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Le succès du vote par correspondance aux USA motive Roland Lescure

Vote par correspondance Vote par correspondance
Le député Roland Lescure
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 30 novembre 2020, mis à jour le 30 novembre 2020

Près de 100 millions d’électeurs ont voté par anticipation pour l’élection présidentielle américaine, dont 64 millions par correspondance. Un chiffre historique qui a retardé l'annonce des résultats définitifs. Mesures de vérifications souvent laborieuses, procédures différentes selon les Etats... Le vote par correspondance largement encouragé par le camp démocrate, en plein milieu d’une pandémie qui a fait des États-Unis le pays le plus endeuillé au monde, a fait basculer le résultat de l’élection présidentielle américaine dont Joe Biden en est sorti président-élu.

En France, ce succès américain du vote par correspondance — lequel existait dans l’Hexagone jusqu’en 1975 — inspire une bonne partie de la classe politique qui voit en ce système un moyen fiable de permettre aux Français de participer en toute sécurité aux prochaines échéances électorales départementales et régionales de mars 2021 et de limiter l’abstention.

Rencontre avec Roland Lescure, député des Français d’Amérique du Nord, qui défend le vote par correspondance.

 

Rachel Brunet pour Lepetitejournal.com New York : Des parlementaires de divers bords politiques veulent rétablir le vote par voie postale pour lutter contre l’abstention, dans un contexte de crise sanitaire. Vous en faites partie. Le succès du vote par correspondance lors de la présidentielle américaine a-t-il motivé votre point de vue ?

Roland Lescure : Bien sûr ! Le monde entier a été témoin des impacts très positifs du vote par correspondance lors des dernières élections présidentielles aux États-Unis. D’abord, parce qu’il a engendré une augmentation de 30% de la participation par rapport à 2016, avec un nombre d’électeurs passant de 139 à 160 millions. D’ailleurs, il faut rappeler que 50 millions d’Américains ont voté à l’urne et que 101 millions ont voté à distance ou par anticipation. Je préfère ainsi un scrutin auquel deux tiers des électeurs participent, même si cela se fait par correspondance, plutôt qu'une abstention battant tous les records comme on a pu l’observer lors des dernières élections municipales françaises ou l’abstention a atteint les 60%.

 

Quelles leçons sont à retenir d’après vous, sur le vote par correspondance aux États-Unis si on le réinstallait en France ?

La première leçon c’est sans doute que la sécurité du scrutin reste un enjeu essentiel, car elle est gage de confiance en l’élu. Dans l’hypothèse d’un rétablissement du vote par correspondance en France, il faudra donc sécuriser les procédures et prévoir des sanctions en conséquence en cas de fraude.

La deuxième leçon serait en lien avec toute la logistique que requiert l’utilisation d’un tel système. Que ce soit pour les modalités ou les délais d’acheminement, il faut se donner suffisamment de temps pour que la majeure partie des votes arrivent avant le jour du scrutin. Deux semaines me semblent par exemple un délai raisonnable.

Enfin la troisième leçon serait vis-à-vis de l’influence d’un tiers sur les électeurs : nous devons être vigilants sur la question bien que ce soit avant tout un sujet d’éducation civique. Nous devons renforcer l’éveil à la citoyenneté de façon à obtenir un scrutin justifié et totalement consentant.

 

À ceux qui crient à la fraude, suite à ce type de vote, tant aux États-Unis qu’en France, qu’avez-vous à leur répondre ?

Je leur réponds que des procédures de contrôle existent pour lutter contre la fraude. Par exemple, les Américains qui faisaient l’objet de suspicions quant à leur identité et vivant à l’étranger, ont reçu un mail de vérification le jour même de l’élection demandant confirmation de celle-ci. Il est donc possible de minimiser le risque, même si cela demande un délai supplémentaire. Plusieurs autorités électorales locales et nationales, dont l’Agence pour la cyber sécurité et la sécurité des infrastructures (CISA) ont même affirmé dans un communiqué commun que « L’élection du 3 novembre a été la plus sûre de l’histoire des États-Unis ».

 

L’extrême droite française se range bien évidemment aux côtés de Trump qui refuse de reconnaître sa défaite et ne cesse de crier à la fraude et au complot. Ne craignez-vous pas qu’en introduisant le vote par correspondance, cela revienne aussi à laisser la porte ouverte au RN de dégainer auprès des Français sa théorie favorite du complot et du trucage du vote ?

Nous pouvons le voir, les institutions font leur travail : la Pennsylvanie et le Michigan – ont « certifié » leurs résultats, ce qui a d’ailleurs mis dans l’embarras tous ceux qui criaient à la fraude ! Les démarches du Président sortant ont été rejetées ou abandonnées dans la plupart des États. Le grand problème de ces élections ce n’est pas la fraude, mais l’attitude de Trump et de son équipe qui ont finalement accepté leur défaite puisque le processus de transition est entamé depuis quelques jours.

 

Le scrutin de mars 2021 pour les régionales et départementales risque d’être reporté. Le vote par correspondance pourrait maintenir l’échéance. Cela reste un argument de taille en pleine crise sanitaire, non ?

Effectivement, le vote par correspondance peut être une solution en pleine crise sanitaire, c’est d’ailleurs ce contexte qui je pense a expliqué toute son efficacité lors des dernières élections américaines. En France, le Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a accepté la proposition du MoDem, de créer un groupe de travail consacré à la "modernisation des outils électoraux", ce qui peut notamment passer par l’usage du vote par correspondance. La commission des Lois du Sénat a créé de son côté une mission d'information pour évaluer "la faisabilité" du vote par correspondance, en particulier en vue des scrutins de 2021 dont l'exécutif propose le report de mars à juin. Elle devrait rendre ses conclusions avant la fin de l'année. Le débat autour du vote par correspondance est donc légitime et doit avoir lieu. Enfin le mouvement LREM auquel j’appartiens a décidé d’étudier les différentes modalités de vote afin d’apporter sa pierre à l’édifice.

 

Est-ce que réintroduire le vote par correspondance pour les régionales ne serait pas une sorte de « crash test » pour permettre aux Français de voter ainsi lors des présidentielles de 2022 ?

Chaque chose en son temps, voyons si des expérimentations peuvent être faites pour les régionales et départementales, pour l’instant nous n’en sommes qu’au stade de réflexion.

 

Et aux États-Unis, sommes-nous bien certains de pouvoir voter électroniquement pour l’élection consulaire de mai prochain ?

Il sera possible de voter électroniquement pour l’élection consulaire de mai prochain. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères avait homologué une plateforme de vote par internet pour les élections consulaires de mai 2020.

Cette plateforme a subi plusieurs tests techniques pour vérifier sa robustesse et la sécurité de l’élection. Deux tests grandeur nature ont été menés en juillet et novembre 2019 auprès de 12 000 électeurs volontaires sous le contrôle du bureau du vote électronique et d’experts indépendants. Ces tests ont été couronnés de succès, il n’y a donc pas de raison pour le moment que l’élection consulaire ne se déroule pas comme prévu en mai prochain.

Rachel Brunet
Publié le 30 novembre 2020, mis à jour le 30 novembre 2020