Ouvrier spécialisé en horlogerie devenu conseiller en itinéraires nord-américains, Jérémy Gresset a réinventé sa vie en traversant l’Atlantique. Installé à Vancouver, il a créé Canada Escape, un service d’accompagnement sur mesure pour voyageurs déboussolés par l’immensité du pays. Un parcours personnel, intime et méthodique, qu’il revendique comme une seconde naissance.
« Je travaillais en Suisse depuis presque dix ans quand ma vie a basculé », raconte-t-il avec une franchise désarmante. Une séparation, un besoin d’air, et l’envie de faire un pas de côté. Originaire de l’Est de la France, il vivait alors près de la frontière suisse et œuvrait pour Cartier, réglant des machines de précision destinées à sculpter bijoux et pièces d’horlogerie.
Ce souci du détail n’a jamais cessé de le définir. Lorsqu’il voyageait, son plaisir était ailleurs : organiser, structurer, anticiper. « Je faisais mes tableaux Excel, mes itinéraires, mes recherches… C’était devenu naturel. » Un talent discret, mais déjà une vocation.
Son premier séjour au Canada, en 2019, agit comme une secousse douce : un pays vaste, des distances qui défient l’intuition, une nature sans frontières. Deux ans plus tard, quand le besoin de repartir se fait sentir, l’évidence s’impose. Il quittera sa vie, sa région, son confort. Il traversera l’Atlantique.
Québec, Vancouver : refaire sa vie en traversant un pays-continent
L’atterrissage canadien se fait au Québec, à Trois-Rivières, où il vit un an avant de reprendre la route. Littéralement. Il traverse le pays au volant de sa voiture, étape après étape, du fleuve Saint-Laurent aux Rocheuses. « J’ai tout mis dans ma petite voiture et j’ai roulé. » Une traversée en forme d’apprentissage intime des paysages, mais aussi des distances qui façonnent la vie canadienne.
C’est finalement Vancouver qui s’impose. « Pour moi, c’est la bonne combinaison : proche de la montagne, de l’océan, de la nature. » Il découvre aussi une ville plus froide humainement, plus cosmopolite, et bien plus chère que le Québec.
« Mon salaire est quatre fois plus élevé… mais mon loyer aussi. »
Loin de tout romantisme, il décrit avec précision un quotidien recomposé : un travail du lundi au vendredi sur machines à commande numérique, du kayak l’été, du foot le week-end, et une vie de couple avec une jeune femme mexicaine rencontrée… sur une application d’échange linguistique.
Naissance de Canada Escape : transformer une passion en méthode
C’est cette même rigueur qui l’amène, en 2023, à structurer ce qu’il faisait instinctivement depuis des années : aider ses amis à planifier leurs voyages. Canada Escape naît ainsi comme une évidence. « Je ne peux pas faire les réservations à leur place, je ne suis pas encore une agence de voyage. Mais je crée un carnet de voyage complet : itinéraires, cartes, liens de réservation, conseils… tout est organisé. »
Les premiers clients arrivent vite : des familles de douze personnes, des couples, des parents rendant visite à leurs enfants expatriés.
« Ce qui revient toujours, ce sont les distances. On ne se rend pas compte de ce que représente conduire des Chutes du Niagara à Québec ou Montréal. »
Il ajuste ses prix, teste son marché, répond sur les groupes Facebook pour construire pas à pas sa crédibilité. « Je préfère commencer bas, me faire connaître, puis augmenter progressivement. »
Ce qu’il propose, c’est un modèle simple et humain : un interlocuteur unique, disponible du premier au dernier jour, prêt à ajuster un programme en temps réel. « Je les accompagne jusqu’à leur retour en France. »
Le Canada comme recommencement
À l’écouter, on comprend que Canada Escape n’est pas seulement un projet professionnel. C’est le récit parallèle d’une reconstruction. Loin de l’image fantasmée de l’expatriation, Jérémy raconte les banques qui ne suivent pas d’une province à l’autre, les assurances à refaire, les permis à repasser, et cette sensation « d’entrer dans un autre pays » en traversant une simple frontière provinciale.
Mais aussi la joie des barbecues sur la plage, des montagnes accessibles en trente minutes, du football joué en français, de l’amour rencontré au détour d’une application linguistique.
« Je veux aller plus loin, prendre le temps, grandir étape par étape », dit-il. Pas pour devenir influenceur du voyage, mais pour offrir une navigation claire à ceux qui n’osent pas s’aventurer seuls dans l’immensité canadienne.
Une route encore à tracer
Canada Escape n’en est qu’au début de son histoire, mais il porte déjà en lui l’élan de ceux qui réinventent leur vie en inventant celle des autres. Jérémy Gresset continue de construire, d’apprendre, d’organiser, comme on cartographie un territoire encore inconnu. Reste à savoir où sa propre route le mènera — quelque part entre les Rocheuses, l’océan Pacifique… et les rêves de ceux qui lui font confiance.
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