A quelques jours de la décision du président américain Donald Trump sur l'accord nucléaire iranien, Téhéran a averti dimanche que les États-Unis regretteraient "comme jamais" leur éventuel retrait du texte, tout en restant vague sur ses intentions.
"Si les États-Unis quittent l'accord nucléaire, vous verrez bientôt qu'ils le regretteront comme jamais dans l'Histoire", a dit le président iranien Hassan Rohani lors d'un discours retransmis à la télévision publique.
L'accord sur le nucléaire iranien a été conclu en juillet 2015 à Vienne entre Téhéran et le Groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne), avant l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump.
Par ce texte, l'Iran déclare solennellement ne pas chercher à se doter de la bombe atomique et accepte de brider son programme nucléaire afin d'apporter au monde la garantie que ses activités ne sont pas à visée militaire.
En échange, la République islamique a obtenu la levée progressive et temporaire des sanctions internationales imposées du fait de ce programme, et qui ont fortement nui à son économie.
Mais n'ayant pas de mots assez forts pour dénoncer cet accord conclu sous la présidence de Barack Obama, M. Trump a donné aux Européens jusqu'au 12 mai pour trouver un nouveau texte qui remédierait aux "terribles lacunes" de l'actuel, faute de quoi les États-Unis s'en retireront.
Israël n'a pas été informé à ce jour de la décision qu'annoncera M. Trump le 12 mai, a déclaré dimanche un haut responsable sous le couvert de l'anonymat.
Le gouvernement israélien ne sait "pas ce que Trump va décider", a affirmé ce haut responsable à des journalistes. "Il ne me l'a pas dit", mais "je pense qu'il a toujours le même point de vue sceptique", a-t-il ajouté.
A l'approche de la date du 12 mai, les dirigeants iraniens soufflent le chaud et le froid.
- "Nous résisterons" -
Les ultraconservateurs maintiennent une ligne très dure. Jeudi, un conseiller de l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême iranien, a affirmé que l'Iran quitterait l'accord si Washington mettait sa menace à exécution.
A l'inverse, M. Rohani et son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif - les deux principaux artisans de l'accord côté iranien - sont eux restés volontairement vagues ces dernières semaines sur la nature de la réaction iranienne.
"Quelle que soit la décision de Trump, nous résisterons", a déclaré dimanche le président Rohani.
Il a assuré avoir donné, "depuis plusieurs mois, (...) les ordres nécessaires", notamment à l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), en prévision de la décision de M. Trump.
M. Rohani n'a toutefois fourni aucun détail sur la nature de ces consignes.
Alors que les Européens, notamment la France, cherchent à préserver l'accord en tentant d'amener l'Iran à négocier sur la question de ses missiles et de son rôle régional, M. Rohani a de nouveau opposé un non catégorique.
Téhéran "construira autant de missiles et d'armes" que nécessaire pour sa défense, a-t-il dit. "Nous respectons notre engagement, mais nous disons clairement au monde entier (que) nous ne négocierons avec personne sur nos armes et notre défense."
Le président iranien a également souligné que l'Iran était prêt à discuter des questions régionales mais pas à abandonner son combat "contre le terrorisme".
- "Notre peuple est uni" -
"Nous voulons parler avec le monde pour que notre région soit sûre", mais "nous ne vous permettrons pas de créer un nouveau Daech" (acronyme arabe du groupe État islamique), a dit M. Rohani, sans donner plus de détails.
Dans un entretien publié dimanche par le Journal du Dimanche (JDD), le président français Emmanuel Macron a de nouveau insisté sur la nécessité à ses yeux de "compléter l'accord de Vienne" afin d'éviter une escalade dans l'ensemble du Moyen-Orient.
"A mes yeux", a déclaré M. Macron au JDD, "nous devrions conserver l'accord de Vienne et le compléter" en discutant avec l'Iran sur trois sujets: l'après-2025 (date de l'expiration de certaines clauses concernant les activités nucléaires iraniennes), le programme balistique très critiqué de Téhéran, ainsi que son rôle jugé déstabilisateur dans la région (soutien au président Bachar al-Assad en Syrie, au Hezbollah libanais, à des milices chiites en Irak, et aux rebelles Houthis au Yémen).
Dimanche, le ministre des Affaires étrangères britannique, Boris Johnson, entame une visite de deux jours à Washington, lors de laquelle il sera grandement question de l'Iran.
Dans un communiqué, il a assuré que les Occidentaux étaient "unis dans leurs efforts pour s'attaquer au type de comportement iranien qui rend la région du Moyen-Orient moins sûre".
Mardi, M. Johnson avait estimé qu'il fallait "maintenir" l'accord, "tout en le développant, afin de tenir compte [de] préoccupations légitimes".
Alors que M. Trump s'est entouré de faucons qui ne font pas secret de leur volonté de voir un changement de régime en Iran, M. Rohani a tenu à assurer que son pays était "uni".
"Aujourd'hui, toutes les tendances politiques, qu'elles soient de droite, de gauche, conservatrices, réformatrices et modérées, sont unies", a-t-il martelé. "Trump doit savoir que notre peuple est uni."