À la tête de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), depuis 2021, Marie Grégoire défend une vision audacieuse : faire de BAnQ le cœur d’une société apprenante et ouverte sur la Francophonie.


Une institution singulière dans le paysage mondial
BAnQ occupe une place particulière : elle réunit dans une même enveloppe une bibliothèque nationale, des archives nationales et une bibliothèque publique. Un modèle rare au monde, seulement partagé avec Singapour. « Ce regroupement permet de servir à la fois la mémoire collective et le grand public », rappelle Marie Grégoire. Depuis l’ouverture de la Grande Bibliothèque en 2005, l’édifice est devenu un lieu emblématique de Montréal, pensé comme un écrin de la culture québécoise et un carrefour citoyen.
Douze bâtiments, un emblème majeur
BAnQ, ce n’est pas qu’un seul lieu, mais un vaste réseau de douze édifices répartis sur tout le territoire, dont dix centres d’archives régionaux qui assurent la conservation et l’accessibilité de la mémoire québécoise. Mais son édifice le plus emblématique reste la Grande Bibliothèque, inaugurée en 2005.
Sa genèse remonte à la fin des années 1990 : inspirée par un éditorial de Lise Bissonnette, alors directrice du quotidien Le Devoir, qui revenait fascinée de la Bibliothèque François-Mitterrand (BnF) à Paris, l’idée séduit le Premier ministre Lucien Bouchard. Un concours d’architecture est lancé, donnant naissance à ce bâtiment devenu un repère culturel et symbolique du Quartier Latin. « C’est un écrin de la culture et du savoir québécois », souligne Marie Grégoire.

Un moteur de la métamorphose du Quartier Latin
Implantée au cœur du Quartier Latin, la Grande Bibliothèque n’est pas seulement un lieu de savoir, mais un véritable catalyseur pour la revitalisation de ce secteur en pleine transformation. BAnQ collabore étroitement avec l’UQAM, la Société de développement commercial (SDC Quartier Latin) et d’autres acteurs pour que ce quartier étudiant, culturel et résidentiel redevienne un pôle vivant.
« BAnQ, c’est bien plus qu’une bibliothèque : c’est un lieu de rassemblement qui contribue à la dynamique culturelle, économique et citoyenne du Quartier Latin » - Marie Grégoire
Par ses ressources, ses services et sa programmation, l’institution attire aussi bien les étudiants que les résidents du quartier. Elle agit comme un point d’ancrage, reliant le milieu académique, les commerces, la vie citoyenne et la mémoire collective. Dans ce quartier en quête de renouveau, BAnQ se positionne comme un pilier capable de fédérer les énergies et d’incarner une Francophonie urbaine vivante.

BAnQ en chiffres (2023-2024)
12 édifices ouverts au public : la Grande Bibliothèque, la Bibliothèque nationale (site Rosemont) et 10 centres d’archives répartis sur le territoire du Québec.
1,5 million de visites dans ses bâtiments.
15,5 millions de visites en ligne sur ses sites et plateformes Web.
10,8 millions de visites à BAnQ numérique, sa plateforme patrimoniale.
419 840 abonnés.
23,2 millions de documents à découvrir dans ses édifices.
25,3 millions de titres offerts en ligne.
3 millions de documents empruntés ou consultés sur place.
50 millions de documents numériques consultés en ligne.
66 423 participants aux 1 138 activités culturelles et éducatives.
718 employés au service du public.
111,3 M$ de dépenses totales pour l’exercice 2023-2024.

De la mémoire à l’innovation
La mission de BAnQ dépasse la simple conservation. Avec le dépôt légal instauré dès 1968 et élargi en 2022 aux publications numériques, et tout en ouvrant des horizons sur le savoir du monde entier, l’institution se positionne comme gardienne du patrimoine documentaire du Québec.
« Nous préservons ce qui se publie au Québec pour les générations futures, tout en rendant ces contenus consultables sur place et en ligne », précise Mme Grégoire. Mais l’enjeu n’est pas uniquement patrimonial : il s’agit aussi de rendre ce savoir vivant, accessible et exploitable à l’heure du numérique.

Une PDG engagée pour une société apprenante
Nommée à la tête de BAnQ en juillet 2021, Marie Grégoire a inscrit son mandat dans une vision claire : bâtir un Québec apprenant. « Une société qui mise sur la capacité d’apprendre de chacun et chacune est mieux équipée pour faire face aux défis d’un monde en transformation. On apprend tôt dans la vie, on apprend à apprendre et on apprend toute la vie », insiste-t-elle.
Sous son impulsion, des initiatives comme L’audace des possibles ont vu le jour. Depuis 2022, ce rendez-vous annuel favorise l’apprentissage en créant un espace propice au partage d’idées et au réseautage, rassemblant les professionnels des milieux documentaires et archivistiques ainsi que des acteurs issus de divers secteurs de la société.
La Francophonie comme horizon
Le projet dépasse les frontières québécoises. Marie Grégoire préside le Réseau francophone numérique, qui regroupe une trentaine d’organisations — bibliothèques nationales, archives nationales et universités — œuvrant depuis 2006 à la numérisation et au partage du patrimoine documentaire francophone.
« Notre rôle est de préserver ce patrimoine, mais aussi de contribuer à une intelligence artificielle aussi intelligente en français qu’en anglais » - Marie Grégoire
BAnQ s’inscrit ainsi dans un dialogue international, où la Francophonie devient un terrain privilégié pour expérimenter cette vision d’une planète apprenante.
Une institution en devenir
Alors que la fusion des entités (bibliothèque nationale, archives et bibliothèque publique) fêtera ses vingt ans en 2026, BAnQ s’impose comme un acteur central du savoir au Québec. Mais l’institution doit continuer à relever des défis : renforcer l’accès au numérique, consolider ses partenariats et maintenir sa place dans un monde en mutation. Comme le résume Mme Grégoire, « notre mission est de partager le savoir et la culture québécoise, en veillant à ce que personne ne soit laissé de côté ».
BAnQ, moteur possible d’une Francophonie en mouvement
BAnQ n’est donc pas qu’un lieu où l’on emprunte des livres : c’est un projet de société qui relie mémoire, innovation et inclusion. À l’heure où la Francophonie cherche de nouveaux modèles pour renforcer ses liens, l’expérience québécoise pourrait inspirer bien au-delà de ses frontières. Reste à savoir comment cette ambition s’articulera dans les années à venir : BAnQ sera-t-elle l’un des moteurs d’une Francophonie réellement apprenante et partagée ?
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