Que ce soit dans ses portraits, ses événements ou ses paysages, une belle lumière traverse les images de Valérie Gassien, comme si elle offrait au monde une véritable raison d’exister. Photographier pour saisir le réel. Briser les ombres de la mémoire.


L’air serein, un peu décontracté, gaie, quand on rencontre Valérie Gassien dans ce café sur la rue Notre-Dame à Montréal, vite, on devine qu’elle est une artiste. Parce qu’elle est curieuse. C’est d’ailleurs l’une des qualités pour être photographe, nous semble-t-il. Elle regarde sans cesse : dehors, les passants, l’horizon. Comme si, à chaque instant, elle captait un fragment du monde avec son regard. Vivre pour elle, c’est capter les choses, le mouvement des corps, les visages, les solitudes, les joies. C’est aimer et apprivoiser le temps avec un clic. Dynamique, parfois ambitieuse, la Guadeloupéenne rêve de photographier le monde. Le monde dans ses bouleversements, ses contraintes, ses bonheurs tout ronds. Le monde avec ses plaisirs simples et étranges.

Artiste photographe, bon vivant, elle est née et a grandi en Guadeloupe en observant sa mère photographier les fleurs, les dîners familiaux, les sorties, tout... La photographie est un art qui ne l’a jamais quittée. Entre eux, douce tendresse. Une grosse affaire de complicité et d’amour. « Adolescente, j’ai toujours eu une petite caméra. Ça a toujours été mon bien le plus précieux. C’est ma vie, la photographie. J’ai eu mon premier en 2016, un Nikon D3200. Cette passion, je l’ai eue à partir de ma mère. Maintenant elle n’a plus d’appareil, mais un téléphone pour photographier, rire. », dit-elle, l’air heureuse de pratiquer son métier avec enthousiasme. Le grand déclenchement aura lieu quand elle a fait l’acquisition de de cette petite caméra et la rencontre avec Daniel Dabriou en 2016.

Depuis ce premier appareil, elle ne cesse d’immortaliser d’autres choses : des photos de sportifs, quelques mariages, un horizon lointain, un grand coucher de soleil. La passion est tellement irrésistible qu’en 2020, un an après son atterrissage à Montréal, elle a intégré le Centre de Formation Professionnelle de Verdun où elle a fait un DEP en photographie. « Cette formation m’a vraiment aidée. Ça m’a permis de comprendre ce qu’est vraiment la photographie, le milieu au Canada. C’était réjouissant. Les professeurs étaient tous des photographes professionnels et très doués », explique-t-elle. Grande joie. Elle s’est fait remarquer avec son projet de fin d’études Sensorhum, une série de photographies mettant à l’honneur le rhum.

Ouvre ses bras à la photographie
Valérie Gassien a tout laissé après cette étude : son cursus de droit à l’Université Antilles-Guyane et son expérience de dix ans en ressources humaines pour se consacrer entièrement à la photographie ; sa tête, son corps, ses forces, son rire, tout pour la photographie et la vie. Mais pourquoi tout cet abandon ? Pourquoi tourner le dos aux autres métiers et se consacrer désormais à la photographie ? Elle n’a pas une raison principale. Savoir pourquoi on aime, c’est trahir deux fois le cœur. Quand on aime, il n’y a pas de pourquoi. Mais qu’est-ce que la photographie, demande-t-on ? Interloquée. Elle ne s’attendait pas à une question aussi franche, directe.
La photographie, c’est ce qui nous permet de nous souvenir. C’est l’art de la mémoire. C’est un art qui me touche profondément. Dans la société où nous évoluons aujourd’hui, nous avons besoin de la photo comme jamais. La photographie, c’est aussi l’authenticité »
Elle est toujours en quête d’authenticité dans ce qu’elle capture ; que ce soit un regard, un sourire, un geste simple ou un instant fugace que le temps pourrait effacer. « Chaque image est pour moi un fragment de vie, une émotion figée, un souvenir que l’on peut revisiter encore et encore ». La photo lui permet de voir l’ordinaire avec émerveillement, et de partager cette beauté avec ceux qui contemplent ces images.

Elle a fait du chemin
Depuis plusieurs années, l’artiste a fait du chemin. Prix, expositions, rencontres, projets. Les jours filent au rythme de son dévouement et de son ferveur devant la caméra. On n’oubliera pas son exposition Échos de l'âme en hommage à Jacques Roumain, Xposé 2024 – CAPIC, le Prix Best in Show pour King Léo en 2024 et le Prix d’excellence DEP Photographie 2022. Elle ne baisse pas les bras. Un bon photographe embrasse toujours le temps. Le temps avec sa fragilité et son incertitude. « Je travaille sans cesse. Je suis toujours en quête d’émotion. Je veux à travers chaque photo faire ressentir à l’autre l’émotion que j’ai ressentie », raconte-t-elle.
Pour Valérie, il faut toujours être conscient de ce qu’on est en train de photographier. Elle se pose des questions avec chaque clic. « Quel sera l’impact de cette image ? Quelle est l’intention ? » La photographie n’est pas juste un clic, avoue-t-elle. C’est un travail d’orfèvre, un engagement, un projet à part entière. C’est un art. Un bon photographe, c’est avant tout une personne authentique dotée d’une grande sensibilité. Qui l’inspire ? « Tout m’inspire. J’apprécie particulièrement les portraits d’Andréanne Gauthier, d’Annie Leibovitz, et de Danny Clinc. Chacun, à sa manière, m’aide profondément. » Mais être photographe n’est pas une mince affaire, met-elle en garde.
Être photographe n’est pas un métier facile. Quand on me demande qui je suis, beaucoup de gens ont du mal à comprendre qu’être photographe, c’est exercer un vrai métier. Ils croient que ce n’est qu’un simple clic. Mais derrière chaque photo, il y a des heures de travail, de recherche, d’observation et de patience. La photographie est un véritable art. Un art qui peut émouvoir, questionner, toucher le monde, au même titre que la peinture, la musique ou la littérature.

Valérie Gassien, en amour avec Montréal et le monde
Elle commande un café, goûte chaque gorgée avec attention. La photographe aime prendre le large. Photographier, c’est suspendre un instant, laisser les choses advenir. Elle boit son café comme on capte une image : avec la même attention patiente. Depuis quelques années, elle photographie avec un rythme religieux les grands festivals : Les Francos, le Festival de jazz de Montréal, Nuit d’Afrique... Debout, comme un arbre géant, elle immortalise le Québec. Elle photographie les personnalités : ce magnifique portrait de Stéphane Martelly, Bethovas Obas. Elle photographie le temps, les jours qui filent sans tendresse. Elle photographie le visage de la ville. Quand elle est triste, gaie, bizarre. Valérie Gassien est une photographe, mais surtout manique du clic. Parce qu’en un jour, on a des images de la ville dans tous ses mouvements.
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