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Le DOE stoppe net un programme bilingue public dans l’Upper East Side

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Jérémie Robert, Ben Kalos, Fabrice Jaumont et Stéphane Lautner lors de la cérémonie d’ouverture du programme bilingue en septembre dernier.

Sidéré, c’est sans doute le qualificatif qui dépeint le mieux Stéphane Lautner, un papa du quartier de l’Upper East Side, à New York. Alors qu’il porte depuis des années l’ouverture et le développement d’un programme bilingue dans une école publique de son quartier, il a reçu cette semaine, un email de la part du Department of Education (DOE) de New York lui signifiant que le programme sera finalement arrêté. Un comble et un coup de massue pour une centaine de familles francophones de New York.

 

Ils sont 36 enfants de familles francophones à être inscrits cette année scolaire 2020-21 en Pre-K anglais-français dans une école publique de l’Upper East Side. Un programme de Kindergarten était en cours de finalisation pour les accueillir l’année scolaire prochaine. Une suite logique dans leur scolarité bilingue. Mais Marisol Rosales, executive superintendent au DOE a porté un coup de grâce à ce projet d’éducation bilingue et gratuite via un simple email, après des mois de travail, d’investissement et de volonté de la part de parents qui souhaitent voir leur enfant bénéficier d’un enseignement bilingue en école publique. « À ce moment, nous n’ouvrons pas de programme de Kindergarten pour l’année 2021-22 » écrit laconiquement Marisol Rosales dans un email adressé à Stéphane Lautner ce 11 janvier en début d’après-midi. « Aucune explication ne nous a été donnée » explique le père de famille franco-américain. Et de rajouter « je trouve ça aberrant, ça me blesse énormément ».

 

un courrier au maire de New York

« Malgré des rencontres avec Mme Rosales au cours des deux dernières années dans l'espoir d'établir un programme bilingue dans le district scolaire communautaire 2 pour ces enfants dans une école de la maternelle à la 12e année, et l'envoi de centaines de courriels à sa demande de partenariat et de soutien pour nos élèves multilingues, elle évite systématiquement les questions et ne fournit même pas à ces parents la courtoisie d'accusé de réception de leurs messages » a écrit Stéphane Lautner à Bill De Blasio, l’édile de la ville, au Chancellor Carranza, au First Deputy Chancellor Conyers et au  Deputy Chancellor Wallack quelques jours avant la fin de non-recevoir de la part de Mme Rosales.

« Depuis l'automne, les parents demandent au superintendent Rosales quelle école offrira un programme de français bilingue afin que nous sachions où nos enfants iront à la maternelle. Ils doivent continuer (comme c'est leur droit) à recevoir des services bilingues. Il a été extrêmement difficile d'attirer l'attention de la superintendent Rosales, et même après de nombreuses tentatives pour communiquer avec elle, ses réponses sont vagues. Hier, sa réponse indiquait qu'elle aurait besoin d'obtenir l'approbation du «central, du superintendent  et du président de la CEC» afin de fournir des conseils aux parents sur l'endroit où ce programme légalement obligatoire sera offert à la maternelle. Est-ce vraiment la politique du DOE que le superintendent et le président de la CEC établiraient ce type de politique ? » interrogeait le 7 janvier Stéphane Lautner dans l’émail adressé au maire de New York. Pas de réponse !

 

Manque de diversité

Une des raisons sous-jacentes de la mise au placard de ce programme de Kindergaten bilingue serait le manque de diversité dans le programme. Or, il parait important de rappeler au DOE que la langue de Molière n’est pas que l’apanage de la France mais la langue officielle de 29 pays et une langue de travail utilisée dans 84 pays. « Nous avons plus de 100 familles qui suivent notre initiative, de 30 nationalités différentes » détaille Stephane Lautner. Des familles d’horizons, de conditions, de pays, de cultures et de religions différentes.

La question est de savoir ce que vont devenir, à la rentrée prochaine, les 36 élèves inscrits en Pre-K bilingue. « Leur bilinguisme va être coupé net » déplore Stephane Lautner. Et de rajouter « ils seront sûrement noyés dans un programme anglophone classique ». Quant à la poursuite du programme Pre-K existant, c’est le flou artistique, le DOE n’ayant pour l’heure, livré aucune information sur la survie du programme.

Depuis près de trois ans, avec l’aide de quelques parents, mais aussi le soutien de Fabrice Jaumont des Services culturels, le père de famille franco-américain a remué ciel et terre pour qu’un nouveau programme bilingue ouvre dans la zone du district 2 du Department Of Education de la ville de New York.

Aujourd’hui, dans le système éducatif public new-yorkais, 7 écoles élémentaires et 3 middle schools accueillent des programmes bilingues anglais-français. Quelque 1500 élèves bénéficient ainsi d’une éducation tant en français qu’en anglais, sans pour autant que cet enseignement soit reconnu par le Ministère de l’éducation français. Selon l’Organisation Internationale de la Francophonie, il y aurait environ 80,000 francophones à New York, et près de 40,000 Français sont inscrits au Consulat de France de New York. Autant dire que l’accès à une éducation bilingue et gratuite reste limitée à New York pour les enfants francophones.

Le combat continue pour Stéphane Lautner et les 110 familles impliquées dans ce projet.

Comment la ville de New York, une ville démocrate, ouverte, internationale peut laisser tomber tant de familles dans l’éducation de leurs enfants ?

Rachel Brunet
Publié le 13 janvier 2021

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