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NARCOTIQUES - En Italie, "mieux vaut punir que guérir"

Cocaïne, Cannabis et héroïne s'enracinent en Italie. Sans réelle politique de prévention et d'information, la mafia continue d'encaisser des millions dans un commerce de plus en plus fructueux. En attendant, ceux qui souffrent de dépendance sont laissés sur le bas côté, sans recevoir les soins adéquats.

Des drogues pour tous les goûts et tous les âges

Les chiffres du rapport du département "Politiche anti-droga" décrivent une réalité plurielle qui varie selon l'âge, le sexe et les substances ingurgitées. En 2012, dans la Botte, 4% de la population, soit presque 2.500.000 individus, ont consommé régulièrement ou occasionnellement un ou plusieurs stupéfiants. L'âge moyen du premier "joint" ou "rail de coke" se situe autour de 15 ans. Toutes tranches d'âges confondues, 1,82% de la population estimait consommer au moins une fois par mois du cannabis. Ainsi, "l'Herbe" arrive en tête suivie de près par la cocaïne (0,29%), toujours bien au-delà des standards européens (respectivement 1,20% et 0,17%).

Loin des statistiques nationales, le Latium semble vouloir se détacher du lot. "Le problème ici, c'est que les jeunes commencent de plus en plus tôt et avec des drogues toujours plus addictives" déclare Luca Cirimballi, attaché de presse de l'Actroma, l'institution romaine officielle d'aide aux toxicodépendances. En 2011, aux abords du Colisée, c'est la poudre blanche de coca qui remportait le prix de la substance la plus consommée avec 300 kilogramme importés chaque mois. En 2012, 1.000 Romains "sniffaient" entre sept et huit grammes par jour. L'héroïne (3g/jrs pour 1.000 habitants), quant à elle, arrive en seconde position pour les mêmes tranches d'âges. À ces données communiquées par l'Actroma, s'ajoute une autre vérité : celle de la poly-consommation. Ainsi, en 2011, 52,3% des toxicomanes consommaient en même temps de l'alcool ou du cannabis, de la cocaïne ou encore de l'héroïne.

Un trafic qui profite surtout à la mafia
"Le problème en Italie, c'est qu'il y a un courant de pensée très fort venant du Woodstock américain des années 70 qui pense que l'usage de la drogue est synonyme de liberté. Or, ces substances sont un fléau pour l'Homme et la dignité humaine" répète inlassablement Fabio Barnabei président de l'Osservatorio Droga de Rome. Pour lui aucun doute, avec une demande de plus en plus forte, le trafic de telles substances enrichit avant tout la mafia. Entre août et octobre 2012, ce sont presque 80 kilogrammes de cocaïne qui ont été retrouvés par les forces de l'ordre dans la capitale de la Dolce Vita. À Rome, le business de l'or blanc est trois fois plus élevé qu'à Milan et rapporte tous les mois une dizaine de millions d'euros de plus aux narcotrafiquants.

Massimo Carminati (Centre et Nord de Rome), un ex-terroriste du Nuclei Armati Rivoluzionara et criminel affilié à la Banda della Magliana ; Michele Senese (Est et Sud-Est), un ancien de la Camorra ; Giuseppe Fasciani (San Paolo et Ostia) passé par la Camorra et le Nar ; et Giuseppe Casamonica leader du clan du même nom (Tuscolona et Anagnina), règnent tous les quatre sur la Capitale sans jamais se salir les mains. Chacun sa zone, chacun ses prix, tous récupèrent un pourcentage sur le chiffre d'affaires de leur trafic. Une somme colossale car sur les places romaines, le prix de vente d'une cargaison de cocaïne est multiplié par 400 par rapport au prix d'achat payé par ses importateurs. Ces derniers la font venir principalement de Colombie, du Venezuela ou des Balkans.

Arrêtés puis relâchés, l'élimination des "Re di Roma" ne changerait pas la donne explique Fabio Barnabei. "En opposition à la mafia sicilienne des années 70 organisée de manière pyramidale, celle des années 2000 fonctionne en réseau. Mettez-en un derrière les barreaux, la toile entière continue de se développer", raconte-t-il.

Répression sans prévention
En Italie, le célèbre adage "mieux vaut prévenir que guérir" ne trouve pas sa place. Là où prévention et information auraient tout leur sens, le gouvernement préfère la répression. "En Italie, nous avons centralisé toutes les forces de polices et de gendarmerie anti-drogue. Désormais, notre système est enviable dans toute l'Europe" s'enorgueillit Fabio Barnabei. Ainsi, depuis 2011, le nombre de mineurs en prison pour trafic de drogue a augmenté de 45%. Par ailleurs, sur les 76.982 personnes incarcérées la même année, un tiers avait des problèmes de dépendance liés à l'usage de stupéfiants.

"La plupart des centres d'accueil n'ont pas les moyens d'aider correctement tous ceux qui en poussent les portes" s'indigne Luca Cirimballi. Outre les questions de sevrage et de cure de désintoxication, la précarité des services d'aide ne permet pas de soigner correctement les problèmes de contamination et de maladie liés à l'usage de la drogue. Dans ce contexte, 70% à 80% des personnes qui entrent dans un Servizio per le Tossicodipendenze (Ser.T) ne sont pas dépistées pour le VIH, l'hépatite B et C.

À Rome, ce sont 2.310 toxicodépendants qui ont cherché de l'aide auprès des Ser.T mis en place par la ville. En 2011, environ 56% ont contacté les plateformes téléphoniques prévues à cet effet. Pourtant, seulement 5% de ces demandes ont été prises en charge par le centre de réhabilitation et de réinsertion de la coopérative de la Capitale "Il Cammino". Un timide constat qui laisse penser que les salles de shoot installées à Paris et l'encadrement poussé qu'elles préconisent ne sont pas prêts de voir le jour à Rome.

Sophie LEI (www.lepetitjournal.com/rome) - Jeudi 11 avril 2013

Crédits photos: www.actroma.it

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