C'est un incontournable du mois de novembre... Au cœur du Palais des congrès, dans une atmosphère déjà chauffée par les passionnés du livre, le Salon du livre de Montréal occupe l'espace. L'édition 2025 se place sous le signe du réenchantement. La mairesse de Montréal, le ministre de la Culture, le maire de Laval, des représentants de l’Acadie et de l’écosystème littéraire québécois se sont succédé sur scène, rappelant chacun à sa manière la puissance des livres dans une société souvent secouée. Puis vinrent les deux temps forts de la soirée : le Prix Fleury Mesplet, remis à Rodney Saint-Éloi, et le Prix littéraire Jeannette Bertrand, décerné à Élisabeth Lemay pour L’été de la colère. Une cérémonie à la fois politique, poétique et profondément humaine.


« Le Salon est un vibrant événement ouvert à toutes et à tous, où l’on circule, où l’on découvre, où l’on se laisse surprendre »
Dès les premières minutes, le ton était donné : l’édition 2025 du Salon du livre se veut accessible, ouverte et profondément citoyenne. Son directeur général, Olivier Gougeon, a rappelé que cette grande rencontre littéraire « se déploie sous le thème du réenchantement », une invitation à retisser le lien entre la société et le pouvoir transformateur des livres. « Le Salon est un vibrant événement ouvert à toutes et à tous, où l’on circule, où l’on découvre, où l’on se laisse surprendre », a-t-il lancé.
Dans une salle attentive, le public a accueilli la nouvelle mairesse de Montréal, Soraya Martinez Ferrada. Touchée, elle a raconté sa rencontre marquante avec l’autrice Caroline Dawson : « Son histoire, c’est un peu la mienne, celle de tant d’immigrants qui trouvent ici un pays d’accueil et une langue dans laquelle recommencer. » Un moment simple et fort, comme un aveu public de gratitude envers la littérature.

Montréal, Laval et l’Acadie réunies autour du livre
Aux côtés de la mairesse de Montréal, le maire de Laval a souligné l’importance de la culture dans sa transformation urbaine. « Une ville, ce n’est pas que du béton, c’est d’abord des émotions », a rappelé Stéphane Boyer.
Puis Émilie Caissie-Richard, directrice de la Société Nationale de l’Acadie nous a expliqué que, cette année, l’Acadie prend vie au cœur du Salon du livre de Montréal avec un espace inédit : le Motel Acadie – « Entrez, lisez, rêvez. ». Véritable halte littéraire, culturelle et festive, le Motel Acadie se veut un lieu de passage et de rencontre où les mots, les voix et les accents se croisent, se répondent et se célèbrent.

Fruit d’une collaboration entre la Société Nationale de l’Acadie (SNA) et le Salon du livre de Montréal, cette initiative marque une première historique qui met en lumière les liens profonds entre l’Acadie et le Québec. Grâce à l’appui du gouvernement du Québec, cette présence à grande échelle souligne la volonté commune de faire rayonner l’Acadie et de créer des ponts entre les créateurs et les publics des deux régions.

Les institutions du livre réaffirment leur engagement
Radio-Canada, partenaire historique
Mélanie Thivierge, première directrice d’ICI Première, a rappelé avec force que la littérature est . Son discours a enflammé la salle :
« La lecture, c’est un acte fondamental qui rapièce notre tissu social, parfois un brin effiloché. »
Elle a rappelé le rôle décisif des émissions littéraires, des podcasts et des prix Radio-Canada pour amplifier les voix d’ici.
Les éditeurs défendent la diversité des voix
La présidente de l’ANEL, Geneviève Pigeon, a évoqué un écosystème fragile mais résilient : hausse des coûts, baisse des revenus, financement insuffisant… mais toujours cette même conviction que « la lecture est un rempart essentiel contre le repli ». Elle a également souligné les 50 ans des éditions féministes québécoises : un demi-siècle de résistances et de voix puissantes.

Un plaidoyer lumineux du ministre de la Culture
Lorsque le ministre Mathieu Lacombe s’est avancé au micro, la salle s’est tue d’un seul souffle. Il a choisi de parler « en tant que lecteur », confiant que la lecture avait littéralement changé sa vie.
« Même quand on est seul avec un livre, on n’est jamais vraiment seul. »
Il a évoqué sa mère, dont la solitude fut brisée par les livres, et son fils, qui a trouvé dans la lecture la confiance qui lui manquait. Un témoignage intime, rare, qui a tiré des applaudissements spontanés.

René Saint-Éloi, lauréat d’un Prix Fleury Mesplet bouleversant
Le premier prix remis fut le Prix Fleury Mesplet, récompensant une contribution exceptionnelle au monde du livre. Cette année, il est allé à Rodney Saint-Éloi, poète, éditeur, fondateur de la maison d’édition Mémoire d’encrier — et figure majeure des littératures diasporiques.
La salle entière a retenu son souffle durant son discours, un moment d’une intensité rare. Il a parlé de Haïti, de sa grand-mère, de la dictature, des livres manquants, de la vie dans le noir. Il a rappelé que « les livres sont le don que nous font les morts pour nous aider à vivre ».
« Vivre sans désir, c’est s’effondrer soi-même. Éditer, c’est faire du feu pour éclairer les points d’ombre. »
Des mots qui ont traversé la salle comme une onde. Ce fut l’un de ces moments où la littérature reprend toute sa place : essentielle, lumineuse, nécessaire.

Élisabeth Lemay remporte le Prix littéraire Jeannette-Bertrand
Présidé par Pauline Marois, le jury a décerné le Prix Jeannette-Bertrand à Élisabeth Lemay pour L’été de la colère, un livre « coup de poing » où la violence patriarcale est démontée avec une lucidité brutale.
« La colère devient matière vive, moteur de lucidité. » commentaire du jury

La réaction de Jeannette Bertrand : émouvante et lucide
Lorsque Jeannette Bertrand s’est avancée pour prendre la parole, la salle s’est immédiatement levée. Elle a raconté avoir presque perdu la vue cet été « Deux mois sans lire… j’étais devenue enragée. La lecture est comme une drogue dure. » Puis, présentant la lauréate, elle a confié « Ce livre me pose des questions, et j’aime les livres qui me font réfléchir. »
Un moment d’une grande humanité.

Alexis Martin, le batteur qui a donné un souffle à la soirée
Dans l’ombre des projecteurs, mais au centre des respirations de la salle, Alexis Martin, batteur montréalais à l’énergie subtile et maîtrisée, a accompagné toute la cérémonie comme un fil musical tendu entre les discours. Chaque transition, chaque prise de parole était soutenue par ses ponctuations légères, parfois vibrantes, parfois presque murmurées. Sa présence donnait au protocole une chaleur inattendue : un battement continu, humain, presque intime.
Le salon se termine dimanche soir. La programmation est ici
Le livre comme promesse
Impossible de quitter le Salon du livre sans être frappé par la densité humaine de cette soirée. Dans chaque discours, dans chaque regard, dans l’émotion palpable des prix remis, une conviction traverse la scène : le livre reste l’un des derniers lieux d’humanité partagée.
Ici, on lit pour comprendre.
On lit pour survivre.
On lit pour faire exister ce qui, autrement, disparaîtrait sans bruit.
Le Salon vient d’ouvrir ses portes. Les récits commencent à peine.
Et l’on repart avec une question ouverte : quelles voix inattendues choisiront-elles, cette année, de nous réenchanter ?
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