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Magali Song : un hymne à la création

magali song actrice nouvelle-calédoniemagali song actrice nouvelle-calédonie
Clotilde Richalet Szuch
Écrit par Clotilde Richalet
Publié le 14 mars 2021, mis à jour le 15 mars 2021

S’ils ont quitté la Nouvelle Calédonie, la Nouvelle Calédonie ne les a jamais quitté. Éloignés pour quelques semaines ou plusieurs années, ils sont la preuve que l’on peut avoir des racines et des ailes. Partons ensemble à la rencontre de ces Calédoniens explorateurs, voyageurs, créateurs…

Aujourd’hui j’ai RDV avec Magali Song : Actrice, Danseuse et Metteur en scène.

Notre conversation nous fait voyager entre lOcéanie, lAsie et lEurope ; le tout en pas de danse rythmés et sous le masque de la délicatesse.

 

Son parcours

Née en Nouvelle Calédonie, Magali arrive en France après le Bac pour faire des études universitaires à Montpellier. Elle découvre le théâtre dans le cadre dun atelier de théâtre amateur un peu par hasard mais déjà passionnée elle commence à en faire le plus possible. Elle décroche le concours du conservatoire et entre à lENSAD de Montpellier (Ecole Nationale Supérieure dArt Dramatique) et commence à travailler en tant que comédienne en France.

Javais toujours prévu de repartir vivre en Nouvelle Calédonie après mes études. Ma génération est celle que lon surnomme la « Génération Matignon ». On a grandi avec les accords de Nouméa, il y avait cette idée de pays à construire. Le retour n’était pas une option mais une certitude. 

C’était sans compter sur ce virage artistique. Magali travaille alors en tant que comédienne dans une compagnie de théâtre itinérante entre Marseille et Paris pendant 6 ans. Elle affine sa formation sous la houlette de Thierry Salvetti et avec le Théâtre itinérant La Passerelle, théâtre inspiré par les formes orientales notamment du théâtre de Pékin et autour du jeu masqué.

Ça a été un élément fondateur de mon parcours qui m’a amené à creuser le sillon du jeu masqué qui me donne énormément de plaisir en tant que comédienne.

 

Les voyages asiatiques

Après un voyage en Inde pour aiguiser sa relation au geste et au travail corporel, Magali part s'initier au Topeng, danse exécutée avec un masque, en Indonésie. Le mot Topeng signifie masque dans différentes langues indonésiennes. L'origine de l'utilisation du masque reste assez mystérieuse, on pense qu'elle est liée au culte des Ancêtres qui faisaient des danseurs les interprètes des dieux. En 2009 elle entame un stage de danse et théâtre masqué Topeng dirigé par Elisabeth Cecchi à Bali.

Nous étions 5 stagiaires parmi lesquels j'ai rencontré Olivia-Manissa Panatte, une artiste originaire de Calédonie, qui habitait Paris elle aussi.

Jaime demander aux artistes que je rencontre sils croient à « linstant décisif » (cf Henri-Cartier Bresson). Magali me confie que sa rencontre avec Manissa pourrait bien être lun deux. Une chose est sûre, durant ce stage elle vit une expérience forte via la découverte du Topeng. Elle partage ses apprentissages et questionnements par rapport « au pays » et à leurs racines avec Manissa, qui transforme presque lexpérience en voyage initiatique.

 

Les Arpenteurs du Caillou

De cette rencontre avec Manissa est née la compagnie : Les Arpenteurs du Caillou, et l'envie de créer un spectacle en Nouvelle Calédonie inspiré de leurs questionnements. Les Arpenteurs du caillou cest : Arpenter le monde à la recherche d'une inspiration et d'aventure artistique et émotionnelle, que ce soit à Bali, en Inde ou au Sénégal.

Arpenter c'est aussi prendre la mesure du monde, comme un géomètre : mesure émotionnelle de l'artiste par rapport au monde.

Après avoir été dans une recherche personnelle via le masque et la découverte de la culture balinaise, c'est donc la culture de son propre pays qui revient à elle. C’est maintenant la culture kanak traditionnelle quelle veut expérimenter en tant qu'artiste.

 

Le retour aux sources 

De retour en Nouvelle Calédonie, cest au sein de la troupe de Simon Poani en province Nord quelle part en immersion avec la troupe « Tiaou ».

En tant qu'artistes, on se demandait comment créer des liens. Cela fait 30 ans que lon parle de vivre ensemble, mais cela reste fragile : il y a encore beaucoup de choses à faire.

Une personne très importante pour Magali dans ce cheminement est :  Richard Digoué, chorégraphe et danseur kanak qui depuis toujours œuvre pour rassembler: « Grâce à lui j'ai pu rencontrer beaucoup de danseurs de lile. Il arrive à rassembler les artistes de danse traditionnelle, les danseurs issus du hip-hop, du contemporain… c'est très important pour l'avenir du pays. Ce sont des lieux de passerelle et des moments d'échanges qui sont concrets. ».

Elle est donc partie avec Manissa et les artistes interprètes réunis autour du projet, à Bopope, immergés au cœur de la tribu : « de la part de Simon, c’était un vrai geste d'échange pour comprendre plus profondément la culture de l'autre dans un cadre de création unique. »

 

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Photo: Antoine Morin

 

Le spectacle est né un an après, alliant danse et théâtre : Traversée(s) . Fruit de la mémoire de ces voyages, il raconte sous forme de fable onirique l’odyssée d’une jeune fille qui tente de se réapproprier son histoire.

« Cette expérience fut un voyage dans tous les sens du terme. » Le spectacle a été créé au Centre Culturel Tjibaou et joué 8 fois sur l’île.  A cette époque les créatrices pensent déjà à un prochain projet qui serait plus léger pour pouvoir le déplacer et le présenter à un plus grand nombre.

Ci-dessous le teaser du spectacle: 

 

 

Les projets senchainent

À partir de là Magali essaye de trouver un équilibre entre ses projets dinterprète en France et ses projets créatifs en Nouvelle-Calédonie.

En 2011 elle travaille sur PORTRAITS - VISION DE LAUTRE , REFLET DE SOI Performance danse-théâtre sous la direction de Richard Digoué en  Nouvelle-Calédonie ; travail sur cette génération calédonienne qui s'intéresse à la transmission de l'histoire de chacun et à lidentité métissée. Pour Magali c’était comme une nécessité de se poser ces questions :

On appelle notre ile le pays du non-ditcomme le fruit dune histoire non assumée et non transmise qui reste douloureuse.

En 2015 né le deuxième projet des Arpenteurs de Caillou : MALOYA. Cest un spectacle jeune public, plus léger permettant des représentations en salle ou en extérieur. C’était une volonté assumée de tendre vers une forme itinérante  afin de loffrir à un plus grand nombre de spectateurs: « Ce qui a été très réjouissant et gratifiant ».

magali song actrice nouvelle-calédonie
Photo : Patrick Hamm

Cest un spectacle jeune public librement inspiré d’un livre écrit par Manuel Touraille, voyage initiatique dune poupée naufragée qui rencontre plusieurs personnages issus des mythes fondateurs de l'Océanie. Un spectacle visuel et poétique mêlant danse et jeu masqué, qui là encore interroge sur la mémoire, les origines et la recherche dune identité culturelle commune.

 

La question de lidentité

Dans lhistoire de Magali, le fait de partir et de se déraciner était un choix. Elle avait soif de découvrir le monde, et le fait de partir lui a fait prendre conscience de son identité. Cest effectivement à son arrivée en Europe quelle sest sentie profondément océanienne. « Le fait d'être loin nous rappelle ce que l'on est. » A Montpellier elle aime passer du temps au foyer Kanak et retrouve des connaissances de Lifou ou dailleurs : être déracinés rassemble.

Il ny avait plus de caldoche, kanak etc. On venait tous de la même île et on a une culture commune qui est là : cest indéniable. Les liens sont là, ils existent : il faut les transformer et les renforcer ; et arrêter dopposer et de diviser.

Les origines de Magali et son histoire familiale sont lexemple même de la diversité. Ses origines du côté de sa mère viennent de colons libres d’Irlande et d’Italie mais aussi de colons forcés issus du bagne, d’origine normande et alsacienne. Du côté de son père sont les origines chinoises, avec un ancêtre arrivé sur l’île au côté d’un aventurier britannique, bien avant la prise de possession française, qui sillonnait la Calédonie et les îles Vanuatu en faisant du commerce de bois de santal, et qui a pris pour femme une femme Kanak.

Une ascendance kanak qui vient aussi de son arrière arrière grand-mère paternelle, issue du clan du chef Ataï, qui mena l’insurrection de 1878 contre la présence coloniale française.

J'embrasse la culture française que jadore et qui me nourrit, mais je suis le fruit dune autre histoire. Mon identité est plurielle, à la lisière de plusieurs univers.

Pour Magali aujourdhui 2 histoires cohabitent  en parallèle : lHistoire des blancs et l'Histoire Kanak qui commence enfin à être racontée et écrite ; pour exemple le livre : Les Sanglots de laigle pêcheur” qui donne à entendre la mémoire de la guerre de 1917 du point de vue Kanak, à travers récits et poèmes.

« C'est très important d'avoir la vision kanak sur cette histoire et pas seulement le regard du colonisateur ; il faut déplacer les regards et sortir de cette vision européocentrée. »

Heureusement les mentalités changent doucement. Et depuis quelques années lhistoire de la NC est enseignée à l’école. En prenant enfin pour acquis que lhistoire de la Nouvelle-Calédonie commence avant larrivée de James Cook !

 

Une œuvre emblématique de sa carrière

Quand je demande à Magali si elle veut bien me citer une œuvre emblématique de sa carrière, elle préfère me parler dun aventure humaine fondamentale dans son parcours :

« Travailler au sein de la troupe dHélène Cinque au Théâtre du Soleil pour la pièce Le Roi Cymbeline de Shakespeare. Si lon parle dobjet de création à proprement parlé cela a été une expérience artistique et humaine extrêmement forte. »

Les acteurs avaient accès aux costumes, aux décors… Magali me confie quHélène est dans la pure tradition où l'acteur est Créateur. Ils avaient des répétitions tous les jours, des training corporel le matin, des séances dimprovisations autour de la pièce, et cela pendant plusieurs mois ; un espace de création et un champ dexpérimentation assez rare pour les interprètes: « Tout ce processus créatif a été pour moi fondateur. »

 

Lhistoire et la carrière de Magali est passionnante et complexe, et fait delle une artiste passionnée et complète.

L'acteur s'inspire en permanence de ce qui se passe autour de lui et vole des instants pour se les réapproprier et les transposer.

Sans aucun doute son parcours est et sera source dinspiration pour bon nombre de jeunes acteurs, en Nouvelle-Calédonie et ailleurs.

 

 

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