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Berthe Weill, une Française pionnière de l'art « autant mécène que marchande »

Berthe Weill a été la marchande d'art de l'avant-garde parisienne. Pourtant peu connue, la “petite Mère Weill” a défendu des artistes de renom comme Pablo Picasso, Henri Matisse ou Amedeo Modigliani. Alors qu’une exposition lui est consacrée au Grey Museum, avant de s’envoler vers Montréal et Paris, Marianne Le Morvan, fondatrice des Archives Berthe Weill à Paris, nous parle de cette Française à la personnalité aussi éclatante que le résumé : « Si Berthe Weill retrouve sa place dans l’histoire de l’art, alors j’aurais terminé mon travail à son sujet ».

Berthe WeillBerthe Weill
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 6 octobre 2024, mis à jour le 10 octobre 2024

Outre son œil, elle était audacieuse et bourrée d’humour

 

Pourquoi est-il important de consacrer une exposition à Berthe Weill ? 

Berthe Weill a été la première marchande d’un nombre considérable d’artistes devenus par la suite très célèbres : Maillol, Matisse, Picasso, Braque, Derain, Vlaminck, Picabia, Delaunay, Leger, Metzinger, Gleizes, Lhote, Rivera, Modigliani, Valadon, et beaucoup d’autres… Elle a fait défiler sur ses cimaises les courants importants sur près de quarante ans. Offrir de la visibilité à ceux qui ont su comprendre l’art permet de partager leur enthousiasme et leurs découvertes. C’est pleinement le rôle des institutions muséales que de présenter le parcours de ce type de pionnier.e.s. Outre son œil, elle était audacieuse et bourrée d’humour. Il est joyeux de présenter une personnalité aussi hors-norme dans le monde feutré des musées.

 

Dufy la vie en rose

 

Quelle a été son influence sur la scène artistique ? 

Considérable, car elle était autant mécène que marchande. Sans elle, que seraient devenus tous ceux qui étaient inconnus et refusés partout ailleurs ? Elle a été l’artisan de la scène moderne. Tous ses artistes lui reconnaissaient ce rôle vital dans leur carrière. Pour cette générosité, ils l’avaient baptisée la “petite Mère Weill”. 

 

Pourquoi est-elle pourtant aujourd’hui méconnue ? 

C’est de moins en moins vrai mais de manière générale, force est de constater que l’on connaît beaucoup moins bien les femmes dans l’art. C’est un terrain d’étude relativement récent. En dehors de quelques figures, la majorité est complètement oubliée. Je constate parmi mes étudiantes qu’il existe heureusement une nouvelle génération de chercheuses qui investissent ces sujets avec ardeur. La reconnaissance de nombreuses pionnières restent à venir.

 

Berthe Weill à découvrir au Grey Art museum

 

Comment a été conçue l’exposition au Grey Art museum ? 

J’avais consacré mon mémoire de Master 2, puis une première biographie, puis ma thèse de doctorat à Berthe Weill, en reconstituant en parallèle ses archives. Je disposais ainsi de toutes les informations pour tenter d’identifier les œuvres autrefois passées entre ses mains.

Il y a maintenant dix ans, Julie Saul, la galeriste spécialisée en photographie décédée il y a quelques années, avait trouvé ma biographie de Berthe Weill à Paris. Elle avait été très séduite par sa personnalité pétaradante et avait alors présenté le sujet à Lynn Gumpert, la directrice du Grey Art Museum. Nous avons ensuite beaucoup œuvré ensemble pour trouver des partenaires afin de construire une coproduction à la hauteur de nos ambitions de prêts. Nous avons trouvé de l’écho à notre enthousiasme auprès d’autres musées dirigés eux aussi par des femmes et qui accueilleront les itinérances de l’exposition: le musée des beaux-arts de Montréal et l’Orangerie à Paris.

 

Marianne Le Morvan

 

Quelle est votre relation aujourd’hui avec Berthe Weill ? 

Quand j’ai commencé il y a quinze ans à rechercher les catalogues de la Galerie B. Weill un à un, s’est forgée en moi la conviction qu’il était profondément injuste que Berthe Weill ne soit pas reconnue pour son importance dans l’avènement de l’art moderne. Outre son dévouement, et sa pugnacité, elle représente un exemple de liberté et de courage que j’admire profondément. Je suis immensément heureuse de pouvoir faire honneur à son travail.

Le sujet désormais me dépasse et je suis devenue un peu petite pour le porter. Pour symboliser tout à fait sa consécration, je pense que la prochaine étape sera de faire entrer mes archives dans la collection d’un grand musée, afin qu’elles soient accessibles au plus grand nombre de chercheurs et de professionnels de l’art. Après autant de travail, ce ne sera pas facile de céder toutes ces découvertes, mais je reçois désormais trop de demandes pour pouvoir continuer bénévolement comme je le faisais jusqu’à présent. Si Berthe Weill retrouve sa place dans l’histoire de l’art, alors j’aurais terminé mon travail à son sujet.

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