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L'histoire des professionnels de salle franco-américains à l'honneur

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Gil Galasso (au centre) : "Mon souhait serait que des contacts français à New York m’aident à organiser une conférence à l’Université de Columbia sur l'art de la découpe."
Écrit par Anaïs Digonnet
Publié le 28 septembre 2018, mis à jour le 28 septembre 2018

Lepetitjournal.Com / New York : Vous venez de réussir votre thèse en histoire de l'art sur les métiers de salle. Quelle a été la genèse de ce travail ?

Gil Galasso : Plus exactement, j’ai engagé une thèse en histoire de l’art pour receuillir des sources pendant deux ans, puis j'ai basculé en histoire contemporaine à l’Université de Bordeaux, pour poursuivre et soutenir ma thèse de doctorat. Si ce travail m’a pris quatre années universitaires, en réalité il s’étale sur une dizaine d’années de recherches, avec la réintroduction de la découpe à la volée dans le marché de la restauration gastronomique.

Quel est le lien de votre oeuvre avec la ville de New York ?

Le lien avec New York est très fort. C'est une ville qui est le miroir de la France en termes d’art du service. Plusieurs exemples sont présentés dans ma thèse et beaucoup de recettes proviennent de l’immigration européenne aux USA. Je peux citer par exemple l’histoire d’Henri Charpentier, l’inventeur auto-proclamé des crêpes Suzette. Aucun maître d’hôtel ne pouvait obtenir de poste dans un grand établissement sans la maîtrise de la langue anglais. Alors, il est parti en Angleterre, puis en Amérique, au Café Martin, célèbre restaurant de Manhattan. En parallèle, il décide d'ouvrir un petit restaurant à Lynbrook (dans le comté de Nassau, ndlr). Il décrit sa vie d’alors comme très heureuse, avec sa femme jusqu’à ce que la prohibition les oblige à rentrer en France pour un temps car il était très difficile de faire vivre un restaurant français sans vin. Charpentier retournera ensuite aux Etats-Unis, engagé pour diriger le Rainbow Room au Rockefeller Center. Puis, il ira à Chicago et enfin dans l’ouest ou il tenait une table d’hôtes chez lui, dans laquelle il fallait réserver un an à l’avance.

Existe-t-il d'autres parcours iconiques de maîtres d'hôtel européens dans cette même ville ?

Il faut aussi citer bien sûr l’histoire d’Oscar Tschirky, mort en 1950, qui fut le maître d’hôtel du restaurant Delmonico, puis celui de l'hôtel Waldorf Astoria à Manhattan. Il était connu comme « Oscar du Waldorf ». A sa mort, sa collection d’ouvrages et de menus fut offerte à l’Université de Cornell (au nord de l'Etat de New York). Une exposition d’objets anciens et de photos présentent sa carrière, dans le hall du Waldorf Astoria. L’assaisonnement pour salade Thousant Island, les œufs Bénédicte et la salade de l'hôtel lui sont attribués. Son image est quelque fois associée aux parrains de la mafia new-yorkaise car Lucky Luciano, le célèbre parrain occupait la suite 39C du Waldorf de manière permanente, sous le nom de Charles Ross.

L'art de la découpe s'écrit-il aussi aux USA ?

Il y a un lien très fort dans ma thèse avec les USA, en particulier sur la symbolique de la découpe de la dinde lors de Thanksgiving. Au milieu de la Guerre de Sécession, le président Abraham Lincoln proclame le jour national de Thanksgiving, célébré à partir de cette date le dernier jeudi de novembre aux États-Unis d’Amérique. La découpe de la dinde prend valeur de symbole : le partage au sein des familles est, par ces temps troublés, le symbole d’une nation unie. Comme je l'ai démontré, lorsque la nation française est en danger, la table, plus que jamais, revêt une valeur symbolique forte. Il existe un nouvel exemple de cette récurrence, d’autant plus que la dinde a sans doute été un aliment inventé, qui n’a pas été présenté lors de l’action de grâce originelle. Pendant un autre conflit majeur, la seconde guerre mondiale, l’art de la découpe est utilisé comme un symbole fort, celui de la réunion des familles, du retour des héros de guerre. Nous retrouvons les mêmes préceptes que lors de la Guerre de Sécession. En 1941, le Congrès américain établit le quatrième jeudi de novembre comme le jour férié officiel de Thanksgiving.

En tant que MOF, aviez-vous déjà collaboré avec des chefs américains. Ont-ils une approche différente ?

J’ai collaboré par exemple avec Daniel Rose qui avait un restaurant, rue du Louvre, le Spring et qui voulait améliorer son concept de show cooking. Je trouve les chefs américains ouverts et respectueux du service en salle, ce qui est très motivant pour partager mes travaux avec eux. Mon souhait serait que des contacts français à New York m’aident à organiser une conférence à l’Université de Columbia.

anais digonnet
Publié le 28 septembre 2018, mis à jour le 28 septembre 2018
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