Les vidéos de violences policières commises contre des Afro-Américains ont plusieurs fois mobilisé l’opinion. La semaine dernière, George Floyd est décédé des suites d’une insupportable violence commise à son encontre par un policier américain. Depuis, le pays, plus que jamais divisé par les discriminations raciales et marqué par la crise, se soulève.
Notre édition a invité Roland Lescure, député des Français d’Amérique du Nord à réagir dans un éditorial.
Les centaines de manifestations qui ont lieu aux Etats-Unis suite au décès de George Floyd nous interpellent bien au delà des frontières américaines. Après Trayvon Martin, Michael Brown, Eric Garner, Charleena Lyles, Tamir Rice, Stephon Clark, Freddy Gray, Ahmaud Arbery, Breonna Taylor, George Floyd est l’énième victime des violences racistes portées par la police américaine.
Loin de moi l’idée de donner des leçons aux Américains. Avant Donald Trump, les Américains ont élu et réélu un président noir, là où la France a parfois du mal à représenter ses minorités. La police en France comme ailleurs entretient parfois des relations houleuses avec les populations qu’elle protège. Partout dans le monde, l’association des préjugés, de la violence et des tensions sociales peuvent aboutir à ce que ceux qui s’engagent pour sauver la vie des gens en viennent à les discriminer. N’oublions pas que l’immense majorité des forces de police aux Etats-Unis comme en France font un travail périlleux avec sang froid et abnégation. Reste que les policiers, comme l’ensemble de la population, peuvent être sujets à des biais conscients ou inconscients. A ce titre, la police de Montréal avait présenté l’année dernière un plan courageux pour lutter contre le profilage racial.
Mais ce qui se passe aux Etats-Unis par la radicalité et la régularité des violences portées contre une partie de sa population, par l’impunité des auteurs de ces violences et par les conséquences politiques qu’elles entrainent est exceptionnel et nous interpelle.
L’Amérique est plus divisée que jamais entre le vote démocrate qui s’exprime dans la voix de sa diversité et le vote identitaire aujourd’hui incarné non seulement par Donald Trump mais embrassé par les Républicains. Le parti d’Abraham Lincoln, qui avait unifié une Amérique en guerre civile a trop facilement succombé aux sirènes identitaires comme programme politique. Ce faisant, il contribue à embraser un pays déjà profondément divisé.
En justifiant la violence de l’Etat contre la violence des manifestants, le Président Trump accentue les clivages et les divisions plutôt que d’apaiser les deux camps. De ce fait, il encourage la désobéissance civile et la violence là où nombreux activistes appellent au contraire à manifester pacifiquement. Comme l’ont rappelé Barack Obama et le frère de la victime George Floyd, l’activisme créé les conditions d’une conscience publique et in fine c’est par la démocratie que le changement arrive.
Le long chemin vers la liberté de Nelson Mandela comme de Jesse Jackson nous ont appris qu’ultimement, seule la démocratie en complément de l’engagement civique pouvait nous permettre de réparer les injustices engendrées par l’Histoire.
Le 4 novembre prochain, l’Amérique aura rendez vous avec son Histoire en élisant des milliers d’élus à tous les niveaux de gouvernance. Ce sont eux qui seront responsables de maitriser leurs forces de police. D’ici-là, chaque occasion de rappeler que #blacklivesmatter doit nous guider.
Roland Lescure