Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Claudia Moscovici : « J’aurais voulu être une Salonnière »

Claudia MoscoviciClaudia Moscovici
Claudia Moscovici
Écrit par Houda Belabd
Publié le 22 janvier 2021, mis à jour le 22 janvier 2021

Passionnée par le phénomène socioculturel des Salonnières françaises, ces adeptes des salons littéraires mondains d’une autre ère, Claudia Moscovici aime, aussi, l’œuvre de Sholem Aleichem. Du Michigan où elle vit, elle a répondu, avec joie, à notre interview.

 

Claudia Moscovici

Claudia Moscovici

 

Houda Belabd pour Le Petit Journal de New York : Parlez-nous de votre attachement à la culture des Salonnières françaises d'une autre époque et comment vous avez réussi à faire voyager cette mode jusqu’au Michigan où vous vivez depuis longtemps ?

Je suis profondément intriguée par les philosophes et les salonnières du Siècle des Lumières et de l'époque romantique, les deux domaines dans lesquels je me suis spécialisée. Des penseurs importants tels que Kant, Condorcet, Voltaire et Rousseau ont non seulement façonné la science et la culture générale. Aussi ont-ils profondément modifié la politique, tant en France qu'aux États-Unis. Par exemple, des Américains sans grande culture dans la pensée des Lumières prennent les «Pères fondateurs» pour des Chrétiens traditionnels et les utilisent pour invoquer le dogmatisme religieux dans la pratique et le droit. Ce n'était pas le cas. Washington, Jefferson, Franklin étaient plus ou moins déistes. Ils croyaient en quelque chose qui s'apparente à une force naturelle ou au «Premier Moteur» aristotélicien qui crée l'univers et met en mouvement les lois de la nature. Les salons ont joué un rôle crucial en mettant en lumière les idées scientifiques et philosophiques des esprits les plus brillants et les plus créatifs de leur époque par le biais de discussions animées dans leurs châteaux et palais. Mais ces femmes importantes n'étaient pas seulement un moyen d'accéder à la culture et à la science produites par les hommes. Souvent, elles étaient des créatrices de talent à part entière. Ma salonnière préférée est Mme de Stael, une femme remarquable, romancière et penseuse philosophique qui a introduit les œuvres d'Emmanuel Kant en France.

 

Au fond du cœur de chaque européen réside un Juif qui s’ignore, pourrait-on lire dans l’œuvre de Sholem Aleichem, le Bernard Shaw Ukrainien. Selon vous, jusqu’où cette pensée a-t-elle voyagé?

L'œuvre de Sholem Aleichem retrace avec pertinence les affres des Juifs chassés de Russie et peuplant certaines parties de la Pologne, de l'Ukraine, du Belarus et de la Lituanie et ce, entre le XVIIIe et le début du XXe siècle (avant la révolution russe). Ils vivaient dans la peur car étaient constamment soumis à des pogroms par les populations locales antisémites. Mais, accessoirement, l’œuvre d’Aleichem représentait la vie juive villageoise et de l'antisémitisme. "Le rire à travers les larmes" était une philosophie digne de lui. Une pensée qui a percé les frontières du Vieux continent où les Juifs européens ont été confrontés non seulement à la discrimination mais aussi à l'extermination totale pendant l'Holocauste. Je pense que cette pensée a participé, ne serait-ce que modestement à la création de l'État moderne d'Israël. Elle a considérablement renforcé la position des Juifs dans le monde, bien que nous ne puissions jamais la tenir pour acquise.

 

Quelles sont les autres causes que vous défendez à travers votre plume ?

Mon écriture peut sembler quelque peu éclectique. J'écris sur des sujets aussi divers que le romantisme — mon doctorat est en littérature comparée, de l'université de Brown — ; la Roumanie communiste sous Nicolae Ceausescu, une époque que mes parents ont vécue et que j'ai connue dans mon enfance ; la psychopathie et autres troubles de la personnalité, pour comprendre la nature psychologique des personnes considérées comme "mauvaises" ; et l'Holocauste, quelque chose que mon côté paternel de la famille a vécu dans une certaine mesure en Roumanie sous le fascisme. D'un point de vue subjectif, chacun de ces sujets a touché, d'une manière ou d'une autre, ma vie ou celle de ma famille. Je passe généralement six à sept ans à faire des recherches et à réfléchir sur un sujet donné, j'écris un livre de non-fiction sur le sujet, puis j'écris un roman sur le sujet également lorsque j'estime que j'ai suffisamment de recul pour le faire. C'est pourquoi j'ai écrit une préface historique à mon premier roman, « Velvet Totalitarianism », basée sur des années de recherche sur l'histoire politique de la Roumanie communiste. Avant d'écrire mon deuxième roman, « Le Séducteur », j'ai fait des recherches sur la psychopathie, le narcissisme et d'autres troubles de la personnalité et j'ai écrit la non-fiction « Liaisons dangereuses ». Ce livre a été traduit en roumain et en italien et lancé au Parlement italien, Camera dei Deputati, en 2017, pour attirer l'attention sur le problème de la violence contre les femmes et sur les droits des femmes. J'ai fait sept ans de recherche pour mon dernier livre non fictionnel, à savoir « Holocaust Memories » (2019), qui est une étude des mémoires, des fictions et des films sur l'Holocauste et je prévois d'écrire un roman historique sur le ghetto de Varsovie.

 

Quel est le livre qui représente le mieux votre travail ?

Chacun de mes livres représente différentes facettes de ma vie ou de mes intérêts. Bien que je n'aie pas de livre qui me représente le mieux, je dirais qu'écrire des romans m'oblige à être beaucoup plus créative dans mon style d'écriture ainsi qu'à me familiariser avec un sujet donné de manière approfondie. Je trouve qu'écrire une fiction est plus stimulant mais aussi plus satisfaisant.

 

Parlez-nous de vos projets à venir.

Comme d'habitude, j'aimerais poursuivre simultanément des projets de non-fiction et d'écriture créative. Je prévois de faire des recherches et d'écrire des articles culturels et politiques sur Israël et le Moyen-Orient dans mon nouveau blog sur The Times of Israel, ainsi que de commencer un roman historique sur la vie tragique et remarquable de Janusz Korczak et des orphelins du ghetto de Varsovie pendant l'Holocauste.