique climatique australienne. Cependant, trois éléments importants ne figurent pas dans le projet de loi :
- une feuille de route à long terme pour un net zéro,
- la garantie de l'avenir de l'Autorité pour le changement climatique
- des mesures pour une conversation nationale sur notre parcours vers des émissions nettes nulles
Et l'objectif de réduction des émissions de 43 % ne doit être considéré que comme un point de départ.
Une réduction de 43 %
Une réduction de 43 % des émissions de l'Australie est-elle adéquate dans le contexte de l'accord de Paris ?
L’accord de Paris ne définit pas de critère objectif unique permettant de déterminer quel pays doit faire combien pour atteindre un objectif mondial, il est spécifié : "conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux contextes nationaux différents".
Le nouveau projet de loi impose à l'Australie de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 43 % d'ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2005. Le parti travailliste a présenté cet objectif lors des élections fédérales et n'a pas voulu négocier sur ce point depuis qu'il est au pouvoir.
L’évolution des émissions mondiales après 2030, ainsi qu'avant, a une grande importance pour le réchauffement climatique à plus long terme. Une évaluation suggère qu'un renforcement significatif de cet objectif serait requis au niveau pour limiter le réchauffement à 2℃ par rapport aux niveaux préindustriels.
Les pays à revenu élevé et à fortes émissions, dont l'Australie fait partie, devraient à juste titre réduire leur empreinte carbone plus rapidement que les pays en développement ou les pays dont l'économie est déjà relativement sobre en carbone.
Qui plus est, l'effort nécessaire à l'Australie pour atteindre l'objectif de 43 % est inférieur à celui que doivent fournir de nombreux autres pays. L’Australie a depuis 10 ans diminuées les émissions générées par l’utilisation de la terre et des forêts et a aussi de nombreuses possibilités de réduire facilement ses émissions.
D'importantes réductions supplémentaires peuvent être réalisées en accélérant le passage du charbon aux énergies renouvelables, en améliorant l'efficacité énergétique, en électrifiant les transports et en utilisant des procédés plus propres dans l'industrie et l'agriculture.
Une réduction australienne à l'échelle actuelle est incompatible avec une limitation du réchauffement de la planète à 1,5℃, l'aspiration mondiale pour limiter le changement climatique. Et ce serait un leurre de prétendre qu'elle est, en quelques sortes, conforme à "bien en dessous de 2℃", l'objectif à long terme de l'Accord de Paris.
Un objectif de réduction des émissions de 43 % représente une nette amélioration par rapport à l'objectif du gouvernement précédent. Et le fait de l'inscrire dans la loi envoie un message important. Il rend les options d'émissions nulles beaucoup plus "investissables", et signale au niveau international que l'Australie est de retour dans l'action contre le changement climatique.
Le coût social du carbone ?
Le coût social du carbone est la valeur monétaire des effets néfastes du changement climatique associés à l'émission d'une tonne supplémentaire de dioxyde de carbone.
L'estimation de ce coût doit tenir compte des effets néfastes sur la santé humaine, de la baisse de la productivité agricole, des dommages causés par les catastrophes naturelles et d'autres effets sur l'économie.
Une étude publiée ce mois-ci dans Nature a estimé le coût social mondial du carbone à 275 dollars australiens par tonne de CO₂ rejetée. Les impacts sur la santé (49%) et l'agriculture (45%) en représentaient la majeure partie.
Santé publique
Chaque année, environ 2 600 décès australiens (soit 2 %) sont attribués à la pollution atmosphérique due à des activités humaines telles que le transport, l'exploitation minière et la production d'électricité à partir de combustibles fossiles.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre améliorera la santé des Australiens, notamment en réduisant la pollution atmosphérique due à la production d'électricité et au transport routier.
Les zones climatiques sont un facteur déterminant du nombre de décès associés aux températures extrêmement chaudes et froides.
La baisse de productivité agricole en Australie
Les pertes de productivité agricole et de main-d'œuvre dues au stress thermique diffèrent selon les pays. Les pertes économiques vont de moins de 2 % par an à plus de 28 % par an en 2100, selon le pays et le scénario d'émissions utilisé.
Les dommages causés par les catastrophes naturelles en Australie
Le changement climatique fait peser de graves risques sur de nombreux foyers, vies et moyens de subsistance australiens, notamment par l'aggravation des inondations, des vagues de chaleur et des feux de brousse.
Et comme la planète continue de se réchauffer, les vagues de chaleur, les feux de brousse et les inondations auront un impact social plus lourd. Par exemple, on estime que les risques naturels sont responsables de 30 % du coût total des assurances aujourd'hui. Les primes d'assurance habitation en Australie augmenteraient de 15 % (782 millions de dollars australiens) d'ici à 2050 si les émissions mondiales se poursuivent au même rythme.
Le coût social des projets prévus en Australie
La prise en compte du coût social du carbone conduirait à des décisions d'investissement et de politique favorisant la réduction des émissions.
Les décideurs utilisent souvent une analyse bénéfices-coûts pour évaluer et comparer les projets. L’augmentation ou la réduction des émissions de carbone liée à un projet pourrait être inclus dans cette analyse et rentrer ainsi dans le cout global du projet.
Cela devrait dissuader de soutenir des projets qui augmentent les émissions, comme les nouvelles mines de charbon.
Le guide de l'évaluation économique d'Infrastructure Australia mentionne une telle approche.
Les États-Unis et le Canada incluent déjà le coût social du carbone dans l'évaluation des propositions de réglementation et des investissements fédéraux. En 2017, le travail Interagences américain sur le cout social du carbone a recommandé de séparer les dommages climatiques marchands et non marchands par région et par secteur.
En 2021, le Territoire de la capitale australienne est devenu la première et seule juridiction australienne à adopter le coût social du carbone. Il a été fixé à un niveau provisoire de 20 dollars australiens par tonne de CO₂ et sera révisé à l'avenir.
Les évaluations annuelles des politiques en matière de changement climatique sont un bon début. L'établissement d'une méthode robuste pour mesurer explicitement le coût social du carbone serait encore mieux.
Tout en soutenant la législation, les verts ont laissé présager de nouvelles discussions avec les travaillistes sur le mécanisme de sauvegarde et sur l'insertion d'un déclencheur climatique dans les réglementations environnementales, ce qui rendrait difficile l'approbation de nouveaux développements de combustibles fossiles.
Feuille de route pour une trajectoire vers le net-zéro
La nouvelle loi australienne sur le changement climatique prévoit une réduction des émissions de 43 % par rapport aux niveaux de 2005 d'ici à 2030, pour atteindre un niveau net nul d'ici à 2050. Elle exige également que les retombées de la politique climatique soient évalués chaque année.
Mais nous ne savons pas exactement comment ces évaluations seront menées, et la loi ne mentionne pas explicitement la mesure du coût social du carbone.
L'attention se portera bientôt sur l’objectif d'émissions de l'Australie pour 2035. Le projet de loi engage l'Autorité du changement climatique à recommander cet objectif, ainsi que de nouveaux objectifs tous les cinq ans à partir de cette date. Si le gouvernement en place n'accepte pas cet avis, il devra justifier son désaccord au Parlement.
C’est un bon point de départ mais l'Australie doit également préparer une trajectoire au-delà de la prochaine période de cinq ans, car les investissements les plus importants sont réalisés sur des périodes plus longues.
Une telle "feuille de route" permettrait de faire la lumière sur des questions telles que :
- quels sont les objectifs indicatifs pour 2040 et au-delà, sur la voie des émissions nettes nulles ?
- Quel pourrait être l'équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre restantes et l'élimination des émissions de l'atmosphère, que ce soit par le biais des forêts et du carbone terrestre, ou par des solutions technologiques ?
L'Autorité pour le changement climatique peut choisir de réaliser une telle analyse, en élaborant des scénarios et des trajectoires possibles. Mais ces conseils auraient plus de poids s'ils étaient juridiquement requis.
Assurer la pérennité de l'Autorité sur le changement climatique
Le projet de loi place l'Autorité sur le changement climatique au centre de l'attention, mais il ne garantit pas qu'elle sera toujours bien armée pour faire son travail.
Un futur gouvernement pourrait ne pas aimer entendre une voix disonnante, et pourrait la faire taire en la privant de ressources et de pouvoir. C'est déjà arrivé, suite à la tentative du gouvernement Abbott d'abolir l'autorité, il y a de ça huit ans et où le projet de loi sur le climat qui prévoyait un système de tarification du carbone à l'échelle de l'économie a été abrogé.
La législation de 2022 est comparativement modeste et ne comprend pas de mesures visant à réduire les émissions dans le secteur privé. Celles-ci suivront dans les mois à venir, lorsque le gouvernement tentera de modifier le mécanisme de sauvegarde, qui couvre les émissions des grandes industries.
L'Autorité pour le changement climatique doit mener un processus de consultation très complet et très étendu pour les futures recommandations sur l'objectif. Il ne s'agit pas seulement de tables rondes et de soumissions de rapports, mais d'un effort vraiment important pour présenter l'analyse à des groupes de toute la société australienne et prendre en compte leurs opinions.
Espérons que le gouvernement actuel et les gouvernements futurs apporteront leur soutien politique à un processus inclusif et financeront l'autorité nécessaire à cet effet.
Conversation nationale pour un processus inclusif
L'Australie a besoin d'une stratégie nationale de réduction des émissions à long terme. Elle devrait répondre à des questions telles que :
- quel impact pour notre économie, tant au niveau national que régional ?
- que faire pour se préparer aux changements, maximiser les avantages et gérer les inconvénients ?
Une telle stratégie doit être bien plus qu'un simple rapport de plus basé sur des modélisations, ponctué de quelques discussions avec les parties prenantes en cours de route. Un véritable débat national sur la manière d'aborder la transition vers des émissions nettes nulle permettrait de faire ressortir toutes les informations disponibles et les nombreuses perspectives, opportunités et vulnérabilités différentes.
Il faut que les gens se réunissent pour comprendre réellement les problèmes, si possible, pour trouver un accord et se sentir impliqué.
Cette conversation devrait intégrer tous les grands groupes : entreprises et associations d'entreprises, organisations non gouvernementales, syndicats, dirigeants communautaires, groupes de jeunes, communautés, etc…
Certains instincts politiques s'opposent à ces processus véritablement ouverts. Mais ils sont essentiels, et le projet de loi sur le changement climatique ne les prévoit pas directement.